Meurtre d'Avanton :
au bout de l'horreur

Survenu en juin 2014, le crime d'Avanton, jugé en 2017 à Poitiers, passe en appel à La Roche-sur-Yon.
Par X. Benoit, E. Coupaye, L. Lejay.

10 JUIN 2014
Drame familial à Avanton : une jeune mère de famille battue à mort

Photos Patrick Lavaud


C'est vraisemblablement sous les yeux de ses deux fillettes que Marine Muccio a été battue à mort, le 9 juin 2014, à son domicile d'Avanton (Vienne). Le compagnon de la jeune femme de 26 ans est placé en garde à vue. Le parquet ouvre une enquête pour homicide volontaire.

"Un déchaînement de violence." C'est, selon les enquêteurs, ce qui a entraîné la mort de Marine Muccio, le 9 juin 2014 à Avanton, bourgade située à une quinzaine de kilomètres au nord de Poitiers.

Le drame se serait produit vers 20 h 30. C'est l'aînée des deux enfants du couple qui a donné l'alerte. La fillette, âgée de 3 ans et demi, est sortie du pavillon en construction pour se diriger vers la garderie de son école toute proche, où elle pensait trouver du secours.

Très légèrement vêtue, tétine et doudou à la main, elle a attiré l'attention d'une voisine qui l'a recueillie avant d'alerter les secours. Mais il était déjà trop tard pour la jeune mère de famille de 26 ans. Dans un premier temps, les deux fillettes (la plus jeune n'a qu'un an et demi) ont été confiées à leurs grands-parents.

Le compagnon de la victime a été placé en garde à vue à la brigade de recherches de la gendarmerie de Poitiers, le parquet de Poitiers ayant ouvert une enquête pour homicide volontaire.

L'autopsie de la jeune femme est en cours, et devrait permettre de déterminer si elle a été frappée à main nue ou avec une arme blanche. Le parquet de Poitiers communiquera le lendemain sur ce dossier. Quant à la fille aînée, qui a "très probablement assisté au drame", selon les enquêteurs, elle va être entendue à l'hôpital, par une enquêtrice spécialisée "dans le cadre des dispositions de la prise en charge et des auditions des victimes mineures".

Au sein de la commune d'Avanton, ce drame familial a suscité une très vive émotion.

11 JUIN 2014
Un couple sans histoire ou presque

« On les voyait peu, raconte ce proche voisin. La journée, ils n'étaient pas là. Les petites filles jouaient souvent dans le jardin de cette grande maison neuve. » Rue de la Garenne vivait une famille ordinaire. Raphaël Dogimi 27 printemps en août et Marine Muccio 26 ans formaient un couple sans histoire. Ou presque. Raphaël qui fait carrière dans la banque à la Caisse d'Épargne travaillait à Poitiers après un passage à l'agence de Chasseneuil-du-Poitou. Passionné de foot, il fut le fer de lance de l'attaque de Jardres puis de Béruges. « Sur le terrain c'était une crème, raconte cet ancien coéquipier. Je ne l'ai jamais vu prendre un carton. » Raphaël avait cofondé l'entreprise de bâtiment et travaux « Toit pour toi » en janvier dernier.
Après des études au lycée Victor-Hugo de Poitiers, Marine a travaillé dans une agence immobilière de Poitiers. C'était une maman comblée qui logeait dans ce joli pavillon neuf au milieu duquel trône un billard. L'union libre entre Raphaël et Marine avait connu quelques tourments, la jeune femme avait rompu pour partir un temps en Bourgogne il y a plusieurs mois. Le couple reformé semblait connaître de nouveaux problèmes. Marine Muccio s'était même ouverte à des proches de la violence de son compagnon qui se serait montré menaçant plusieurs fois à son égard ces dernières semaines. Mais rien ne laissait présager un tel drame.

17 juin 2014
Migné : le dernier hommage à Marine

Plus d'une centaine de personnes assistent, à Migné-Auxances, aux obsèques de Marine Muccio, une semaine après son meurtre à Avanton sous les coups portés par son compagnon.

6 FEVRIER 2015
Avanton : retour sur la scène du crime

Encadré par les gendarmes après son extraction de la prison, Rafaël Dogimi est revenu dans la maison où le meurtre s'était déroulé. - (Photos Patrick Lavaud)

Elle avait succombé à une trentaine de coups de couteau en juin dernier. La justice organise la reconstitution du meurtre de Marine Muccio.

Route barrée. Déviation. La rue de la Garennne est privatisée par la justice pour une durée de six heures. Les riverains en ignorent tout. L'arrêté municipal ne dit rien des raisons qui commandent ce double barrage de gendarmerie aux extrémités de la rue ce jeudi après-midi.

« Ah bon, ils vont faire la reconstitution maintenant », s'étonnent les riverains qui l'apprennent par les journalistes présents. Il est 14 h, un fourgon cellulaire arrive. Les gendarmes sont déjà postés, le juge d'instruction se présente, le substitut du procureur en charge du dossier, les enquêteurs de la brigade de recherche de Poitiers suivent…
C'est là, dans ce pavillon aux lignes modernes que vivaient Marine Muccio, Raphaël Dogimi et leurs deux fillettes.

" Abasourdi d'apprendre le nombre de coups de couteau donnés "

C'est là, un soir de Pentecôte, en juin dernier, que Raphaël a lardé sa compagne d'une trentaine de coups de couteau après l'avoir frappée.
C'est là qu'il a imaginé un scénario servi aux gendarmes pour expliquer la macabre découverte.
C'est aux alentours qu'il était parti cacher ses vêtements tachés de sang et l'arme du crime.
Entre-temps, l'une des fillettes du couple était partie dans la rue chercher du secours. Elle filait vers l'école et sa maîtresse. C'est une riveraine qui avait recueilli la gamine de trois ans et demi en petite tenue dans la rue, tachée de sang. Elle lui parle de sa mère « toute rouge ». L'alerte est donnée. Les évidences de l'enquête contraignent Raphaël à reconnaître ce qu'il niait jusque-là : oui, il a bien tué sa compagne ce soir-là.
Par la reconstitution, la justice voulait visualiser très concrètement comment les faits se sont déroulés. Vérifier la concordance des déclarations et des constatations. Et, parfois, espérer un sursaut d'émotion quand le drame est rejoué. Trouver une explication à un tel déchaînement de violence au sein d'un couple qui se séparait. Un couple qui avait déjà connu un épisode violent deux mois plus tôt.
Huit mois après, Raphaël Dogimi a-t-il vraiment réalisé ce qu'il a fait ? « Il ne conteste pas sa culpabilité », expliquait son défenseur, Laurent Sillard, avant la reconstitution.
« Mais il n'a toujours pas réellement expliqué le passage à l'acte. La dispute a dégénéré, elle a été très vive, car elle voulait partir avec les enfants. Ils se sont battus, elle aurait saisi un couteau, un bâton ou un morceau de rampe d'escalier et lui aussi a pris un couteau. Mais après, il a dû mal à se souvenir. Il était abasourdi d'apprendre le nombre de coups de couteau donnés. Il ne se revoit pas faire ça, il ne se reconnaît pas dans ce geste. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas dans ce dossier, une victime passive d'un côté et un forcené de l'autre. Il a eu une espère de coup de folie. »
Cet épisode de pure violence et d'acharnement, Me Zoro, avocat des proches de Marine attendait de savoir combien de temps il avait bien pu durer.

Deux jeunes enfants au milieu du drame

« On va savoir aussi quelle position il adopte et quelle image il va vouloir donner de la mère de ses enfants. Va-t-il nous dire qu'elle l'a provoqué, qu'elle l'a agressé, va-t-il nous expliquer qu'elle était hystérique ou bipolaire ? C'était une jeune femme tranquille, d'une famille sans histoire et qui venait de retrouver un travail à Nevers. »
Au milieu du drame, il y a deux très jeunes enfants suivies par des spécialistes pour tenter d'effacer les images du drame. La justice les a placées pour éviter toute influence néfaste. Jusqu'à maintenant, elles étaient chez la grand-mère paternelle.
« C'était un peu particulier », relève Me Zoro, avocat des proches de Marine. « Il y avait quand même eu des contacts avec la nouvelle compagne de Monsieur. Au tribunal pour enfants, il était très volubile il nous parlait de l'autorité parentale, il évoquait l'espoir de revoir les enfants. Le procureur avait dû mettre le holà. »
C'est à l'automne dernier. Et, depuis assure Me Sillard, Raphaël « a évolué ». « Il a même été reçu par le juge des enfants. Dans quelle mesure pourra-t-il les revoir ? Il a bien compris que tout cela allait prendre beaucoup de temps. »
Raphaël Dogimi risque la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de sa compagne.

Emmanuel Coupaye

11 JANVIER 2017
Poitiers. Le procès débute

Huit jurés populaires (dont trois femmes) ont été tirés au sort pour ce procès d'assises très suivi par le public. - (Photo X.B.)

Le procès de Raphaël Dogimi, accusé du meurtre de la mère de ses enfants, le 9 juin 2014, a débuté le 11 janvier 2017 devant la cour d'assises de la Vienne. Il durera trois jours.

Le 9 juin 2014, le corps ensanglanté de Marine Muccio, 26 ans, était découvert dans sa maison d'habitation, au 9, rue de la Garenne, à Avanton. C'est l'une de ses filles qui avait donné l'alerte aux voisins. Principal suspect, Raphaël Dogimi, 27 ans, le conjoint, avait fini par reconnaître être l'auteur des coups.

Il est poursuivi pour meurtre aggravé par la circonstance qu'il était le conjoint de Marine Muccio. Il est en détention provisoire depuis le 11 juin 2014.

La famille maternelle (Me Zoro), paternelle (Me de Oliveira) de la victime et l'aide sociale à l'enfance (Me Hay, qui a demandé un huis-clos (rejeté) dans l'intérêt des deux jeunes filles désormais privées de leurs parents), sont parties civiles. Raphaël Dogimi est défendu par Me Sillard. Ce 11 janvier, huit jurés populaires (dont trois femmes) ont été tirés au sort par la présidente, Katell Couhé. Les débats vont durer trois jours.

L'autopsie a révélé que Marine Muccio avait été frappée d'au moins 25 coups de couteaux dont cinq ayant provoqué des lésions mortelles. Les médecins-légistes ont également révélé que "la multiplicité des coups démontrait une volonté de supprimer Marine." D'autant que certains coups l'ont été de façon post-mortem.

Le couple connaissait des turbulences sentimentales sur fond de jalousie et de relation extra-conjuguale au moment des faits.

Lors de l'enquête de personnalité, Raphaël Dogimi, conseiller bancaire, est tour à tour décrit comme timide, sérieux et responsable dans son intimité ; calculateur, carriériste et stratège dans son milieu professionnel. A aucun moment, il n'est question de violence.

"Eviter les conflits, c'est un des traits de mon caractère", a même déclaré Raphaël Dogimi à la présidente.

Xavier Benoit

12 JANVIER 2016
Meurtre d'Avanton : comprendre l'insoutenable

Pourquoi Raphaël Dogimi a-t-il tué de 25 coups de couteaux la mère de ses enfants, Marine Muccio, le 9 juin 2014 ? 

Sur l'échelle occidentale du bonheur, Marine Muccio, 26 ans, et Raphaël Dogimi, 27 ans, avaient quasiment atteint le sommet : deux jolies petites filles, un PACS, une maison neuve construite rue de la Garenne, à Avanton, le monospace garé sur les graviers de la cour, un investissement locatif, une bonne situation professionnelle… Le 9 juin 2014, à 20 h 30, la carte postale s'est transformée en film d'horreur : Marine Muccio est frappée d'au moins vingt-cinq coups de couteaux. Dont cinq ayant provoqué des lésions mortelles, ont compté les médecins légistes pendant l'autopsie.

" Notre séparation, c'était du gâchis "

Principal suspect, Raphaël Dogimi attendra la troisième audition en garde à vue avant de reconnaître qu'il a tué sa femme. L'ancien conseiller bancaire de l'agence Caisse d'Épargne de l'avenue de Nantes, à Poitiers, est jugé devant la cour d'assises de la Vienne pour meurtre. Comment expliquer cette descente aux enfers d'un couple parfait ? Du moins en apparence. Il y a la personnalité de l'accusé (lire plus bas), pas simple à cerner. La jalousie supposée de Marine et les soupçons d'adultère qui ont pesé sur Raphaël. A l'issue de la première journée, l'accusé s'est défendu : « Marine a toujours eu des soupçons sur mon infidélité. Ce n'était pas le cas. Je ne l'ai jamais trompé pendant notre vie commune. On avait construit quelque chose depuis des années. Notre séparation, c'était du gâchis. »
Entre les deux, au moment des faits, l'amour est en pointillés. Deux séparations en un an. On « trompe » l'amour de l'autre dans les bras d'une « aventure ». Les deux filles servent de trait d'union à cette relation chaotique. Les proches du couple, appelés à témoigner à la barre, hier, ont donné leur vision du contexte.
> Carole, sœur de Raphaël Dogimi. « La reprise d'une vie entre Marine et Raphaël était une très mauvaise idée. Je savais que c'était une erreur. Les deux étaient violents à chaque séparation. Ma mère avait le sentiment qu'il y aurait une issue fatale pour l'un ou l'autre. »
> Pascal, ex-beau-frère de Raphaël. « Marine avait dit plusieurs fois qu'elle en avait marre d'être avec un gamin. Quand ils se disputaient, c'était violent. Quand j'ai appris ce qu'il s'était passé, ça ne m'a pas surpris. Raphaël est quelqu'un de froid, qui ne ressent rien. »
> Céline, cliente de la banque, conquête de Raphaël, la veille du meurtre. « Quand j'ai appris, ça a été un choc, un traumatisme. Pour moi, c'était quelqu'un de bien. » L'avocat général l'interroge : « Vous pensez qu'il aurait pu vous arriver la même chose ? Oui. »
> Charlyze, copine de Marine. « Si elle était revenue, c'est qu'elle l'aimait. Mais elle était blessée par le fait qu'il la trompait. Il n'arrêtait pas de jouer avec ses nerfs, de la faire tourner bourrique. »
> Olivier, une « aventure » de Marine. « Je pense qu'il n'a pas accepté qu'elle s'émancipe dans sa nouvelle vie. »
> Audrey, nounou des filles. « Il m'a harcelé au moment de la garde des enfants. »
> Vincent, voisin. « Ils essayaient de récréer une situation qui ne marchait pas. »

à chaud

Protection des orphelines : huis clos rejeté

Au nom de l'Aide sociale à l'enfance, partie civile, Me Emilie Hay a demandé un huis clos dès le début des débats, dans l'intérêt des deux filles désormais privées de leurs deux parents : « Elles sont actuellement placées avec des personnes qui sont plus grandes, qui ont accès à l'information. Nous aimerions éviter le plus possible des articles pour qu'elles ne découvrent pas l'histoire de leur famille en tapant leur nom sur Internet. » Les deux autres avocats des parties civiles, l'avocat général et celui de la défense se sont opposés à ce huis clos. Tout comme les juges qui ont considéré que la publicité des débats n'était pas dangereuse pour l'ordre public.

" Timide, sérieux " pour les uns " calculateur " pour les autres ?

Qui est Raphaël Dogimi ? C'est l'une des clés du procès. Très apprécié des clients et des collègues de la Caisse d'Épargne, certains ont cependant gardé le souvenir d'un « calculateur, carriériste et stratège. » Voire orgueilleux, ont dit certains. Est-ce parce que le conseiller bancaire envisageait, à terme, de prendre une direction d'agence ? Dans l'intimité, en revanche, il y avait le papa : « Timide, réservé, discret, sérieux, responsable. » Dans le box, l'accusé ajoute le mot « introverti ». « Je n'ai jamais eu beaucoup de copains. Il me faut du temps avant d'être à l'aise avec les autres. » Avec une constante, selon lui : « Éviter les conflits. C'est l'un des traits de mon caractère. » Marine Muccio avait cependant confié à l'un de ses proches son côté « manipulateur et pervers » lors d'un conflit, justement, concernant la garde des enfants.

Parties civiles : Me Zoro et de Oliveira pour les familles, Me Hay pour les filles

Chargée de protéger l'avenir des deux filles du couple, Me Emilie Hay (barreau de Poitiers) intervient au nom de l'aide sociale à l'enfance. Elle a tenté de demander un huis-clos. En vain. A ses côtés, Me Cécile de Oliveira (barreau de Nantes) défend les intérêts de la famille paternelle de Marine Muccio. Me Thierry Zoro (barreau de Poitiers) représente, de son côté, la famille maternelle de la victime.

un mois après, l'accusé évoquait mariage et enfant avec sa "maîtresse"

Au deuxième jour du procès du meurtre d'Avanton, les enquêteurs ont décrit la scène de crime et une personnalité de l'accusé trouble.

L'enquête de personnalité de l'accusé, Raphaël Dogimi et l'audition des proches de la victime, Marine Muccio, ont eu lieu hier, concernant le crime d'Avanton, le 9 juin 2014.

La seconde journée du procès devant la cour d'assises de la Vienne est consacré aux faits. Elle a commencé avec l'audition du responsable de l'enquête, Franck Dantoing, et de celui de la garde à vue de l'accusé, Francky Pothier (brigade de recherches de Poitiers).

Ils ont confirmé une scène de crime particulièrement pénible : "Marine Muccio" baignait littéralement dans son sang."

La victime portait une quarantaine de plaies (25 coups de couteaux dira l'autopsie).

Les enquêteurs ont également évoqué l'alerte donnée par la petite fille (3 ans et demi) jusqu'à la rôtisserie portugaise :

"Elle était effrayée, dévêtue, avec des traces de sang, un nounours à la main, une tétine à la bouche. Elle a dit : "Mon papa est méchant. Il a tapé ma maman, elle est devenue toute rouge." C'est la petite qui a conduit les enquêteurs jusqu'à la maison d'habitation, au 9, rue de la Garenne, à Avanton.

Pendant ce temps, Raphaël Dogimi avait jeté les couteaux de cuisine et ses vêtements ensanglantés dans un talus en se rendant à un entraînement de badminton, à Saint-Georges-les-Baillargeaux. Il passe deux appels sur le portable de Marine Muccio. Au bout de 44 heures de garde à vue, où les enquêteurs "l'ont trouvé très détaché des faits", il a finalement avoué être l'auteur des coups mortels.

Les enquêteurs n'étaient pas au bout de leurs surprises. Quelques semaines plus tard, ils ont été prévenus par le Centre pénitentiaire de Poitiers Vivonne d'appels téléphoniques illégaux passés, grâce à un renvoi d'appels, entre Raphaël Dogimi (alors en détention provisoire) et sa maîtresse, Myriam, une collègue de travail.

"L'écoute de 23 appels nous a stupéfaits, a déclaré le responsable d'enquête à la barre. Un mois et demi après les faits, les deux intéressés parlaient de la procédure, de la façon de faire pression sur les témoins, des dommages et intérêts demandés par la famille de Marine Muccio. Ils ont aussi évoqué le mariage et la façon de faire un enfant en milieu carcéral."

Le témoignage de l'enquêteur confirme une information donnée par Me Thierry Zoro, avocat des parties civiles, hier, s'étonnant que l'accusé ait fait des demandes pour obtenir une Unité de vie familiale (permettant une intimité en milieu carcéral) auprès du juge d'instruction.

Compte rendu d’audience Xavier Benoit

13 JANVIER 2017
L'insoutenable douleur des proches

Au troisième jour du procès de Raphaël Dogimi, qui avait tué Marine Muccio d'une quarantaine de coups de couteaux, le 9 juin 2014, à Avanton, les témoignages des proches de la victime ont ému la salle d'audience.

Le troisième et dernier jour du procès du crime d'Avanton s'est ouvert devant la cour d'assises de la Vienne, à Poitiers. Raphaël Dogimi est accusé d'avoir tué la mère de ses deux enfants dans un déchaînement de violences : une quarantaine de coups de couteaux, le 9 juin 2014, à Avanton.

Avant les plaidoiries des avocats des parties civiles, Me Cécile de Oliveira (famille paternelle), Me Thierry Zoro (famille maternelle), Me Emilie Hay (aide sociale à l'enfance pour les deux orphelines), les huit jurés populaires ont entendu les témoignages bouleversants des proches de Marine Muccio.

> Sylvie, la maman : "C'est très dur, pour une maman, de survivre à son enfant... Surtout qu'elle était en pleine forme physique et psychologique. Sa fille cherche sa maman. Elle veut soulever sa tombe. Je lui ai expliqué que ce n'est pas possible."

> Jacky, le "papa" adoptif : "Toute sa vie, elle a été une charmeuse, souriante. Marine, c'était le soleil. C'était notre soleil. Jusqu'à sa disparition, je la voyais deux fois par semaine. Tout le monde adorait Marine. C'était la meilleure copine, la grande fille agréable. C'est un grand malheur pour toute la famille. Tout le monde souffre énormément. Ses filles souffrent encore plus. Toute la famille a pris perpète..."

> Maxime, demi-frère : "Il a tué ma soeur..."

> Jérémy, demi-frère : "Nous sommes tous brisés. Je n'ai pas pu lui dire au revoir. Tu m'as enlevé ma soeur" (en regardant fixement Raphaël Dogimi).

Raphaël Dogimi avait déclaré, quelques minutes auparavant : "J'ai tout gâché, tout foutu en l'air... Je ne me le pardonnerai jamais. C'est un gâchis monumental. Au moment des faits, ce n'était plus ma "Toune" (son surnom, NDLR), quelque chose s'était cassé entre nous."

Raphaël Dogimi risque la réclusion criminelle à perpétuité.

Xavier Benoit

La plongée dans l'horreur

Déchaîné par une violence qu'il ne s’explique pas, l’accusé du crime d’Avanton est retourné dans l’enfer du 9 juin 2014. Sans mobile, mais avec une " faille ".

La voix est lasse, monocorde. Regard fixe enfoncé dans des orbites creuses, Raphaël Dogimi, accusé du meurtre de Marine Muccio, la mère de ses deux enfants, le 9 juin 2014, à Avanton, détourne le regard des photos de l'autopsie. Silence morbide dans la salle d'audience de la cour d'assises de la Vienne.

Un mois après les faits, il parle mariage avec sa " maîtresse "

Quarante-deux coups de couteaux. Un déchaînement insoutenable de violences. « Marine Muccio baignait littéralement dans une mare de sang », signalent Franck Dantoing et Francky Pothier, les enquêteurs de la gendarmerie. Ils ont cuisiné le banquier pendant 44 h. « Sa maîtrise était telle que je ne pense pas qu'il serait passé aux aveux si nous ne l'avions pas mis en face de ses contradictions. » Le film de l'horreur (lire plus bas) s'appelle déni. Il y a pourtant deux couteaux utilisés : l'un de 11,5 cm, plié à 90° après s'être tordu sur le rachis de Marine Muccio. Le second, de cuisine, 20 cm, redoutable outil pour une mitraille d'incisions sur le corps de la mère de famille. Elle est méconnaissable. L'accusé se souvient du début et de la fin. Pas des quarante coups de couteaux. L'expert psychiatre, Jean-Louis Senon, affirme qu'il est fréquent « qu'une personne se quitte elle-même, lors de violences extrêmes. » Mais il y a le reste. Un mobile ? « Pourquoi avez-vous tué Marine ? », demande Me Cécile de Oliveira, au nom des parties civiles : « Je n'ai jamais eu la volonté consciente de le faire. C'est un enchaînement dramatique… »
A cet instant, la salle d'audience a encore en mémoire les révélations faites par les enquêteurs le matin : des aveux tardifs, les vêtements et couteaux ensanglantés jetés dans un talus… Et puis ces 40 coups de téléphone passés, un mois après le crime, à sa « maîtresse » (ce qu'il dément), Myriam, une collègue de travail. Il est alors en détention provisoire au centre pénitentiaire de Poitiers Vivonne. « L'écoute nous a stupéfaits, déclare Franck Dantoing à la barre. Ils parlaient de la procédure, des moyens de faire pression sur les témoins, des dommages et intérêts à venir, de mariage et d'enfant. » Et si Raphaël Dogimi avait besoin d'un alibi ? D'autant qu'il semble « très détaché des faits. » Un alibi ? Alors que Marine avait trouvé du travail et une maison dès le lendemain ? Elle voulait refaire sa vie après l'avoir défaite. A quelques heures près, un autre monde était possible. Sans violence, sans mort. Le psychiatre, Jean-Louis Senon, et la psychologue, Chantal Magnant, tombent d'accord pour tenter d'expliquer ce crime passionnel : Raphaël Dogimi s'est construit sur une « faille » psychologique. Sans doute lié à l'angoisse d'un abandon dans son enfance. Ce 9 juin 2014, « toutes ses défenses ont craqué et il a été incapable de se retenir », affirme la psychologue. Pour la première fois de sa vie, Raphaël Dogimi est à découvert.

repères

42 plaies sur le corps de Marine Muccio

Le médecin légiste du CHU de Poitiers, Tyffanie Houpers, a longuement détaillé le rapport d'autopsie : 42 plaies franches ont été comptabilisées sur le corps de Marine Muccio. Neuf coups ont été portés à la tête, dont une avec la rambarde sur le haut du crâne et les huit autres avec le couteau de cuisine, occasionnant deux fractures osseuses. Un coup de couteau a provoqué une section partielle de la moelle épinière. A cela s'ajoute de multiples ecchymoses et hématomes sur le visage, le crâne, le front, la bouche, les bras, les jambes, le dos… Le légiste estime que la mort a été provoquée par « des lésions cardiaques et pulmonaires et une perte massive de sang induite par les multiples plaies. »

Un film d'horreur sans le bruit de la mort

Katell Couhé, interroge Raphaël Dogimi sur le déroulé du meurtre.
- Que s'est-il passé ? « Le ton est monté. Elle voulait partir à Nevers, elle aimait quelqu'un là-bas. Je ne voulais pas qu'elle parte avec les enfants. Elle s'est mise dans une colère excessive. Elle a pris la planche à découper. »
- Pourquoi cette planche ? « Parce qu'elle n'a pas géré sa colère. Elle a voulu me donner un coup. J'ai esquivé. »
- Quelle a été votre réaction ? « Je lui ai donné un coup-de-poing. Elle a jeté la planche par-derrière. Elle me regarde et me dit que je vais le regretter en se dirigeant vers la chambre de la petite. »
- Vous comprenez quoi ? « Je me suis dit qu'elle allait tout faire pour que je ne voie pas mes gamines. Je voulais l'empêcher. »
- Vous pouviez la saisir par les bras ? « S'il y avait d'autres solutions pour la retenir ? Oui… J'ai pris la rambarde d'escalier et j'ai donné un ou deux coups sur sa tête. Elle s'est retournée, elle était vacillante. Elle s'est dirigée vers la porte d'entrée. »
- Qu'est-ce que vous faites ? « Je lui redonne un coup de rambarde dans le dos pour l'arrêter. Je lui ai tiré les cheveux, déséquilibré, elle est tombée au niveau de l'îlot de cuisine. Elle était consciente. »
- Est-ce qu'elle crie ? « J'ai un problème de mémoire sur les bruits, je ne me souviens pas. »
- Elle est par terre et qu'est-ce vous faites après ? « Je m'approche d'elle. Elle prend un couteau à terre, le couteau à steak. Je l'ai désarmé, j'ai pris un couteau sur la table et j'ai porté des coups… »
- Des coups où ? « Je n'en ai aucune idée. »
- Plusieurs ? « J'ai pas l'impression mais visiblement, oui. »
- Qu'avez-vous fait après ? « J'ai pris un tapis sur l'étendoir à linge pour recouvrir Marine : je n'avais pas envie de voir. Il y avait beaucoup de sang, elle ne bougeait plus… »

14 JANVIER 2017
Raphaël Dogimi condamné à 25 ans de réclusion

Le jury de la cour d'assises de la Vienne a reconnu l’accusé coupable du crime de Marine Muccio, avec la circonstance aggravante qu’il était lié par un PACS.

Raphaël Dogimi, accusé du meurtre de sa compagne, Marine Muccio, le 9 juin 2014, à Avanton, a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de la Vienne. Les jurés ont retenu une circonstance aggravante : il était lié par un PACS. Son conseil, Me Sillard, s'est interrogé sur l'opportunité d'un renvoi en appel.

"La peine que vous demandez est excessive"

Les avocats des parties civiles ont exprimé leur satisfaction à l'énoncé de l'arrêt : « La famille de Marine est soulagée. Elle a le sentiment d'avoir été entendue dans sa douleur » (Me de Oliveira) ; « Avec une telle décision, qui ne ramènera pas Marine, ils vont pouvoir faire face à leur vie brisée et commencer un travail de deuil » (Me Zoro).

Quelques heures avant l'énoncé de l'arrêt, l'affrontement entre l'avocat général, Frédéric Clot et l'avocat de la défense, Me Sillard, avait donné une idée du différentiel d'approche sur l'accusé.

« Il est responsable de ce crime, avait tonné l'avocat général qui avait requis la réclusion criminelle à perpétuité pour« punir et garantir qu'il ne recommence pas ». « Ce crime atroce révèle Raphaël Dogimi comme un être d'une singulière froideur. Il est quelqu'un qui ment tout le temps. C'est un crime sans nom et un crime absurde. On sait que le couple cohabitait, sans plus. Marine Muccio allait lui échapper dès le lendemain. » Pour le représentant de la société, la victime a été « dépouillée, trompée, menacée et mise à mort. »

Face à lui, Me Laurent Sillard, avocat de Raphaël Dogimi, a plaidé pendant deux heures en demandant au jury une exigence de vérité et d'arriver à « une sanction juste. »

« Comment peut-on tuer sans mobile, sans raison ? J'essaye de vous faire rapprocher de la réalité, sinon à quoi servira ce procès de trois jours ? Si nous réduisons ça à quarante coups de couteaux, nous sommes à côté de la plaque. Je pense que c'est un coup de folie, sans pathologie, ça relève du crime passionnel. » Puis, s'adressant directement à l'avocat général : « La peine que vous demandez est excessive. C'est une peine qui n'a aucun sens, aucune utilité », a ajouté Me Sillard en estimant qu'on pouvait « guérir Dogimi. »

"Une volonté de tuer Marine Muccio"

Pour Me Thierry Zoro, avocat de la famille maternelle et ancien conseil de Marine Muccio, à l'époque où elle défendait la garde des enfants devant le juge aux affaires familiales, Raphaël Dogimi « avait la volonté de tuer Marine Muccio ; je veux bien qu'on plaide qu'il n'avait pas tous ses esprits. Mais qu'est-ce qui peut justifier un tel déchaînement de violence, un tel acharnement ? Le crime passionnel ? Et pour soutenir ce crime, on va vous dire que Marine était excessive, jalouse, hystérique, bipolaire, qu'elle l'empêchait de voir ses enfants ? Elle n'a jamais été bipolaire et il n'y a pas un seul exemple qui prouve qu'elle voulait le priver de ses enfants. »

Me Cécile de Oliveira, conseil de la famille paternelle de la victime, a vu dans l'accusé un stratège : « Il maîtrise parfaitement le récit de la mise à mort de Marine. Lui, le banquier, le bon négociateur, il propose un contrat en équilibrant l'actif et le passif. Je ne vous invite pas à signer ce contrat proposé par Raphaël Dogimi », lance-t-elle aux huit jurés populaires. « Il a une amnésie sur la scène du crime ? Il fait le choix d'effacer la bande-son. Il a construit son récit a posteriori. » L'avocate nantaise ne croit pas non plus au crime passionnel : « On ne tue pas par amour. On tue par amour de soi, par orgueil. Pour mes clients, le son de la voix de Raphaël Dogimi est une torture… »

Deux innocentes victimes de la folie humaine


Je m'appelle Marie (*) et j'ai 6 ans. Ma petite sœur a 4 ans. Maman est morte et papa est en prison. Aujourd'hui, je me demande comment on va faire pour grandir ? Extrêmement émouvante, la plaidoirie de Me Émilie Hay, conseil de l'Aide sociale à l'enfance, qui a parlé au nom des deux orphelines. C'est d'ailleurs le seul moment, en trois jours de procès, où le public a vu l'accusé s'effondrer en sanglots. Ces deux innocentes, sacrifiées sur l'autel de la folie humaine, sont les grandes absentes de ce procès d'assises concentré sur la responsabilité des adultes. Il n'était pas donc inutile qu'une avocate relaye leur présence. Initialement placées chez la mère de l'accusé, elles ont été retirées sur décision de justice. Elles vivent désormais dans un village d'enfants spécialisé à Amboise. Les deux familles sont tombées d'accord pour cet éloignement profitable à leur croissance dans un milieu « neutre » mais elles passent des vacances dans chaque famille. Le chemin vers un semblant de normalité, pour ces deux enfants, sera très long. La plus grande, qui a assisté à une partie du crime, est la plus traumatisée. La plus petite a également vu sa maman morte. Lors du procès, une administratrice de l'aide sociale à l'enfance a pris des notes. Elle fera un compte rendu, avec des mots choisis, aux deux orphelines. L'ASE tiendra également à disposition des enfants un dossier consultable, à leur majorité, sur le crime. La prise de distance est encore loin. Pour le moment, les filles s'inquiètent de savoir « qui va les tuer quand elles seront adultes… »

19 JANVIER 2017
Raphaël Dogimi fait appel de sa condamnation

Raphaël Dogimi sera jugé par la Cour d'assises de Charente-Maritime, à Saintes, en appel.

Condamné à 25 ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises de la Vienne, pour le meurtre de sa compagne, Marine Muccio, dans des circonstances atroces (25 coups de couteaux), Raphaël Dogimi a décidé de faire appel. « Bien que reconnaissant l'extrême gravité de ses actes, écrit son conseil, Me Laurent Sillard. Raphaël Dogimi a, après concertation avec son conseil, décidé d'interjeter appel de la condamnation pénale prononcée à son encontre par la Cour d'assises de la Vienne, le 13 janvier 2017, et de la disposition relative au retrait de l'autorité parentale sur les enfants. Cet appel est essentiellement motivé par les réquisitions de l'avocat général tendant au prononcé de la réclusion criminelle à perpétuité, constituant la sanction la plus lourde du droit pénal français et réservée à des affaires particulièrement exceptionnelles. Nous avons considéré que ces réquisitions étaient inappropriées. De notre point de vue, ces réquisitions ont mécaniquement participé à la décision de la Cour d'assises, à l'occasion de son vote puisque le jury s'est prononcé à partir du maximum des peines encourues en droit français. »

En plus des vingt-cinq années de réclusion criminelle, Raphaël Dogimi a été déchu de son autorité parentale à la demande du conseil de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), Me Hay, concernant ses deux filles qui ont assisté à une partie du crime, le 9 juin 2014, dans une maison d'habitation de la rue de la Garenne, à Avanton. Les deux orphelines sont désormais accueillies dans un village d'enfants spécialisé, à Amboise. Une provision a également été demandée en attendant les conclusions d'une expertise médico-psychologique.
L'accusé a également été condamné à verser des dommages et intérêts aux parties civiles : 25.000 € pour la maman de Marine Muccio ; la même somme pour le papa biologique et adoptif ; 10.000 € pour chaque demi-frère et sœur ; 5.000 € pour les grands parents et la belle-mère.
Pour les proches de Marine Muccio, les dommages et intérêts n'étaient pas la priorité. La peine prononcée par le jury de la Cour d'assises de la Vienne semblait avoir pris acte de leurs douleurs. La perspective d'un nouveau procès sera-t-elle de nature à confirmer cette impression ?

Xavier Benoit