Artisans mais aussi artistes

Avec eux, les objets d'artisanat deviennent des oeuvres d'art. Portrait de quelques-uns de ces artisans d'art établis dans la Vienne.

Catherine Carlier violon et pinceaux

Dans son atelier à Montmorillon. Catherine Carlier propose aussi des stages d'enluminure à l'abbaye de la Réau, le 18 août.

Dans la Cité de l'écrit à Montmorillon, Catherine Carlier propose des stages d’enluminure. Elle est aussi artiste peintre et violoniste accomplie.

Le trait est précis, les motifs incroyablement détaillés, les couleurs rigoureusement posées : le style de Catherine Carlier est reconnaissable entre tous. Cette artiste peintre installée dans la Cité de l'écrit de Montmorillon, depuis 2005, y propose des stages d'enluminure – une de ses passions – avec la peinture à l'huile et la musique.

« Je viens d'une famille de musiciens, explique-t-elle, mon père était directeur de conservatoire, nous avons voyagé au gré de ses postes en Rhodésie, Afrique du sud, Colombie. Avec mes quatre frères et sœurs, nous jouions en septuor avec mes parents. J'ai eu une enfance de voyage, de travail, de musique et d'art. Je tiens la passion de la peinture de mon père et de mon grand-père qui faisait des copies de tableaux de maîtres flamands et hollandais. »

Chaque tableau est une aventure

Catherine développe quant à elle son propre univers graphique, dans un style naïf, coloré, riche en détails, inspiré de Brueghel, van Eyck et des Très Riches Heures du duc de Berry. « Je me passionne pour les recettes anciennes, je fabrique mes peintures avec des pigments et des résines. Dans chaque tableau je m'impose un nouveau défi technique, c'est chaque fois une aventure. Lorsque j'ai commencé à exposer, j'ai vu que mon style plaisait et j'ai décidé de m'y consacrer. J'ai actuellement des tableaux en exposition en Belgique et en Pologne. Cela me donne aussi l'occasion de voyager. »
Son savoir-faire, elle le partage avec des stagiaires adultes et des jeunes, dans son atelier de Montmorillon et à l'abbaye de la Réau (Saint-Martin-l'Ars). « En stage, on travaille surtout l'enluminure et l'application de la dorure : appliquer la feuille d'or est une technique difficile à apprivoiser, il faut au minimum y passer une demi-journée, voire la journée pour commencer à maîtriser. »
Catherine Carlier n'a pas abandonné la musique : elle donne également des cours de violon, mandoline, accordéon diatonique, guitare et harmonica : « J'aime passer de l'un à l'autre. La musique et l'art se complètent parfaitement. »

> Atelier Carl Arts : 11, petite rue Champien à Montmorillon. Tél. 06.24.34.17.17. Sur Facebook : Atelier Carl Arts.

Sébastien Kerouanton

Les tamis de Marie-Annick

Marie-Annick Bruneau-Joubert dans son nouvel atelier de Valdivienne.

La dernière tamiserie artisanale française se trouve à… Valdivienne ! Marie-Annick Bruneau-Joubert l'a reprise en 2005. Rencontre.

C'est en 2005 qu'elle a repris à William Jallais, de Saint-Julien-l'Ars, son atelier de fabrication de tous types de tamis. Le produit de son travail est vendu en direct sur les marchés de la région, ainsi qu'à des grossistes spécialisés. « Je fournis notamment le domaine agricole pour le tri des semences. Il y a beaucoup d'agriculteurs bio qui me passent des commandes. Mes tamis se retrouvent aussi dans les laboratoires des pharmaciens et des chimistes, chez les émailleurs et sont utilisés par les orpailleurs », indique Marie-Annick Bruneau-Joubert.

Du sur-mesure, de la pièce unique

Sa force c'est le sur-mesure. « Je fabrique autant pour des particuliers que pour des professionnels, de la pièce unique à la série, du tamis du dixième de millimètre d'épaisseur à celui de 2 cm. Je m'adapte toujours à la demande ». L'artisane met aussi un point d'honneur à perpétuer l'utilisation des matériaux traditionnels. « Le cercle de mes tamis est en hêtre, un bois de qualité assez souple pour être travaillé facilement. Au fond du cercle, je fixe une grille d'acier inoxydable, plus ou moins fine selon les usages. Il me faut entre une demi-heure et 4 heures de travail pour fixer la toile selon son épaisseur », précise-t-elle.
Après quelques années à Chauvigny, Marie-Annick Bruneau-Joubert a décidé de s'installer dans la commune de Valdivienne. « Désormais j'exerce à domicile, c'est plus pratique. J'ai aménagé une partie de ma grange pour y créer mon nouvel atelier », justifie-t-elle. Par ailleurs pour augmenter l'activité de son entreprise elle a proposé ses compétences auprès d'artistes comme Mircea Cantor, artiste roumain qui a exposé ses œuvres de 2012 à 2013 au centre national d'art et de culture Georges-Pompidou. Parmi ses quatre pièces il a exposé, « Dont' judge, Filter, shoot », une rosace de plus de 3,5 m de diamètre, composée de tamis de bois entrelacés qu'elle a entièrement fabriquée. « Je travaille aussi pour un autre artiste qui crée du luminaire. C'est très joli et je commence à avoir des commandes dans ce domaine. Par ailleurs je développe une nouvelle activité de création d'hébergement insolite de loisirs, tendance toile et bois. Cette activité démarrée il y a deux ans je la mène avec la complicité de Patrick Arlot, menuisier et tourneur sur bois de Villeneuve près de Chauvigny », ajoute la tamisière qui se dit « très fière de contribuer à la sauvegarde d'un patrimoine artisanal unique ».

La tamiserie : 24, rue du Bac, Cubord, Valdivienne. Contact au 05.49.56.51.28.

Cor. : Robert Benoist

Marina Gélineau : le verre dans tout son éclat

La jeune vitrailliste dans son atelier poitevin.

La jeune vitrailliste poitevine vient de décrocher son premier marché public avec les vitraux de l'église de Cissé.

C'est un de ces noms de métiers magiques qui font penser spontanément aux compagnonnages médiévaux ou aux riches heures de la gentry anglaise : vitrailliste ou, plus fréquemment maître-verrier. C'est ce métier que Marina Gélineau a choisi d'exercer dans son atelier situé au sous-sol de sa maison au cœur de Poitiers.

La jeune Marina peut s'enorgueillir d'un long cheminement avant de se lancer dans cet art exigeant : quatre ans d'Histoire de l'Art à l'Université, puis un CAP, puis des séjours chez quelques-uns des plus grands maîtres-verriers que compte la France, à l'instar de Michel Guevel, LA référence contemporaine en matière de vitrail.
Depuis dix ans, Marina Gélineau est installée à son compte, travaillant quasi exclusivement pour une clientèle privée charmée par son style qu'on peut découvrir sur Internet.

Des vitraux inspirés de la vie de Saint-Pierre

Artiste, Marina s'inspire de la nature pour créer des vitraux à la fois figuratifs et modernes ; artisan, elle n'hésite pas à faire évoluer les techniques ancestrales des maîtres-verriers. Ces derniers mois ont constitué un tournant pour la jeune artiste. D'abord elle a élargi sa palette à la sculpture sur verre, histoire de donner un peu de « relief » à ses créations.
Ensuite, elle a décroché son premier marché public : la création ex nihilo des vitraux de l'église Saint-Pierre de Cissé. « C'est vraiment très différent de ce que je fais d'habitude. Ces cinq vitraux seront des créations originales mais j'ai cherché l'inspiration dans la vie de Saint-Pierre », explique la jeune artiste. Le pari, en cours de réalisation, était difficile : « Une église a des contraintes lumineuses particulières. Dans celle de Cissé, les vitraux sont positionnés très bas. » La commande publique de Cissé n'avait pourtant pas de quoi faire trembler Marina, habituée qu'elle est à comprendre ce dont le client a envie : « L'Histoire de l'Art m'aide beaucoup », reconnaît-elle. Le numérique aussi : il permet de donner aux clients une idée assez précise de ce que rendra leur vitrail une fois en place, qu'il s'agisse d'orner une baie, un comptoir ou, pourquoi pas, une paroi de douche !

Marina Gélineau 7 Chemin du Lavoir à Poitiers. Tél. 05.49.55.12.28 ou 06.85.36.90.67. Site web : marinagelineau.com

Vincent Buche

Grâce à Stéphan, Judith est arrivée dans un fauteuil

Stéphan Hamache et sa petite équipe ont fêté cette année les vingt ans de l'entreprise qu'il a reprise à son père parti vers de nouvelles aventures.

Depuis vingt ans, Stéphan Hamache restaure et surtout crée des sièges à Poitiers. L'un d’entre eux porte le nom de sa femme.

Un fils qui succède à son père, c'est banal dans l'artisanat. Sauf chez les Hamache. Quand Claude, le père, installé en 1977 à la suite de son patron comme tapissier garnisseur rue du Faubourg du Pont-Neuf à Poitiers est allé tenter une nouvelle aventure, Stéphan, son fils et disciple ne l'a pas suivi.

Claude Hamache s'en allait fonder, sur la zone de la République, la prestigieuse société ACH (comme Atelier Claude Hamache) aujourd'hui spécialisée dans l'équipement intérieur des jets privés. Stéphan a préféré prendre les rênes de l'activité traditionnelle de mobilier destiné aux particuliers : « Je n'avais pas l'intention de bosser jour et nuit comme mon père », s'excuserait presque l'artisan d'art.


Savoir où c'est fabriqué, c'est important

Si bien que depuis vingt ans, Stéphan Hamache s'est employé à perpétuer la tradition paternelle, tout en créant sans cesse de nouveaux modèles de sièges et autres divans. L'un d'entre eux, une liseuse, s'appelle Judith. Comme l'épouse de Stéphan, l'un des piliers de la petite équipe de cinq personnes de l'atelier poitevin.
Ce qui fait la marque de fabrique de Stéphan Hamache ? « On fait du 100 % Poitevin (1) et on travaille à 50 % sur du sur-mesure. » Un savoir-faire qui n'a pas échappé aux architectes d'intérieur, de plus en plus nombreux à faire appel à l'artisan poitevin, qui entend bien continuer longtemps à jouer la proximité : « La nouvelle clientèle demande de plus en plus où c'est fabriqué. C'est devenu important. »
« Je travaille à l'ancienne, explique le maître tapissier. Pour le sur-mesure, je suis en liaison permanente avec le client. » On imagine que les tarifs du créateur sont à la hauteur de son art. « Ce n'est pas vrai. On n'est pas hors de prix, comme les gens le croient souvent. On sort des canapés à des prix très abordables », s'insurge Stéphan Hamache qui affirme ne pas être plus cher que les grandes marques du mobilier industriel.

(1) En fait, c'est environ 60 % de la production qui est faite sur place, certaines pièces, comme les carcasses des modèles de milieu de gamme, étant concédées à des sous-traitants.

Stéphan Hamache 120 rue du Faubourg-du-Pont-Neuf à Poitiers tél. 05.49.46.83.88.

Vincent Buche

Des poteries féeriques à Chauvigny

Une fois la pièce finalisée, Angélique Bonneau peint ses œuvres avec des couleurs naturelles, comme de l'ocre. Ces oxydes étaient utilisés au Moyen Age pour peindre dans les églises comme dans la collégiale Saint-Pierre de Chauvigny.

Au cœur de la cité médiévale depuis 2012, Angélique Bonneau sculpte ses poteries. Nichoirs, tasses, théières semblent tout droit sortis d'un conte de fée.

C'est une histoire abracadabrantesque, sourit Angélique Bonneau quand on lui demande comment elle a repris la poterie de la cité médiévale. Cette Chauvinoise d'origine, diplômée de l'école des Beaux-arts Céramique de Vallauris (Alpes-Maritimes), avait totalement laissé tomber sa poterie et sa vie dans le Sud pour venir s'occuper de sa mère suite à un accident de voiture. En 2011, elle organise un atelier de poterie dans l'école de son fils et se retrouve sans four pour cuire les œuvres des élèves.

" Un jour, il me tend les clés en me disant : « Tu es prête à reprendre l'atelier » "

Elle fait appel à William Sauter, l'ancien potier. « On s'est lié d'amitié, je venais régulièrement faire des pièces avec lui. Puis un jour, comme dans un film, j'étais sur le tour en train de monter une pièce, et il me tend les clés de l'atelier en me disant : " Tu es prête, tu peux reprendre la boutique " », raconte-t-elle.
Lorsqu'elle rachète l'atelier en 2012, elle veut se créer son propre univers et sortir des classiques bols et assiettes : « J'ai commencé par créer des nichoirs. C'est comme ça que je me suis fait connaître. » A côté des cocons pour les oiseaux, on trouve des théières aux couvercles rappelant des bonnets de lutins, sa marque de fabrique.

Des pièces uniques

« J'ai voulu rester dans l'ambiance médiévale et féerique, ça colle bien avec la Ville haute chauvinoise », explique la potière.
Angélique Bonneau travaille le grès, « une terre qu'on peut cuire à très haute température, qui a l'avantage d'être étanche et de résister au gel ». Chaque objet est unique, et nécessite plusieurs jours de travail entre la construction de la pièce en elle-même, le séchage, la décoration et la cuisson.
Installée derrière son atelier ouvert sur la boutique, elle observe la réaction des clients. « Certains passent 40 minutes à choisir une tasse », s'amuse-t-elle, et reste étonnée du succès de ses poteries. « Les gens reviennent d'une année sur l'autre pour acheter un nouvel objet, c'est très gratifiant », conclut-elle en souriant.

La Poterie de l'Érable : 12, rue Saint-Pierre, Chauvigny. Ouvert de 10 h 30 à 19 h. Facebook : La Poterie de l'Érable

Anne Thirion

Fabriquer de la musique du bout de ses doigts

Patrick Penaud récupère des copeaux de bois sur la table harmonique d'une ancienne guitare afin de réparer une fissure sur la guitare romantique.

Patrick Penaud, luthier à Neuville-de-Poitou, fabrique, répare et restaure des guitares. Tout en préférant le travail à la main plutôt qu'à la machine.

Au milieu de son atelier de Neuville, Patrick Penaud ponce une guitare. « Notre métier c'est beaucoup de ponçage, à chaque fois que l'on colle un élément, il faut frotter », dévoile-t-il. L'artisan s'est pris de passion pour le métier de luthier il y a plus de quinze ans. Après avoir été professeur de guitare classique pendant 25 ans, il a eu envie de « faire autre chose de ses doigts ». Amoureux de musique et guitariste depuis son plus jeune âge, il décide de passer un CAP d'ébénisterie pour devenir luthier. Il est désormais installé depuis plus de 10 ans.

" Près de 200 heures de travail pour une guitare "

Minutie et patience sont les principales qualités requises. « Il me faut près de 200 heures de travail, soit environ un mois, pour fabriquer une guitare », explique Patrick Penaud. Pour façonner le bois, il ne travaille qu'à la main : « Avec une machine, on fera 50 fois la même guitare, quand on travaille à la main, on peut, selon son humeur, son envie, travailler la matière un peu différemment et chaque pièce sera unique ». Lorsqu'il sort de son atelier, l'instrument n'est toujours pas fini. Il révèle : « Dans la fabrication d'une guitare on est trois : le scieur qui choisit le bois, le luthier fabrique l'instrument. Mais la guitare, construite grâce à des collages, s'adapte aux vibrations. Alors le musicien participe aussi dans la façon avec laquelle il la fait sonner ». « C'est une fierté de revoir une guitare quelque temps après en concert et de voir comment a évolué son travail », sourit-il.


Clinique à instruments

L'artisan fabrique quatre à cinq guitares par an. L'essentiel de son activité est la réparation d'instruments. De guitares bien entendu, mais aussi de tout instrument à cordes pincées : « Là j'ai un banjo, et il m'est arrivé de réparer des harpes, des ukulélés, des mandolines », détaille le luthier. Il lui arrive aussi de tomber sur des pièces particulièrement rares. « En ce moment, je restaure une guitare romantique qui date de 1820 ». Un instrument de collection en mauvais état mais pour le luthier « rien n'est perdu ! »

Patrick Penaud à Neuville-de-Poitou www.penaud-luthier.fr 05.49.54.46.63

Anne Thirion