L'histoire du loup qui vivait à Montpellier ! 

La famille Jouventin a vécu avec dans l'Ecusson 

De 1975 à 1980, la famille Jouventin vivait avec Kamala rue du Pila-Saint-Gély. 

Sur le sujet, Line Jouventin est discrète. Presque rechignerait-elle à évoquer ses souvenirs. « On avait 25 ans, c’est l’âge des possibles », confie-t-elle.

À l’inverse, Pierre, scientifique reconnu (lire par ailleurs) et auteur de plusieurs publication, est interrissable. Tous deux savent que l’histoire qu’ils ont vécue avec Kamala, "leur louve", est exceptionnelle. De 1975 à 1980, ils ont vécu tous les quatre, avec leur fils Eric, dans un appartement de l’impasse du Chapeau-Rouge, qui débouche sur la rue du Pila-Saint-Gély.


L’histoire a commencé sur un coup de fil de Marcel Gallet, directeur du zoo du Lunaret à l’époque. Une portée est née. Plutôt que de les sacrifier tous, le responsable propose un louveteau à Pierre, lui le comportementaliste animalier qui lui donne des conseils sur le parc, est au début réticent. Il accepte pour sa femme et son fils et parce qu’ils devaient déménager dans une maison. Mais voilà, le déménagement mettra cinq ans avant de devenir réalité. Cinq années durant lesquels la famille a vécu en meute. Tout est histoire d’imprégnation. Arrivée auprès d’eux quand elle avait une semaine, Kamala ne connaissait qu’eux.

« Elle lui léchait la figure »

« Elle se considérait comme un membre de la famille. Mon fils était un frère pour elle. Quand il avait une mauvaise note ou qu’il était triste, elle lui léchait la figure. Ma femme était la chef de meute gentille, et moi le chef de meute plus dur. » Parfois, Pierre partait de longues semaines. Au retour, il devait regagner son territoire. « C’était le plus dur. Mais en six ans, jamais elle ne nous a mordus. On a fait en sorte de la comprendre, de rentrer dans sa tête. Par exemple, si elle voulait dormir sur le lit, on ne pouvait pas l’enlever comme si c’était un chien. » Alors le couple devait ruser. « La première fois, vous l’appelez. Mais ensuite, elle s’en rappelle. Alors le deuxième jour, il faut sortir de l’appartement et sonner à la porte pour qu’elle se lève. Le troisième jour, on allume la télé pour qu’elle pense qu’on ne va pas encore aller dormir... »



Avec ses 40 kilos, Kamala occupe l’espace et les esprits. tout se réfléchit. « Quand on jouait avec un manche à balais, elle pouvait le casser d’un coup de machoire. Un loup, si vous lui fermez la porte, il la casse. L’appartement, on devait le retaper, on ne l’a jamais fait. Et on avait le strict minimum : deux lits, des chaises, un table, un frigo. Sinon, tout était sujet à catastrophe. » Et sujet également à des grands moments aussi. Notamment car Kamala était très altruiste et attrapait Line par le bas de son pull quand celle-ci se penchait à la fenêtre, ou par le bras, « délicatement », lors des baignades, quand elle avait peur que sa maîtresse se noie.

Une langue de bœuf sous l’oreiller

Tout, en fait, était réglé autour de la louve. Jamais elle ne restait seule, au risque qu’elle hurle. Les balades, c’était tous les jours, parfois même juste dans la rue mais la plupart des voisins pensaient qu’il s’agissait d’un chien. Pour la nourriture, ils se fournissaient chez un boucher chevalin, à côté de la préfecture. Tous les deux, trois jours. Mais il fallait trouver la bonne quantité. Ni trop peu, ni trop, sinon Kamala allait cacher le surplus. C’est comme ça que Pierre s’est retrouvé avec une langue de bœuf sous l’oreiller...



C’était il y a quarante ans. Si c’était à refaire ? Là-dessus, Pierre préfère se montrer raisonnable : « Si on a été, à ma connaissance, les seuls au monde à le faire, c’est qu’il y a une raison. Moi, c’était mon métier. Et Line était douée. Mais c’est trop difficile, trop dangereux. Et puis aujourd’hui, c’est interdit, tout simplement ! »

Thierry JOUGLA

Une vie auprès des animaux


Ancien directeur de recherche au CNRS, Pierre Jouventin a passé sa vie a étudié les animaux. Ses spécialités : le signe dans la forêt équatoriale et le manchot empereur en Antartique. « J'ai passé là-bas huit ans et demi de ma vie. » Il a d’ailleurs réalisé un court métrage de 30 minutes Le paradoxe de l’empereur dans les années 1970. Un film qui aurait inspiré La marche de l’empereur, signé Luc Jacquet. « C’était mon étudiant. Je ne dirai pas qu’il l’a copié mais imité, beaucoup. » Si son ancien assistant a remporté l’Oscar hollywoodien, Pierre avait déjà glané 37 prix un peu partout dans le monde.

L'appartement, un F4 de 100 m2, avait un balcon qui donnait sur la rue du Pila-Saint-Gély. Kamala y apparaissait régulièrement. Notamment le soir à 20 h.

Retraités, Line et Pierre Jouventin résident toujours à deux pas du domaine d'O, la maison où ils avaient construit l’enclos pour Kamala, aujourd’hui détruit. Leur histoire, le scientifique en a écrit un livre paru chez Flammarion : Kamala, une louve dans ma famille (toujours en vente). Un réalisateur a pris contact avec eux et espère en faire un film pour la chaîne Arte. 


Qu’est devenue la louve ? « Une fois, elle s’est échappée de son enclos, se rappelle Pierre Jouventin. Elle a disparu trois jours. Nous avons eu peur. Elle allait avoir faim... Et puis on a eu un coup de fil du zoo, elle était dans le jardin d’un particulier.  Après, on n’a plus oser la sortir de peur qu’elle s’échappe à nouveau. Elle nous voyait partir avec les chiens mais nous ne la prenions plus. Elle a voulu s’échapper... » Un an après le déménagement, Kamala est morte en voulait passer au-dessus du grillage.

« A l'heure du JT, le voisin du dessous avait le plafond qui tremblait, confie Pierre Jouventin. On faisait faire le tour de l’appartement à toute allure à Kamala pour l’épuiser parce que si elle ne dormait pas, personne ne dormait. » 



Le voisin était un ami, il ne se plaignait pas et possédait lui-même un berger allemand. Mais beaucoup pensaient que Kamala était un chien.