Le covoiturage : la solution pratique pour se rendre à Rouen est-elle vraiment efficace ?

Le covoiturage reste une solution efficace pour acheminer des travailleurs à Rouen. Mais quelques contraintes se posent parfois.

Rouen, 110 000 habitants, des milliers de travailleurs extérieurs et beaucoup d'habitudes différentes pour se rendre au bureau. Entre le covoiturage, solution très appréciée, mais pas toujours plébiscitée, le train, pratique mais pas toujours fiable et le bus qui dessert une vaste zone, mais dont les horaires sont contraignants, la multiplicité des moyens n'arrange pas toujours les travailleurs et les étudiants.

Tôt le matin, des centaines de voitures arpentent les rues de Rouen (Seine-Maritime). Pour certaines, elles sont remplies de passagers qui, souvent, ne se connaissent pas. Après quelques dizaines de kilomètres, ils descendent dans l'un des multiples points de dépôt de la ville, à défaut de réelle aire de covoiturage, et se rendent à leur travail, soit à pied, soit en bus, soit en tram.

Même spectacle à la gare de Rouen Rive-Droite. Entre 7h et 9h, près d'un millier de personnes débarquent des trains. Elles ont parcouru jusqu'à 150 km pour se rendre au travail. Les usagers de la SNCF doivent parfois composer avec des perturbations sur le réseau ou des retards de trains.

Tous les jours, à la halte routière, ce sont les bus qui acheminent les passagers vers leur ville de travail. Les multiples lignes mises à disposition du public permettent de servir des communes relativement isolées et qui sortent pour la plupart de l'aire d'influence de Rouen. Mais la fréquence de passage pose parfois problème au vu des horaires de travail de chacun.

« On est condamnés à prendre la voiture »

Certains automobilistes aimeraient bien faire profiter des avantages du covoiturage à d'autres passagers... mais ne trouvent personne. Benoît est confronté à ce cas depuis son inscription sur les sites de covoiturage, « il y a trois ou quatre ans », dans ses souvenirs.

Benoît, artisan, travaille à Rouen depuis trente ans et vit à Acquigny (Eure) depuis 1999. Ce village de 1 600 habitants est peu desservi en transports. « La gare la plus proche est à Val-de-Reuil et les quelque cars qui circulent à Acquigny ne conviennent pas à mes horaires de travail. On est condamnés à prendre la voiture », soutient Benoît, qui s'est juré de « ne plus jamais prendre le train ».


Benoît voyage tous les jours avec sa fille, scolarisée au lycée Jeanne-d'Arc, à Rouen. « Ma profession me permet d'être flexible sur mes horaires », assure l'artisan, qui, en général, part « vers 7h30 pour arriver à 8h à Rouen » et qui a pu adapter son emploi du temps à celui de sa fille.

En dehors de son absence de passagers pour partager la route avec lui, Benoît est confronté à un autre problème. « À ma connaissance, nous sommes quatre à vivre à Acquigny et à travailler à Rouen. Mais nous n'avons pas d'horaires en commun, alors c'est impossible pour nous de partir et de rentrer en même temps », détaille-t-il.

Pour autant, Benoît n'a pas abandonné l'idée de mettre en place un covoiturage depuis sa commune de l'Eure. « Si la demande de détour est raisonnable, il n'y a pas de problème, je suis assez souple à ce sujet. Mais il ne faut pas me demander d'aller chercher la personne à domicile et de la déposer au pied de son travail, il faut rester réaliste», précise-t-il.

Si près et pourtant si loin

Stéphanie tient un petit commerce dans la rue aux Juifs, en face du palais de justice. Elle se déplace quotidiennement en voiture depuis son domicile de Saint-Aubin-Celloville (Seine-Maritime), situé à un peu moins de 15 km de son lieu de travail.


Elle éprouve également des difficultés à trouver des passagers pour un covoiturage. « L'offre de transports en commun est assez pauvre dès qu'on sort de la Métropole », constate-t-elle. "La desserte ne va pas assez loin pour une métropole de cette taille".

La commerçante gare sa voiture dans un petit parking privé, qui lui coûte 60 euros par mois. « J'ai tout essayé par le passé : le bus, puis le Filo'R, sans oublier le vélo... Je continue de venir en vélo mais en hiver, c'est plus difficile ! », s'amuse-t-elle. Stéphanie dit pourtant préférer le deux-roues à tout autre moyen de locomotion. « C'est le bonheur », ajoute-t-elle.


Stéphanie milite pour la création de pistes cyclables dans l'est de la Métropole. « Un projet de piste entre Bonsecours et Boos, d'environ 8 km, était à l'étude. Il n'a jamais vu le jour. Alors les cyclistes roulent sur la départementale », explique-t-elle.

Il est également difficile de se rendre en car à Rouen pour la résidente de Saint-Aubin-Celloville : « Il existe une ligne Rouen-Évreux-Louviers. Mais l'arrêt le plus proche de chez moi se trouve aux Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen », complète Stéphanie.

La commerçante essaie de s'organiser avec ses collègues du milieu associatif, dont les activités sont concentrées au Mesnil-Esnard. Mais pour trouver d'autres travailleurs de Saint-Aubin-Celloville, la tâche est plus compliquée : « On ne travaille jamais aux mêmes horaires. Mon commerce ouvre de 10h30 à 19h, il y a un décalage avec les autres », analyse-t-elle.

Venir d'un territoire enclavé

M. travaille sur la rive gauche de Rouen et parcourt chaque jour près de 100 km pour assurer l'aller-retour entre son lieu de travail et son domicile de Gournay-en-Bray (Seine-Maritime).

La petite ville de 6 000 habitants, au sud-est de la Seine-Maritime, aux confins du pays de Bray, se trouve à 30 km de Beauvais (Oise). « Nous avons toutes les infrastructures qu'il faut, mais au niveau de la desserte en transports, c'est plus problématique », déplore M.

Gournay-en-Bray est reliée directement à Rouen par la route nationale 31. Une ligne de cars assure également la liaison avec la préfecture de Seine-Maritime. « Il n'y a qu'un car le matin et un le soir et ça ne correspond pas à mes horaires », expose M.


La ligne la plus proche du domicile de M. se situe à Serqueux, à 20 km, ce qui rend impossible tout trajet en train pour le travail. En voiture, M. doit faire face à un flux très intense de voitures et de camions sur la nationale 31, notamment à l'approche de Rouen.

M. évoque également le souci d'écologie dont font preuve les covoitureurs. « Évidemment, il y a un enjeu d'écologie, au-delà des économies qu'on réalise et du partage de la route avec d'autres personnes. Il y a énormément de voitures qui passent chaque jour à Rouen. Ça désengorgerait les routes », complète-t-elle.

Des initiatives pour étendre la pratique

En 2008, le Département de Seine-Maritime avait lancé le site www.covoiturage76.net pour sensibiliser les travailleurs à adopter le réflexe du covoiturage.

Vingt aires de covoiturage étaient proposées en Seine-Maritime à son lancement, ainsi qu'un partenariat avec vingt-deux entreprises dans le département.

À ce jour, le succès rencontré est mitigé. De nombreux utilisateurs proposent leurs services mais répondent souvent qu'ils n'ont eu que peu voir pas de demandes du tout.

Les réseaux sociaux sont également utilisés pour proposer des trajets. L'intérêt est de contourner les frais de réservation applicables sur certains sites, en particulier lorsque les internautes proposent leurs trajets directement sur le réseau social : ils ne doivent pas verser de commission à un site spécialisé.

Ainsi, un groupe Facebook public, nommé Covoiturage étudiant Rouen, a vu le jour il y a près de cinq ans pour proposer des trajets entre étudiants qui souhaitent se déplacer pour le week-end ou rentrer dans leur ville d'origine. En février 2018, le groupe Facebook comptait plus de 4 100 membres.

Un immense trafic hors covoiturage

En dehors du covoiturage, les personnes qui se rendent à Rouen, notamment pour les études ou pour le travail, transitent par la halte routière. De nombreuses lignes de cars desservent la Normandie et permettent à des centaines de véhicules d'acheminer des milliers de voyageurs.



Rouen est également reliée à treize villes sur FlixBus, un service de voyage en autocar : Bruxelles (Belgique), Lille (Nord), Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), Dieppe (Seine-Maritime), Amiens (Somme), Paris, Caen (Calvados), Avranches (Manche), Rennes (Ille-et-Vilaine), Nantes (Loire-Atlantique), Lyon (Rhône), Voiron et Grenoble (Isère).

Beaucoup de travailleurs continuent d'utiliser le train comme moyen de locomotion, en particulier lorsqu'ils proviennent de villes lointaines. C'est le cas pour les usagers de Caen, de Lille, de Paris... Au total, lors du pic de fréquentation, entre 7h et 9h, 24 trains arrivent à la gare de Rouen Rive-Droite chaque matin.

Conclusion : le covoiturage, solution la plus pratique

La plupart des trajets à Rouen sont faits en voiture et représentent moins de 5 km. Mais la ville attire des travailleurs et des étudiants venus de la France entière. Pour les déplacements moyens, la voiture reste la solution privilégiée pour se rendre dans la ville aux 100 clochers.

L'intérêt de pratiquer le covoiturage est de réduire le flux de voitures qui convergent tous les jours vers Rouen, mais il est parfois difficile de se caler sur les horaires d'autres travailleurs. Ces derniers, ainsi que les étudiants, continuent d'exploiter ce genre d'initiatives pour optimiser leurs trajets.