" Au sport, on oublie la détention "

Reportage pendant les jeux pénitentiaires 2018 à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone dans le cadre de la Fête du Sport.

Sous la charpente du gymnase de 350 m2 de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, la chaleur est suffocante. Seize détenus se défoulent sur un volant de badminton. Le sourire se lit sur tous les visages et les corps exultent bruyamment à chaque point. « Le badminton, c’est un sport que les détenus découvrent en général en prison », indique Mikaël Escolano, surveillant et moniteur de sport qualifié depuis plus de trois ans. 


D’ordinaire, c’est plutôt football sur le terrain de gravier ou musculation sur des machines guidées. Dans le cadre de la mobilisation nationale autour des JO 2024, la fête du sport a associé les lieux de privation de liberté. L’équipe des quatre moniteurs de la maison d’arrêt a sauté sur l’occasion pour faire découvrir des disciplines peu connues aux prisonniers par le biais d’intervenants extérieurs. Une centaine de prisonniers s’est portée volontaire pour les épreuves de la semaine, notamment en extérieur ce qui ne s'était plus pratiqué pendant des années. 


Mais en 2016 avec la mobilisation des équipes de surveillants moniteurs (il faut deux mois minimum pour obtenir toutes les autorisations) ,  les initiations à la plongée ou encore la participation aux 10 km de la Grande-Motte ont été programmées. Seuls les condamnés dont la sortie est proche peuvent y prétendre. " Cela fait partie de la préparation à la sortie, comme les sorties familles ou travail", précise encore Mikaël Escolano.

« En tenue de sport, il y a une proximité qui s'installe »

Le sport en prison est essentiel, vital pour certains. Et parfois même salvateur. Les séances se déroulent à raison de deux heures le matin et deux autres l'après-midi. « De manière à ce que chaque groupe (jusqu’à 60 détenus maximum, la maison d’arrêt en compte 900, NDLR) puisse avoir deux séances par semaine. » Sous l’œil bienveillant mais ferme des moniteurs et d’un autre surveillant. À la moindre incartade, c’est l’exclusion. 

Avant d’intégrer les groupes, tous sont passés par l’étape obligatoire de la commission de classement. Leur comportement en détention y a été examiné à la loupe. « Avec le parloir, le sport, c’est le plus important pour eux. C’est un moment de partage et d’évasion comme ils le vivraient à l’extérieur. Quand on fait des tournois de foot, c’est comme s’il y avait la Coupe du monde », poursuit le coach. 



Les journalistes ne sont pas autorisés à interviewer les détenus au hasard mais l’un d’eux lâche dans notre direction : « Ici, on a l’impression de ne plus être enfermé ! On oublie la détention. » À la différence des autres surveillants, les quatre moniteurs ont un rapport plus familier avec ces hommes aux caractères et parcours très différents. 

Détention provisoire, courtes ou longues peines se côtoient sur le terrain. Les tensions entre certains peuvent dégénérer pour un rien. « On est en tenue de sport et pas en uniforme, il y a une proximité qui s’installe. Ils ont besoin de discuter », poursuit Mikaël Escolano, radio à la ceinture. Cela va des conseils nutrition au rôle d’éducateur auprès des plus jeunes, immatures et en manque de repères. 



D’ailleurs, le poste nécessite au moins trois ans d’ancienneté dans l’administration pénitentiaire. « Le sport, c’est un vecteur de valeurs et d’insertion. Pour certains, il y a un déclic, on en a même qui veulent travailler dans ce domaine en sortant d’ici. » Il se souvient de ce détenu taiseux au profil dangereux qui a mis deux ans à lui dire bonjour. Les séances de CrossfitTM en petits groupes n’y sont pas étrangères. 

Ou ce jeune métamorphosé après une sortie plongée à Palavas (obligatoirement validée par un juge d’application des peines). En période estivale, les frictions montent toujours d’un cran au sein de l’établissement. « Cet été, s’il n’y avait pas eu ces activités, c’était l’explosion assurée, souffle cet autre habitué. Les moniteurs sont vraiment dévoués. » 

A l’issue de l’évènement, ils avaient prévu un goûter pour récompenser les efforts.

Hélène Amiraux

LE TEMOIGNAGE

"On voit qu'ils sont heureux, c'est pour ça que moi je fais ce boulot"

J-.Y Christol, Sunshine Paddle à Palavas-les-Flots

La fête du sport 2018 à la maison d'arrêt de Villeneuve

                            CrossfitTM et paddle 

L'évènement baptisé "Les Jeux pénitentiaires" a germé dans le cadre de la fête du sport qui se déroule chaque année à l’échelle nationale dans de nombreux établissements, notamment scolaires. L’administration pénitentiaire a débloqué des fonds, libre à chaque établissement de monter ses projets. 


Celui de Villeneuve-lès-Maguelone a choisi d’organiser sur une semaine un tournoi de badminton, du CrossfitTM (avec un coach de Saint-Jean-de-Védas) et d’athlétisme (Villeneuve jogging), puis des sessions de baseball (club des Baracudas) et de paddle (avec Sunshine paddle).

Le budget sport annuel de la prison de Villeneuve s'élève à 4000 euros et consacré au matériel. Les ballons par exemple qui s'usent très vite sur le terrain de gravier.

Les moniteurs de sport de la prison sont sollicités pour des conseils techniques de sur les machines de musculation mais aussi de nutrition. "Certains veulent prendre de la masse. On a aussi des personnes en surpoids. On a vraiment de tout", décrit Mikael Escolano. Et comme à l'extérieur, le dopage existe en prison. Un phénomène sauvage difficile à mesurer.

Reportage  Hélène Amiraux / Photos et vidéos M. Pieyre / J-M. Mart / Conception Webdoc M. Pieyre