Martin H-M. Schreiber

Un indigène dans le Perche

Le photographe américain a posé ses valises dans le Perche voilà vingt-trois ans. Il y a posé son œil acéré aussi, à quelques milliers de kilomètres des cowboys du Texas ou de Madonna qu'il a immortalisés. Aujourd’hui il se met en scène dans une expo décalée. 

Tout le monde ne peut pas se targuer 
d'avoir un Leica à sa griffe !

Une douce odeur sucrée emplie la cuisine de la longère percheronne où trônent des dizaines de sculptures, des objets hétéroclites, des souvenirs et puis, bien évidemment, des photographies. A commencer par une énorme image en noir et blanc de cowboys baignant dans la poussière texane. Aux antipodes de l'expo qu’il présente dans quelques jours à Paris baptisée « Un indigène dans le Perche » (voir encadré).

Martin Hugo-Maximilian Schreiber, avant de se poser le temps d’une interview, termine de mitonner l’un de ses plats préférés. Un Keiserchmarm, dessert autrichien, mixant subtilement lait, yaourt, crêpes, œufs, pain de mie, épices, raisins, rhum… La cuisine est l’une des passions de ce photographe talentueux.


Une incroyable selle texane, 
toujours à sa griffe, souvenir d'une année passée parmi les cowboys

Un ovni dans le paysage percheron

Mais chez lui, d'innombrables recoins abritent autant de témoins de son parcours artistique toujours en ébullition. Son inspiration n’a guère de limites et les visites dans les brocantes de sa région lui permettent d’y dénicher des pièces qui lui serviront pour une future sculpture ou création à l’image de ce mannequin qui accueille désormais dans le hall d’entrée à côté d’un superbe Lambretta.

Dans ses œuvres, il aime distiller des messages, toujours avec un savoureux mélange d’humour au second degré ou bien davantage ! Le conformisme l’exaspère, la religion et les dogmes tout autant. Alors il les épingle dans des créations uniques.

« Je pense être un ovni dans le paysage percheron » s’amuse-t-il. En dehors des conventions et des mondanités qui ne le passionnent guère, il y préfère largement les balades en solo dans la campagne, Leica en bandoulière. « J’ai des milliers de photos du Perche, pour qui serait intéressé de les exposer ».


Madonna aura marqué sa carrière

Et un jour Madonna…

Martin H-M. Schreiber fait ses premières armes avec un Yashica Lynx 1000 rapporté par son père d'un voyage au Japon. D’origine tchèque, il prend des clichés des roses du jardin familial qui lui valent sa première récompense dans un magazine new-yorkais.

Plus intéressé par la philosophie et le sport que par les études, il tente de retarder le départ pour le Vietnam. Sa passion pour la photographie lui offre la possibilité de se retrouver en Allemagne « dans une unité d’espionnage. J’ai utilisé de gros moyens mis à ma disposition et j’ai envoyé des clichés à ma mère qui m’a encouragée dans cette voie ».

A New-York, il gratte ici et là pour subvenir à ses besoins, enchaîne les petits boulots. Une compétition au mythique Life magazine lui fait décrocher une mention honorable et une publication sur une double page, « avec une prime de 600 $, quasiment un mois de salaire ».

Un beau jour de 1979, il voit débarquer une jeune femme qui pose pour quelques dizaines de dollars. Le photographe voit son potentiel. Quelques années plus tard Madonna Louise Ciccone deviendra l'icône de la pop-culture, Madonna. Martin H-M. Schreiber publiera ses photos dans Madonna nudes, un ouvrage qui aura un succès planétaire et qui sera suivi des années plus tard d’autres éditions.

Photographies et sculptures garnissent son univers

Histoire de cowboys

Biberonné à la culture de l'Ouest américain par le biais notamment de séries cultes comme Sisco Kid, Palladin, Rawhide… Martin H-M. Schreiber éprouve un jour l’envie de mieux les connaître et de s’immerger dans leur quotidien. Il part pour un an chez les Texans, partage tout, se fait même faire faire une selle sur-mesure.

Le résultat, des images somptueuses, en noir et blanc, qui rendent hommage au travail rude de ces hommes du far-west.

Le cigare cubain acheté au Panama 
fait partie de sa nature

Cap sur la France

Mais pour autant, il se cherche et le travail est compliqué aux USA. Alors il met le cap sur la France en 1989. Il vit quelques temps à Paris avant de s'installer dans le Perche en 1993 après qu’un ami photographe lui ait conseillé cette région à 1h30 de Paris, pas trop loin d’une gare mais suffisamment isolé !

Sa longère percheronne lui offre l’espace dont il a besoin pour se créer un studio photo, un atelier de sculpture, des espaces de stockage de toutes ses réalisations parfois dans de très grands formats.

« J’ai tout restauré ici, un travail énorme » confie-t-il.

Aujourd’hui, le photographe a, à son actif, quelque quatorze ouvrages, plus d’une centaine d’expositions à travers le monde, des dizaines de milliers de clichés… A quand une rétrospective dans le Perche ou dans l’Orne ?

Dans le Perche, le photographe 
a trouvé son antre

Un indigène 
dans le Perche

Indigène : adjectif pour « qui est originaire du pays où il se trouve ».

Un indigène sur fond blanc. Un tissu qui sert aux autoportraits qu'affectionne Martin Schreiber. Voilà en guise d’affiche de la nouvelle exposition de l’artiste qui se met en scène non sans humour dans une série percheronne plutôt décalée.

Décalée mais non sans un clin d’œil à ces photographes ethnologues et anthropologues du début du XXème siècle qui photographiaient de la sorte les Papous de Nouvelle-Guinée. Dans une société coloniale, les clichés étaient très prisés et l’anthropométrie – mesure précise du corps humain – autorisait les comparaisons les plus invraisemblables et les justifications raciales sans fondement.

« J’ai eu un déclic pour faire cette série » évoque Martin Schreiber qui, se confectionnant masques, sagaies et étui pénien « pas franchement confortable » a posé dans la campagne percheronne « à la façon de ».

Le photographe se lâche et son auto-dérision fait merveille mais suscite aussi la réflexion dans cette société du XXIème siècle si prompte à revenir à des concepts d’une autre époque en ces temps troublés.

■ Pratique : Un indigène dans le Perche. Photographies de Martin Schreiber du 2 au 25 juin à la Galerie Meyer – Oceanic & Eskimo Art. 17, rue des Beaux-Arts à Paris VIème. www.meyeroceanicart.com

Si vous voulez contacter Martin Schreiber : mail6100@orange.fr ou aller sur son site www.martinhmschreiber.net. Trois ouvrages sortent actuellement : Last of breed II, Madonna nudes II avec des images inédites et Retrospections qui retrace l'ensemble de la carrière de l'artiste de 1966 à 2015. Des ouvrages qui peuvent lui être commandés directement.