De la base aérienne d'Évreux aux Champs-Élysées

 Embarquement à bord d'un Transall C-160 pour le défilé du 14-Juillet

« Tout le monde n'a pas la chance de survoler Paris à si basse altitude. » À quelques jours du défilé du 14-Juillet, les hommes des escadrons de transport Béarn et Anjou mesurent leur chance. Depuis la base aérienne 105, à Évreux (Eure), ils préparent minutieusement leur vol. Vendredi 14 juillet 2017, ils passeront juste au-dessus des Champs-Élysées, jusqu'à la tribune présidentielle, à 1 100 pieds d'altitude, soit environ 300 mètres de hauteur. Embarquement à bord du dernier vol de répétition.

Pas de place pour le hasard

13h00, mardi 11 juillet. Réunis dans une salle commune, commandant de bord, pilotes, copilotes, mécaniciens navigants, navigateurs et chefs de soute passent en revue toutes les informations nécessaires au bon déroulement du vol. 

Conditions météo, vitesse, horaire de passage, liaisons radio avec les aéroports... rien n'est laissé au hasard.

« Et si l'avion tombe en panne ? »

Des procédures particulières sont également envisagées : les « What if ? » dans le jargon militaire - « Et si ? », en français. « Et si une panne avion survient avant le décollage ? Et si un avion a un problème en vol ? Et si la radio ne marche plus ? » Autant de problèmes potentiels pour lesquels une solution est prévue, avant même la vérification des appareils.

Objectif : faire rêver les spectateurs du défilé

Avant le décollage, le commandant de bord fait lui-même le tour de l'appareil. (photo : A.B)

Pour ce vol de répétition, le décollage du Transall C-160 est programmé à 14h25. L'appareil, qui sert avant tout au transport militaire tactique, survolera Paris en formation avec deux Casa CN-235. Les trois avions formeront un triangle dans le ciel de la capitale. 

« L'objectif de notre passage, c'est aussi de rendre le spectacle intéressant pour les personnes au sol », avance le Commandant Émeric.

Cinq personnes à bord, « le minimum »

À quelques minutes du décollage, l'équipage s'active à l'intérieur de l'aéronef. Tandis que le chef de soute s'assure de la bonne ouverture et fermeture des portes arrière et latérales, le commandant de bord fait un dernier tour de l'appareil, pour s'assurer de son état.  

Le copilote, le mécanicien navigant et le navigateur, eux, déroulent la check-list de décollage.

Cinq personnes à bord, c'est le minimum pour faire voler un Transall dans de bonnes conditions. Une fois en l'air, chacun sa tâche. Avec une difficulté supplémentaire lors d'un défilé aérien : gérer la présence d'autres appareils en vol, à des distances souvent très proches.

Patrouille de France, Rafale et Mirage décolleront aussi depuis Évreux

Le 14-Juillet, les avions décolleront à deux minutes d'intervalle depuis la base aérienne d'Évreux. (photo : A.B)

Défilé aérien oblige, différents appareils paraderont dans le ciel parisien, à quelques dizaines de secondes d'intervalle. Les avions de transport (Transall et Casa), les chasseurs (Rafale, Mirage), et les Alphajets des écoles de pilotage et de la Patrouille de France, décolleront depuis la base aérienne 105.

Des avions américains invités au défilé

Les F-22 et F-16 américains, invités à l'occasion du centième anniversaire de l'entrée en guerre des États-Unis dans la Première Guerre mondiale, arriveront tout droit d'Angleterre. Les A400M, eux, viendront d'Orléans, tandis que les ravitailleurs C-135 décolleront de la base aérienne d'Istres et les Awacs d'Avord. 

Parés au décollage

Après quelques minutes de roulage sur le taxiway - « C'est surtout à ce moment-là qu'il faut s'attacher car le freinage du Transall est très puissant », indique le capitaine Bertrand, navigateur - et une fois l'autorisation de décollage obtenue, le Transall se présente en bout de piste. 

Rapidement, l'appareil monte à 2 000 pieds et se lance dans la réalisation d'un circuit d'attente avant de prendre la direction de la capitale. S'il devait se rendre en ligne droite jusqu'à Paris, il lui faudrait à peine 15 minutes. 

« Ces tours en vol ont deux fonctions, détaille le commandant de bord : ils nous offrent le temps nécessaire pour que tous les appareils arrivent en sécurité dans leurs circuits d'attente – les transporteurs, capables d’emporter beaucoup de carburant, se mettant en place avant les chasseurs – et nous donnent l’opportunité d’établir les calculs indispensables pour être à l'heure dite au bon endroit. » 

Car un défilé comme celui du 14-Juillet, c'est avant tout une histoire d'extrême précision...

« Un vol comme celui-ci, c'est un très haut niveau d'exigence »

Vendredi 14 juillet, le Transall passera au-dessus des Champs-Élysées, en formation avec deux Casa. (photo : A.B)


Pour réussir cette opération particulière, bien loin des missions habituelles de l'équipage - plus familier des actions logistiques et tactiques, notamment en terrain hostile, à l'étranger - le commandant de bord s'est donc entouré de ses hommes les plus expérimentés.

« À trois secondes près »

« Un défilé aérien, ça nécessite un très haut niveau d'exigence et d'expérience », commente-t-il.

Le passage au-dessus des Champs-Élysées est chronométré à la seconde. « On nous demande d'être au-dessus de la tribune présidentielle à trois secondes près », détaille le commandant de bord.

Et si, pour une raison ou une autre, l'Élysée donnait l'ordre d'annuler le défilé, tous les appareils évacueraient en quelques secondes.

Calme et concentration

Une fois en vol, tout semble calme dans le cockpit. Seul le bruit des turbopropulseurs se fait entendre. 

Pourtant, casque sur les oreilles, l'équipage ne s'accorde pas une minute de répit. Entre communications radio et calculs complexes, c'est à peine si les hommes du Béarn ont le temps de profiter du paysage. 

Trois communications radio simultanées

« Pendant le vol, trois personnes gèrent trois radios différentes, détaille le Commandant Émeric. Nous communiquons d'abord entre nous, mais aussi avec les deux Casa qui volent à nos côtés, à une vingtaine de mètres seulement ; et avec l'extérieur, notamment avec l'aéroport Charles-de-Gaulle, qui a bloqué des zones entières pour le défilé. »

Autant de zones dans lesquelles aucun autre avion n'aura le droit de circuler vendredi 14 juillet.

Survoler Paris : « Une récompense »

Vendredi 14 juillet 2017, les spectateurs pourront assister au défilé aérien depuis les Champs-Élysées. (photo : A.B)

Une fois les boucles terminées, les calculs établis à la seconde et la coordination entre les appareils optimale, le Transall prend la direction de Paris. Tandis que commence à poindre le haut de la Tour Eiffel, le pilote entame la descente pour atteindre 1 100 pieds. 

L'Arc de Triomphe est perceptible à son tour ainsi que la tribune présidentielle. Le temps pour les pilotes d'immortaliser cette image, que très peu de personnes peuvent s'offrir.

« Participer au défilé du 14-Juillet, c'est une récompense pour mes hommes qui travaillent dur toute l'année et enchaînent les missions difficiles », indique le Commandant Émeric.

Rendez-vous à 10h45, vendredi 14 juillet

Des images plein la tête (qu'ils s'empresseront de partager avec le reste de leur unité à leur arrivée), les cinq membres d'équipage reprennent le chemin de la base aérienne ébroïcienne.

L'exercice s'est bien déroulé et tout est prêt pour le défilé. Rendez-vous vendredi 14 juillet, pour apercevoir le Transall et son équipage, dont le passage est prévu à 10h45 et 40 secondes...

Amandine Briand