Crash de l'A320 de la Germanwings : un an après 

150 morts dans les Alpes

Décollage vers Düsseldorf

Un an après le crash de l'avion de la Germanwings, les blessures sont toujours ouvertes. Impossible d'oublier la folie d'Andreas Lubitz, le copilote qui a précipité l'appareil sur le massif des Trois-Évêchés, avec 150 personnes à son bord.
Ce webdocumentaire retrace les événements, du mardi 24 mars 2015 jusqu'à aujourd'hui. 


Ce mardi 24 mars 2015, l'avion qui doit assurer la liaison entre Barcelone (Espagne) et Düsseldorf (Allemagne) est plein. 144 passagers, six membres d'équipage dont le pilote, Patrick Sondheimer, et son copilote, Andreas Lubitz. 
À 10 heures, l'avion décolle de Barcelone avec quelques minutes de retard.
À 10 h 41, l'Airbus frappe la montagne à plus de 800 km/h.
Aux commandes, Andreas Lubitz, qui s'était enfermé dans le cockpit.

"Ouvre cette foutue porte"
Photo Le DL/VIRGILE

Que s'est-il passé pendant ces quelques minutes? À 10 h 31, l'Airbus A320 arrive à son altitude de croisière et le pilote quitte la cabine pour se rendre aux toilettes. Il laisse Andreas Lubitz seul aux commandes.  Le copilote s'enferme et amorce la descente de l'avion. Lorsqu'il veut retourner à l'avant de l'appareil, Patrick Sondheimer se retrouve face à une porte close. Les alarmes s'allument dans le poste de pilotage. Des coups sont portés sur la porte blindée. Le commandant de bord ordonne à son copilote d'ouvrir "cette foutue porte". À 10 h 40, l'avion est aperçu pour la dernière fois sur un radar et se crashe dans les Alpes-de-Haute-Provence, dans une zone entre Le Vernet et Prads-Haute-Bléone.

Très vite, les secours arrivent sur place et tentent de localiser le lieu de l'accident. 

24 mars 2015 : les secours s'organisent

Vidéo Le DL/Emilie CHAUVOT

À la recherche des indices

Les premières heures sont importantes sur la zone du crash. La récolte des indices essentielle. On ne sait encore rien de ce qui s'est passé dans le ciel des Alpes du Sud. Le président de la République, François Hollande, confirme rapidement qu'il n'y a pas de survivant. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, se rend sur les lieux. 

Les secours se postent à Seyne-les-Alpes et quadrillent la zone. Depuis le village, situé à quelques kilomètres à vol d'oiseau de la catastrophe, les hélicoptères de secours acheminent des hommes sur place. Sécurité civile, peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), CRS des Alpes, gendarmerie territoriale, armée de terre, sapeurs-pompiers : des centaines de personnes sont mobilisées. On parle de plus de 380 soldats du feu et environ 300 militaires. Dans l’après-midi, on apprend qu'une boîte noire de l’avion a été localisée.  Le général de gendarmerie David Galtier fait le point.

Différentes personnalités arrivent rapidement sur place. Dont le député des Alpes-de-Haute-Provence, Christophe Castaner.

Un habitant de la zone du crash a vu l'avion passer à faible altitude. Il explique ce qu'il a pu voir lors de ces quelques secondes.


Comme on peut le comprendre, le chaos est partout dans les petites communes. Journalistes, secours, ministres, hommes et femmes politiques, l'agitation est totale. Seyne-les-Alpes est le théâtre principal de cette opération inédite et de grande ampleur. Les hélicoptères font les allers-retours entre la commune et la zone sinistrée. Au soir du 24 mars, beaucoup de questions sont encore dans les têtes. Le lendemain, François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel et le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, se rendent à Seyne-les-Alpes. Au total, 75 Allemands et 50 Espagnols sont décédés dans l'accident. 18 nationalités se trouvaient à bord.

Le visage de la mort

Photo DR

Le geste fou
d'Andreas Lubitz

La boîte noire a parlé. L'accident d'avion est dû à un geste humain. Le copilote, Andreas Lubitz, s'est délibérément enfermé dans le cockpit, a coupé le pilote automatique, changé la trajectoire de l'A320 pour aller se fracasser, lui et les 149 autres personnes à bord de l'avion.
Le 26 mars 2015, les secours continuent de s'organiser depuis Seyne-les-Alpes. Si une première boîte noire a pu être rapidement trouvée, la seconde est découverte une dizaine de jours plus tard. Mais malgré tout, le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, évoque en conférence de presse le geste fou d'Andreas Lubitz, le copilote de l'A320 de la Germanwings, révélé pour la première fois par le New York Times. Le mystère autour du crash se lève. 


Un tel scénario était inimaginable. Enfermé seul à bord, le copilote Andreas Lubitz a délibérément envoyé l'Airbus A320 contre la montagne. Le choc est total.  

Les premières réactions portent sur la personnalité du copilote. Et les révélations sont de jour en jour plus terrifiantes. Présenté comme "instable" psychologiquement, et normalement en arrêt de travail le 24 mars 2015, Lubitz était malgré tout à bord de l'appareil. L'enquête est formelle : le geste a été prémédité. Le parquet de Düsseldorf indique qu'Andreas Lubitz « a été en traitement psychothérapeutique pour des tendances suicidaires il y a de nombreuses années, avant l’obtention de son permis de pilotage », mais que les dernières consultations médicales « n’ont pas attesté de tendance suicidaire ou d’agressivité à l’égard d’autrui ». En réaction, plusieurs compagnies aériennes prennent des mesures de sécurité et imposent la présence d'au moins deux personnes à bord du cockpit.
Au Vernet, dès le 26 mars, les familles des victimes se rendent sur les lieux du crash pour se recueillir. 

Un enregistrement fait surface. On y entend les échanges entre les pilotes. La retranscription des 40 minutes de vol, dévoilée par Paris-Match 
10h10 : Le commandant de bord, à Lubitz : "Je n'ai pas eu le temps d'aller aux toilettes avant le décollage." Lubitz : "Vas-y quand tu veux".
10h27 : L'avion a atteint son altitude de croisière : 38 000 pieds (11 500 mètres). Le commandant demande à Lubitz de vérifier que l’avion peut passer en mode descente. Lubitz obtempère. Il répète au commandant une deuxième fois : "Tu peux y aller. Tu peux y aller maintenant." 
10h28 : On distingue des bruits provenant d’un siège : le commandant ôte sa ceinture de sécurité. On entend la porte s’ouvrir. Le commandant dit à Lubitz : "Tu contrôles maintenant." Lubitz répond sur un ton qui se veut léger : "J'espère." 
10h30 : Lubitz est seul dans la cabine. Il verrouille la porte blindée du cockpit grâce au bouton "Lock".
10h33 : La descente commence : l'avion perd 3000 pieds (900 mètres) d'altitude par minute. Le contrôle aérien s’en aperçoit. Il essaye à plusieurs reprises de contacter l’avion par radio. Lubitz ne répond pas. On entend le commandant qui tente d’ouvrir la porte de la cabine et frappe à la porte : "C'est moi !" Il est face à une caméra reliée au cockpit : Lubitz le voit sur l’écran mais ne réagit pas. Le commandant s’empare d’une bouteille à oxygène ou d’un extincteur dans le but de défoncer la porte. Pas de réponse. Le commandant crie : "Pour l'amour de Dieu, ouvre cette porte !" 
10h34 : Une première alarme retentit, sonore et visuelle. Pas de réaction de Lubitz. À travers la porte du cockpit, on entend les premiers passagers s’affoler dans les travées.
10h35 : Le commandant demande qu’on aille chercher un pied-de-biche caché à l’arrière de l’appareil. Des coups plus forts retentissent contre la porte, suivis de bruits métalliques. Le commandant essaye de tordre la porte avec le pied-de-biche. 10h37 : Une seconde alarme se déclenche, sonore et visuelle. Toujours pas de réaction de Lubitz. Le commandant : "Ouvre cette foutue porte !"
10h38 : Malgré le vacarme ambiant, on identifie clairement le souffle de Lubitz parce qu’il a mis un masque à oxygène. Il respire normalement.
L'avion est à 13 000 pieds (4000 mètres).
10h40 : On entend un bruit violent qui vient de l’extérieur. Au même moment, à l'intérieur, des hurlements. L’Airbus vient de heurter une montagne avec son aile droite. Plus aucun autre son que celui des alarmes et les cris des passagers.
10h41 : L'avion heurte de plein fouet le massif à 5000 pieds (1500 mètres d’altitude) et 800 km/h.

L'épreuve du temps

Photo Le DL

Continuer à vivre face
à la montagne 

Que reste-t-il de la catastrophe aérienne, un an après ? Les vies se reconstruisent petit à petit dans les villages de Seyne-les-Alpes, Le Vernet et Prads-Haute-Bléone.  

Les maires du Vernet et de Prads-Haute-Bléone ont été des acteurs importants après la catastrophe. Reconnus pour leur implication, ils ont été décorés plusieurs fois durant l'année. En juin, à Paris, ils se voient remettre par Felipe VI lui-même la médaille de l'ordre civil du royaume d'Espagne au grade de commandeur pour leur rôle. En septembre, ils sont reçus par la chancelière allemande Angela Merkel et le président François Hollande à Berlin. Là aussi, ils sont honorés.
« Je prends cette décoration comme un hommage à la population locale », indique François Balique. Ils sont faits officiers dans l'ordre du Mérite allemand le 13 novembre dernier lors d'une réception à Paris. Le soir des attentats.  

À Prads-Haute-Bléone, le maire de la petite commune a lui aussi fait poser une stèle au pied de la montagne. Bernard Bartolini, dans les colonnes du Dauphiné Libéré, évoque « quelque chose d'aérien, une forme de légèreté, c'est un bouquet », quand il parle de l'œuvre réalisée par Éric Klein. « Il y avait 18 nationalités dans cet avion, c'est 18 manières de vivre un deuil, 150 histoires particulières. » 

Les élus ne sont pas les seuls à avoir été décorés par les autorités. Les personnes qui ont été mobilisées sur les lieux de l'accident ont aussi été distinguées. Le 2 mars 2016, 28 Bas-Alpins sont médaillés dans les bureaux de la préfecture de Digne-les-Bains. Au total, 836 personnes (civils, élus, fonctionnaires, militaires et religieux) ont été décorées de cette médaille, dont 207 dans le département des Alpes-de-Haute-Provence.  

Dans le département des Hautes-Alpes, samedi 12 mars 2016, le préfet Philippe Court récompense l’engagement des personnes lors de la gestion de la catastrophe aérienne. 110 récipiendaires sont décorés par le préfet à différents échelons : bronze, argent et or. Parmi eux, le lieutenant-colonel Pierre Masson, directeur départemental adjoint du service d'incendie et de secours des Hautes-Alpes. 


Le 24 mars 2016, l'hommage au 150 victimes

Le 24 mars 2016, entre 600 et 800 familles sont attendues au Vernet, pour rendre un hommage aux 150 victimes de 18 nationalités dans le crash du vol 4U9525 de la Germanwings. 
Les familles des victimes devraient se rendre à la stèle installée face à la montagne aux alentours de 10 heures. Un dépôt de gerbes aura été effectué par les officiels quelques minutes auparavant. À 10 h 41, une minute de silence sera respectée par l'assistance, à l'heure précise de l'accident. Les familles pourront ensuite aller au cimetière pour se recueillir. Si les conditions météorologiques le permettent, elles pourront aussi se rendre au col de Mariaud, sur les lieux du crash. « C'est une de nos principales préoccupations pour que tout soit réalisé au mieux », expliquait il y a quelques semaines dans nos colonnes le maire de Prads-Haute-Bléone, Bernard Bartolini. Son homologue François Balique, maire du Vernet, évoque le lien qui s'est créé entre les habitants et les familles des victimes. « Il y a toujours des personnes de la commune pour les accompagner. Certaines veulent aller se recueillir au cimetière, d'autres à la stèle, d’autres sur le site du crash. » L’édile a un objectif : que cet accueil perdure. « L’enfant d’une des victimes est née en novembre. Peut-être que cet enfant viendra dans plusieurs dizaines d’années. Nous ne serons peut-être plus là, mais Le Vernet sera là. »


Réalisé par Louis André avec la rédaction du Dauphiné Libéré Hautes-Alpes.