À Caen, l'habitat participatif s'ouvre à tous, pour le meilleur... ou pour le pire ?

De belles initiatives, faites d'échanges et de partages, mais aussi de conflits et de bisbilles.

L'habitat participatif, c'est un truc de « bobos » ? Pas si sûr. À Caen (Calvados), deux bailleurs sociaux se sont intéressés à ce type d'habitat, tout en s'inspirant d'un éco-quartier déjà existant, créé par une communauté d'habitants. De belles initiatives, faites d'échanges et de partages, mais aussi de conflits et de bisbilles.

L'habitat participatif, qu'est-ce que c'est ?

Mohamed Tahar Nouira est doctorant en architecture et en urbanisme. Il étudie l'habitat participatif en Normandie. (©ML/Normandie-actu)

Mohamed Tahar Nouira est doctorant en architecture et en urbanisme. Il en train d'écrire une thèse sur l'habitat participatif en tant que solution de production de logement abordable au sein du laboratoire Espaces et sociétés de l'université d'Angers (Maine-et-Loire).

L'universitaire a trois terrains d'observations : l'éco-quartier de Louvigny, près de Caen, les Z'écobâtisseurs, le projet d'immeuble participatif, rue Docteur Calmette à Caen, et un projet d'une résidence participative seniors dans le quartier de la Grand Mare à Rouen (Seine-Maritime).

Il a analysé pendant de nombreuses heures le fonctionnement de l'éco-quartier de Louvigny, mais aussi les projets en construction de Caen et de Rouen. L'universitaire décrit sa vision de l'habitat participatif.

Normandie-actu : Qu'est-ce qu'un habitat participatif ?

Mohamed Tahar Nouira : C'est un groupe de personnes qui se rassemblent pour concevoir et gérer leur habitat ensemble avec une partie privative et des espaces communs à partager. Cela peut être un habitat déjà construit ou un habitat neuf, en location ou en propriété. Un habitat participatif n'est pas forcément écologique, même s'il y a souvent des ambitions environnementales dans ce type de logements.

Un habitat est dit participatif même s'il n'y a qu'une buanderie en commun. Il n'y a pas de curseur défini au niveau de l'aspect participatif de l'habitat. Tout cela se développe en fonction du groupe d'habitants. Ce sont eux qui décident.

Quand est né l'habitat participatif ?

L'institutionnalisation du terme est récente, mais l'habitat participatif a émergé il y a déjà de nombreuses années avec les Castors, un mouvement d'autoconstruction coopérative né à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans des circonstances de crise de logement. Des habitants se sont réunis pour reconstruire ensemble leur logement en Gironde, dans les Pays de la Loire et en Bretagne. Ces habitats étaient accolés et munis de cours communes.

Dans les années 1970, un autre mouvement est né : le mouvement de l'habitat groupé autogéré. Le but était de contrebalancer les grands ensembles et de proposer des constructions personnalisées. Le groupe conçoit l'habitat participatif tel qu'on le connaît aujourd'hui avec des logements privatifs et des espaces partagés.

Depuis ces premières expériences, comment s'est développé l'habitat participatif en France ? Et en Normandie ?

On compte environ 400 projets en France, dont beaucoup sont concentrés en Bretagne, Pays de la Loire, Gironde, soit les régions des anciens Castors. Mais aussi à Strasbourg, une région sous l'influence allemande. Nous avons beaucoup moins développé le modèle qu'en Allemagne. Depuis les années 1980, la France a plutôt évolué vers le modèle de la villa périurbaine personnelle.

En Normandie, l'habitat participatif est très peu présent. Aujourd'hui, il n'y a que l'éco-quartier de Louvigny qui existe. Mais il y a des projets au Havre, à Rouen et à Caen.

Pourquoi ce type de projets s'est si peu développé en Normandie ?

Quand on voit le temps que cela peut prendre pour monter ces projets, soit six à sept ans, cela peut décourager. Mais aujourd'hui, il faut savoir que ces projets sont de mieux en mieux accompagnés par des professionnels spécialisés, ce qui peut considérablement diminuer le temps de montage. À Nanterre, par exemple, un habitat participatif a vu le jour en quatre ans.

Ce qui a changé également aujourd'hui, c'est que ce type d'habitat peut être à l'initiative d'habitants, mais aussi de collectivités. Dans les grandes villes, les terrains que les mairies n'arrivent pas à vendre, appelés les « dents creuses », sont souvent proposés à l'habitat participatif. Cela répond à des enjeux de diversification urbaine et de mixité sociale.

Ce qui est encore plus nouveau, c'est l'intervention des bailleurs sociaux, qui proposent eux aussi des logements en habitat participatif. L'État a également facilité les choses en mettant en place un cadre sur l'habitat participatif avec la loi Alur de 2014.

Quels peuvent être les intérêts de l'habitat participatif  ?

L'intérêt est principalement social. Le fait d'avoir des parties privatives pour le logement, mais aussi des espaces communs favorisent les relations sociales, les échanges de services... Mais ce côté social et participatif peut être soit beaucoup développé, soit restreint. Tout se décide en fonction de la dynamique du groupe.

Dans les groupes d'habitants, vous trouverez toujours des gens qui préféreraient qu'il y ait plus de participatif, d'autres qui en voudraient moins... Mais l'habitat participatif, c'est un peu comme quand on travaille dans une entreprise. Soit on accepte les valeurs du groupe, soit on part. Il faut vraiment s'adapter à chacun.

À Louvigny, les Z'écobâtisseurs, les pionniers de l'habitat participatif normand

Treize familles vivent dans l'éco-quartier de Louvigny, depuis 2011. (©DR)

Dans le bourg de Louvigny, près de Caen, des maisons mitoyennes en bois sont entourées de verdure. Au milieu, une petite boulangerie bio vend pains et viennoiseries. Et des jardins cultivés entourent les bâtiments. L'ambiance semble paisible.

Pascal Gourdeau, 60 ans, a emménagé dans l'éco-quartier de Louvigny avec sa compagne, Hélène, 61 ans, en 2012. 

Nous avions démarré le projet en 2006, précise-t-il. À l'époque, il y avait très peu d'expériences d'habitats participatifs en France. Nous nous sommes lancés dans cette grande aventure collective sans savoir vraiment où nous allions. C'est un véritable projet de vie, pas seulement un projet de logement.

N'ayant que très peu d'expériences sur lesquelles s'appuyer, le groupe de Louvigny, baptisé les Z'écobâtisseurs, s'est heurté à de nombreux obstacles : banques hésitantes, notaires dubitatifs, un aménageur parapublic circonspect...

Après plusieurs longs mois de prospection et de réflexion, les futurs habitants ont réussi à trouver un terrain d'entente avec le maire de Louvigny, mais aussi une banque, des notaires, des assurances... « On a mis cinq ans pour faire tout ça, soupire Pascal Gourdeau. C'était très chronophage. Aujourd'hui, avec la loi Alur et le développement de l'habitat participatif, ce type de projet devrait être beaucoup moins long. »

Issus d'une même classe sociale

Les 13 familles de l'éco-quartier ont acheté chacune une maison, plus ou moins grande, à des prix allant de 165 000 et 250 000 euros. « Nous n'avions pas pu, à l'époque, proposer différents statuts : location, accession progressive à la propriété... Les bailleurs sociaux n'étaient pas dans cet esprit il y a plus de dix ans. »

Même s'ils ont lutté contre l'entre-soi, Pascal Gourdeau reconnaît que les Z'écobâtisseurs sont tous issus d'une même classe sociale, « il y a beaucoup de personnes du monde associatif, enseignant... Des bobos quoi ! », plaisante-t-il.

Cependant, les Z'écobâtisseurs ont dû revoir à la baisse leurs ambitions écologiques du début pour permettre à certaines familles de pouvoir rester financièrement dans le projet. « Nous étions partis sur des toitures végétales, des panneaux photovoltaïques, de la phytoépuration... Nous avons abandonné certaines choses et fait des compromis car nous voulions garder les primo-accédants dans le groupe. C'est ça aussi le vivre ensemble. »

Les maisons des Z'écobâtisseurs sont tout de même isolées en paille et chauffées avec des poêles à granulés. Elles sont hautement performantes énergétiquement. « Nous payons moins de 200 euros de chauffage par an ! »

Des espaces partagés pas si facile à gérer

En bons voisins, les Z'écobâtisseurs partagent un garage, une salle commune, deux chambres d'amis et des espaces verts.

Tous les espaces partagés ont été aménagés par leurs soins. « Nous avons pris notre temps. Tout n'est pas encore fini. À l'emménagement, nous n'avions plus d'argent et nous avons tous eu une sorte de baby blues », avoue l'habitant de Louvigny.

Après six ans de vie dans l'éco-quartier, « la salle commune est presque terminée, il y a encore du boulot dans les chambres d'amis et notre garage vient seulement d'être entièrement rangé... Mais on en est fier ! Il faut savoir que dans ce genre de projet, il y a toujours beaucoup d'inertie. »

Par ailleurs, la gestion du compost n'est pas toujours simple. « C'est même le gros bordel », sourit Pascal Gourdeau. 

Les habitants de l'éco-quartier se réunissent une fois par mois pour évoquer toutes ces questions de vivre ensemble. « C'est là qu'on parle des choses qui ne vont pas, des choses qu'on veut changer, améliorer, organiser... Tout est décidé en consensus. »

À titre d'exemple, il a été décidé que certains jardins seraient partagés, d'autres privés. « Le kolkhoze n'a pas fonctionné, ironise gaiement Pascal Gourdeau. Alors nous avons fait en fonction des envies des uns et des autres. »

Vivre ensemble, un apprentissage

Vivre avec les autres n'est pas si simple. « Il faut passer du temps ensemble, se confronter et apprendre à aménager son idée. Ce n'est pas toujours facile, car déjà, il faut se mettre d'accord dans sa propre famille et ensuite se confronter à douze autres entités sur des choses qui d'habitude relèvent du privé », argue Pascal Gourdeau.

Cependant, même s'il y a quelques « flottements », les Z'écobâtisseurs continuent de se réunir régulièrement, à « faire des fêtes ensemble » et à se donner des coups de main. En 2015, lors d'une enquête réalisée auprès des habitants, 22 personnes se disaient satisfaites du fonctionnement de l'éco-quartier. Sept auraient aimé que l'aventure soit plus participative. Et depuis 2012, il n'y a eu que trois départs et trois arrivées. Le bilan est plutôt positif.

De nombreux projets près de Caen

Et leur initiative fait des émules. Rue Docteur Calmette, à Caen, un collectif d'habitants, regroupé dans l'association Éco habitat partagé Calmette, travaille sur un projet d'habitat participatif depuis 2011. Dix-sept foyers de 35 à 90 m2 seront construits dans un immeuble, ainsi qu'une salle commune, une chambre d'amis, un garage, un atelier, un jardin partagé... « Le but est de s'entraider que ce soit aussi bien au niveau du jardin, du bricolage, de l'informatique... Mais aussi de partager des moments ensemble », précise Joël Gernez, un futur habitant.

C'est le bailleur social Caen la mer habitat qui est le maître d'œuvre. Sur les 17 logements, dix seront en prêt social location accession (PSLA) et sept seront en accession privée. « Le dispositif PSLA permet à des familles modestes d'accéder à la propriété sous certaines conditions », explique Joël Gernez. La première pierre sera posée en avril 2018 pour un emménagement en 2019.

Un autre projet d'habitat participatif est en train de se créer à Verson, près de Caen. C'est la commune qui a proposé un terrain. Pascal Gourdeau, en tant qu'habitant de l'éco-quartier de Louvigny, mais aussi membre de l'Ardes (Association régionale pour le développement de l'économie solidaire) coordonne les réunions des habitants intéressés par ce nouveau projet. « J'ai été très étonné par l'engouement suscité par le projet de Verson, assure-t-il. Une quarantaine de familles sont venues à la première réunion. »

L'habitat participatif, ce n'est pas que pour les « bobos »

Valérie Templeraud (à gauche) habite dans un des deux immeubles participatifs mis en place par le bailleur social les Foyers normands, à Colombelles, près de Caen. (©ML / Normandie-actu)

L'habitat participatif a tellement le vent en poupe qu'il s'ouvre à d'autres publics. Les bailleurs sociaux commencent à s'y intéresser. Certains ont même déjà fait le pas, près de Caen, à Colombelles. Le bailleur social les Foyers normands est le pionnier dans l'agglomération caennaise. Ils ont ouvert deux bâtiments participatifs à haute performance énergétique, à Colombelles, en juin 2016.

Et Caen la mer Habitat a deux projets en cours, un d'envergure sur la rive droite à Caen et un de taille plus réduite à Fleury-sur-Orne. 

Il y a une vraie attente de la part des personnes âgées et des personnes seules avec enfants pour l'habitat participatif, assure Virginie Bellesoeur, directrice qualité et pilotage en charge de l'innovation à Caen la mer habitat. Ce sont des compositions familiales qui ont des besoins de solidarité.

L'exemple de Colombelles

À Colombelles, sur la ZAC Jean-Jaurès, 37 familles vivent depuis juin 2016 dans des appartements en location HLM (Habitat à loyer modéré). Les bâtiments sont équipés d'une buanderie commune, d'une grande terrasse, d'une voiture électrique et de deux chambres d'hôtes. « Les chambres d'hôtes et la voiture peuvent être louées pour des sommes modiques », précise Julie Dubois, chargée de communication des Foyers normands. Une micro-crèche est également ouverte au rez-de chaussée de l'un des deux immeubles et une supérette devrait ouvrir dans les mois à venir.

En juin 2016, des locataires « militants », choisis par le bailleur social, se sont installés dans les nouveaux logements. « Nous avons sélectionné les locataires. Ils devaient écrire une lettre de motivation et nous les avons reçus pour un entretien d'une demi-heure, précise Julie Dubois, des Foyers normands. Nous voulions trouver des personnes qui avaient envie de partager des choses ensemble. »

Avant l'emménagement, les Foyers normands ont organisé une rencontre entre les habitants, autour d'un apéritif. « Il y avait beaucoup d'enthousiasme au début », assure Julie Dubois. Mais près de deux ans après l'ouverture, le soufflet semble retombé.

Des espaces partagés... très peu partagés

Les espaces partagés... sont très peu partagés. La voiture électrique n'est utilisée que par deux personnes. « Les chambres d'hôtes ont été un peu louées au début, mais depuis quelques mois, nous avons très peu de réservations », constate Julie Dubois.

La terrasse n'est pas non plus beaucoup occupée. « Il y a eu quelques soirées au début. Mais je crois que certains locataires se sont plaints du bruit que faisaient d'autres résidents », explique Julie Dubois.

La buanderie est peut-être le seul endroit partagé qui fonctionne bien dans la résidence. « Les locataires ont installé une petite étagère avec des denrées, des livres, des objets à partager, précise la chargée de communication. À une période, il y avait même une boutique de costumes. »

Une ambiance tendue

C'est Valérie Templeraud, locataire, qui avait installé ces costumes dans la buanderie. Cette ancienne danseuse, âgée de 45 ans, voulait en faire profiter les autres résidents. « Mais je me suis fait engueu... par une autre locataire parce que c'était soi-disant le bordel... Alors j'ai tout enlevé. »

Deux ans après la création de ces habitats partagés sociaux, l'ambiance semble tendue entre les locataires. Et les espaces partagés, un échec. Que s'est-il passé ? « Nous avons tenté de faire des réunions dans la résidence au début, raconte Valérie Templeraud. Avec une dizaine d'habitants motivés, nous avons frappé aux portes, organisé des rencontres... Mais à chaque fois, c'était toujours les mêmes qui venaient. »

Il a été question d'installer un compost à un moment donné. 

Nous avions mis des mots dans les boîtes aux lettres pour parler d'un compost, mais comme d'habitude, personne n'est venu. Quand les gens ne veulent pas, on ne peut pas les forcer, raconte la locataire.

Des règlements de comptes sur Facebook

S'il y a eu quelques soirées conviviales sur la terrasse, il y a rapidement eu des bisbilles entre les locataires. « Certains ne supportaient pas les jouets d'enfants qui traînaient sur la terrasse, d'autres ne supportaient pas le bruit... Ce qui fait que plus personne n'y va ! »

De son côté, Valérie héberge à titre gracieux des jeunes migrants mineurs. « Cela a créé des tensions dans la résidence et j'ai reçu des mots menaçants dans ma boîte aux lettres, mais aussi des violences verbales de la part d'autres locataires. »

La page Facebook des habitants, créée à l'emménagement, a fini par être fermée. « Elle ne servait plus qu'aux règlements de comptes », déplore Valérie. L'habitat partagé semble tourner vinaigre...

« J'ai rencontré des vrais amis »

Cependant, Valérie assure que ce ne sont qu'une minorité de personnes qui réagissent comme cela. « Mais ça suffit pour saborder une ambiance. » Dans la résidence, il existe de vrais moments de partage entre plusieurs locataires. « Nous sommes une dizaine à bien s'entendre, assure Valérie qui élève seule son petit garçon de deux ans et demi. On fait des balades en poussette avec nos enfants, des apéros l'été... Et on se rend des services, notamment pour la garde des enfants, pour la nourriture... »

En emménageant dans un habitat participatif, Valérie était venue chercher un projet de partage et solidarité. « Et un voisinage de qualité. » Si elle est déçue qu'un projet participatif ne se soit pas plus développé au sein de la résidence, elle est ravie des rencontres qu'elle a pu faire. « J'ai rencontré des gens ici qui sont devenus de vrais amis. Et j'ai appris aussi beaucoup de choses, notamment à composer avec l'autre, à prendre sur moi, la bienveillance, le respect de l'autre... »

« On ne vit pas dans le monde des Bisounours »

Pour améliorer l'ambiance, les habitants auraient aimé que le bailleur social soit plus présent afin d'animer la résidence. « Un médiateur culturel aurait pu être utile. Et des petites choses comme un abri de jardin sur la terrasse, du mobilier pour s'asseoir... », énumère Valérie Templeraud. Une salle commune aurait également été la bienvenue : « Pour les réunions, on devait se retrouver chez les uns et les autres. Nos logements sont petits, ce n'est pas très pratique. »

Le bailleur assure avoir voulu volontairement laisser les habitants s'organiser entre eux.

« Ils aimeraient que l'on soit moteur de la résidence, qu'on prenne les choses en main, constate Julie Dubois. Mais si eux ne sont pas moteurs, c'est compliqué. »

« Vivre dix ans sur le même palier sans se connaître »

Cependant, le bailleur social entend les critiques et est en réflexion pour changer la sélection des prochains locataires. « Car peut-être qu'une lettre de motivation et un entretien de 30 minutes n'est pas suffisant pour se rendre compte réellement si les gens ont envie de partager un projet participatif, remarque la chargée de communication. Contrairement à ce qu'ils ont pu nous dire, certains ont dû être attirés par l'habitat neuf... et non pas par l'aspect participatif. »

Malgré les aléas que vit le quotidien de la résidence de Colombelles, le bilan tiré par les locataires et le bailleur social n'est pas si mauvais. « Nous avons réussi à faire de belles choses et nous nous entraidons au quotidien », assure Valérie Templeraud. 

Et dans nos autres résidences, il faut savoir que des locataires peuvent vivre dix ans sur le même palier sans se connaître !, raconte Julie Dubois. Ici, ce n'est pas le cas.

Valérie rappelle que tous les locataires qui résident dans l'immeuble vivent avec des contraintes financières, mais ont aussi souvent vécu des parcours de vie compliqués. « On ne vit pas dans le monde des Bisounours, c'est sûr. Ça fighte, et c'est parfois compliqué. Mais c'est ça aussi apprendre à vivre ensemble. Se supporter, c'est se connaître », conclut-elle.

Comment faire émerger une vie de groupe dans un habitat participatif 

Rive droite, près de la polyclinique du parc de Caen, 133 logements participatifs seront construits par Caen la mer Habitat. (©CLMH)

Les projets d'habitat participatif menés par des habitants, comme à Louvigny ou rue Docteur Calmette à Caen, peuvent prendre plusieurs années avant d'émerger. Un temps qui permet aux futurs habitants de s'apprécier.

« On a fait plus de 150 réunions ensemble, compte Joël Gernez, le futur habitant de la rue Docteur Calmette. On se connaît tous très bien maintenant. Les réunions finissent d'ailleurs souvent par un repas convivial. » La vie de groupe, avant même l'emménagement, est déjà créée. Ce qui peut faciliter le partage de la vie dans les espaces communs.

À l'inverse, les projets à l'initiative des bailleurs sociaux proposent à des personnes qui ne se connaissent pas de partager des espaces. Développer une dynamique de groupe est alors plus difficile. « Nous pensions que sélectionner les locataires par rapport à leurs envies de partage pouvait être une bonne solution, explique Julie Dubois des Foyers normands. Nous avions organisé une soirée avec tous les locataires avant l'emménagement pour qu'ils se rencontrent. Mais après, nous souhaitions qu'ils s'organisent entre eux. Nous avons mis les outils en place et c'était à eux de s'en emparer. »

Mais ce n'est souvent pas si simple. Aux Foyers normands, les espaces partagés sont pour l'heure peu utilisés. « Nous sommes encore au début du projet, il faut voir comment cela évoluera », espère Julie Dubois.

Faire émerger un groupe d'habitants moteurs

Fort de ces expériences, que soit Louvigny, le projet de la rue Docteur Calmette ou encore les immeubles participatifs de Colombelles, le bailleur social Caen la mer habitat se lance à son tour dans l'habitat participatif.

Rive droite, près de la polyclinique du Parc, 133 logements vont sortir de terre à l'été 2019. Et à Fleury-sur-Orne, 30 logements en habitat participatif seront disponibles fin 2020. « Nous voulons répondre aux besoins de certains locataires : l'envie d'habiter autrement, de rompre l'isolement et d'avoir de bonnes relations avec ses voisins », précise Virginie Bellesoeur, directrice qualité et pilotage en charge de l'innovation à Caen la mer habitat..

Pour stimuler la participation des habitants du futur habitat participatif, Caen la mer habitat a déjà recruté 20 futurs locataires du projet de la rive droite. « Nous allons faire régulièrement des réunions avec eux pour faire émerger un projet commun », continue Virgirnie Bellesoeur. Une salle commune et des espaces extérieurs seront partagés. « C'est à eux de décider de ce qu'ils en feront. »

Une application au service des locataires

L'idée est de faire émerger un groupe d'habitants moteurs, « des locataires relais », dans la futur résidence qui comprendra 133 logements. Caen la mer habitat met au point également, avec le Dôme, le centre de sciences de nouvelle génération de Caen, une application afin que les futurs habitants puissent partager leurs compétences et des échanges de services entre eux.

Nous voulons mettre un outil au service de cette participation, afin que l'ensemble des résidents puissent s'approprier les biens et les services de l'habitat, informe Gaël Marguerin, le chargé de communication de Caen la mer habitat. Nous cherchons à fédérer l'ensemble des habitants afin qu'ils se sentent partie prenante de la résidence.

Caen la mer habitat espère que ces espaces partagés « s'autoréguleront » et qu'ils « vivront ». Si la création d'habitats participatifs ne coûte pas plus cher aux bailleurs sociaux, ces projets demandent une certaine mobilisation de leurs équipes. Ces initiatives demandent du temps et peuvent rencontrer des difficultés. Mais ces projets redonnent incontestablement quelques étincelles de solidarité et d'humanité dans un monde individualiste.