Procès Xynthia :
cinq ans de tempête

Jugée en appel à Poitiers dès le 16 novembre, l'affaire Xynthia a démarré voilà cinq ans. Retour en arrière.

27 février 2010 : la France en alerte rouge

Le 27 février, c'est une tempête majeure qui est annoncée. Après les îles Canaries, la Galice et le Pays basque espagnol, la tempête menace désormais la France dont les services météo placent quatre départements en alerte rouge (niveau maximum) dans la journée du 27 février : la Charente-Maritime, la Vendée, les Deux-Sèvres et la Vienne.

Au total, 69 départements sont placés en vigilance orange. C'est la deuxième fois qu'un avis de vigilance rouge est mis en place pour des vents violents depuis la mise en place du dispositif dans l’'Hexagone en 2001, après les tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999.

Dans la soirée du 27, Xynthia s'abat sur le golfe de Gascogne...

28 fevrier 2010 : Le piège mortel de La Faute-sur-Mer

Les habitants des maisons construites dans les terres situées sous le niveau de la mer sont surpris dans leur sommeil par la montée des eaux. En dépit des secours, au matin du 28 février, le bilan des victimes de la tempête est particulièrement élevé: on dénombre 35 morts dans le seul département de la Vendée, 12 dans le département de la Charente-Maritime, 2 dans les Pyrénées-Atlantiques et 1 dans les Hautes-Pyrénées.


La petite commune de La Faute-sur-Mer en Vendée paie le plus lourd tribut à la violence de la tempête : 29 personnes ont trouvé la mort dans une zone située à un mètre sous le niveau de la mer, en contrebas de la digue du fleuve côtier Lay. Parmi elles, beaucoup de retraités mais aussi certains de leurs petits-enfants en vacances, qui ont été piégés durant la nuit dans les maisons construites récemment dans la "cuvette mortifère", cette zone submersible. 47 personnes ont également été blessées et 762 autres évacuées.


2011 : les leçons de Xynthia

Dès le lendemain du passage de Xynthia, la polémique fait rage sur ces maisons construites en zone inondable. Lors de deux visites les 1er et 16 mars, Nicolas Sarkozy annonce une aide d'urgence de 3 millions d'euros et que les sinistrés ne pourront pas revenir vivre là où existent des risques mortels.

Des zones noires sont définies, requalifiées par la suite en zone de solidarité.

Par sécurité, l'État rachète 700 maisons (à La Faute-sur-Mer et à L'Aiguillon-sur-Mer, de l'autre côté de l'estuaire) pour les raser. Le chantier démarre en mars 2011. La zone pavillonnaire de La Faute-sur-Mer, aujourd’'hui nettoyée, est désormais strictement inconstructible.

Après la catastrophe, la politique de prévention des risques est, en outre, renforcée. La ministre de l'Écologie d’'alors, Nathalie Kosciusko-Morizet, présente ainsi, en février 2011, un plan de prévention des inondations et des submersions maritimes. Il s'agit surtout de renforcer les digues sur le littoral français, d'améliorer les systèmes de prévision et d'alerte et de durcir les règles concernant les constructions situées en zone inondable.

2014 : Le procès hors norme de La Faute-sur-Mer

Après trois ans et demi d'instruction, un procès aux enjeux nationaux s'ouvre le lundi 15 septembre 2014 aux Sables d'Olonne, en présence de nombreux experts. Plus d'’une centaine de personnes proches des victimes, constituées en association - l'’Association des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer (Avif) - se sont portées partie civile, avec pour avocate Corinne Lepage, l’'eurodéputée écologiste.

René Marratier, ancien maire de La Faute-sur-Mer (800 habitants permanents), comparaît avec deux de ses adjoints devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire, mise en danger de la vie d'autrui et manquement grave à l'obligation d'information des populations, aux côtés d'un promoteur immobilier local, d'un fonctionnaire de l'ancienne Direction départementales de l'équipement et de deux entreprises ayant construit les maisons en zone inondable.

René Marratier, encourt cinq ans de prison, la commune n'ayant pas mis en place son plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) et son plan communal de sauvegarde (PCS). On lui reproche aussi de ne pas avoir répondu à son obligation de mise en place de repères de crue et de ne pas avoir réalisé de document d'information sur les risques majeurs (DICRIM), ni de diagnostic de vulnérabilité des habitations. Enfin, l'élu aurait illégalement délivré des permis de construire en zone inondable et insuffisamment informé la population et les propriétaires des digues des risques, lors de l'arrivée de la tempête Xynthia qui a fait 29 morts dans la commune.

12 décembre 2014 : une condamnation historique

Au terme de cinq semaines de procès, le 15 octobre, le ministère public requiert une peine de quatre ans de prison, dont trois ferme, à l'encontre de René Marratier, le maire de la commune de 1989 à 2014 et toujours conseiller municipal, et une peine de trois ans de prison, dont deux ferme, contre Françoise Babin, son adjointe.


Le 12 décembre 2014, le tribunal va au-delà des réquisitions et condamne lourdement l'ancien maire à quatre ans de prison ferme, une condamnation qualifiée d'historique. Son ex-adjointe, Françoise Babin, l'ancienne présidente de la commission d'urbanisme, par ailleurs promoteur immobilier, écope de deux ans ferme et d'une amende de 75.000 euros et son fils Philippe Babin, agent immobilier et président de l'association syndicale des marais en charge de l'entretien de la digue est, de dix-huit mois ferme. Les deux élus font aussitôt appel de leur condamnation.

16 novembre 2015 : un appel pour quoi faire ?

Le procès en appel commence le lundi 16 novembre à Poitiers dans un palais de justice réaménagé pour l'occasion. Une salle de 340 places a été installée dans la salle des pas perdus pour accueillir les 146 parties civiles et les 87 journalistes accrédités.

Un appel mais pour quoi faire ? Au bout de trois semaines, la Cour d'appel devra déterminer si René Marratier, Françoise et Philippe Babin ont bien des responsabilités dans le drame qui a causé la mort de 29 personnes à La Faute. Un avis que les parties civiles attendent avec impatience, cinq ans après les faits.