La Vienne s'engage en Haïti

Le reportage de Baptiste Bize.

En Haïti, la Vienne veille sur l'école de Macary

Le président du Département a assuré les écoliers que la Vienne tiendrait ses engagements.

Une délégation poitevine est retournée sur place, le 2 décembre 2017, pour s'assurer du bon fonctionnement de l’école et du centre de santé qu’elle a fait construire.

Un tap-tap coloré est en mauvaise posture au milieu de la rivière. Ce taxi collectif emblématique d'Haïti a été surpris par le niveau de l’eau encore élevé en ce début de mois de décembre. La saison des pluies qui s’achève a été longue. Comme chaque année, la section communale de Macary s’est retrouvée coupée du monde le temps de la crue.
Dans trois mois, le pont financé par la coopération japonaise après le séisme de 2010 sera enfin mis en service. Le nouveau président haïtien a fait de l’amélioration de la route qui serpente dans la montagne entre les bananiers et les palmiers, depuis la rive opposée, la priorité de son mandat dans le département du Sud-Est.

Depuis 2008

Pour l’heure, il faut encore une bonne heure pour parcourir les 9 kilomètres de chemin raviné jusqu’à l’entrée de Macary, 880 mètres au-dessus du port de la commune, à Marigot. Les volontaires de Vienne Haïti Solidarité qui font le voyage chaque année depuis 2008 ne s’en étonnent plus. C’est là qu’ils ont choisi de faire construire une école et un centre de santé. « Justement parce ce qu’il n’y avait rien dans ce secteur », explique Bruno Belin, cofondateur de l’association.
C’est lui qui est à l’origine de la mission de coopération engagée avec la communauté de communes du Pays loudunais, d’abord. Et, officiellement à partir de ce mardi, avec le conseil départemental de la Vienne qu’il préside. « Depuis le départ, le principe est le même : nos actions sont financées grâce à l’association. Depuis l’an dernier, le Département finance le déplacement de la délégation », explique-t-il. Objectif : s’assurer sur place de la bonne utilisation des fonds.


L’an passé, le voyage avait permis de constater qu’une partie de bourses destinées aux étudiants de Marigot avait été détournée durant le mandat de la précédente équipe municipale. Le centre de santé de Macary ne fonctionnait pas, faute de personnel. Et les classes de l’école s’étaient vidées depuis que des bénévoles avaient remplacé les professeurs titulaires. Ces derniers n’étaient plus payés par l’État haïtien depuis trois ans.
Les effectifs sont repartis à la hausse lors de la dernière rentrée. « Nous sommes passés de 130 à 200 élèves », se réjouit le secrétaire du directeur. Les tout petits sont particulièrement nombreux ; un bon signe. Comme ils s’y étaient engagés, les Poitevins prennent en charge les salaires des enseignants et du gardien. Ils doivent rencontrer la ministre de l’Education nationale, cette semaine, pour mieux comprendre les difficultés du gouvernement.

" Nous sommes ici en amis "

Samedi 2 décembre 2017, les membres de la délégation de la Vienne arrivés les bras chargés de fournitures scolaires se sont retrouvés à jouer les pères Noël avant l’heure en distribuant des cahiers et des crayons. Beaucoup reste à faire. Dans le fonctionnement de l’école mais surtout au centre de santé où la personne qui fait office d’infirmière, la sœur du gardien, n’a toujours ni mobilier, ni matériel, ni médicaments.
Devant les enfants et les parents rassemblés dans la cour, Bruno Belin a assuré la communauté de Macary du soutien de la Vienne : « Nous tiendrons nos engagements. Nous sommes ici en partenaires, en amis. »
L’attente est forte. « Chez nous, l’éducation est la priorité n°1 des familles », assure le jeune maire de Marigot, Danneau René. « On se privera, on ne mangera pas à notre faim, mais on enverra toujours nos enfants à l’école. »

L'école de Fanny, une leçon d’amour en Haïti

Fabienne Lefebvre a fait le voyage depuis le Loudunais. Émue, forcément émue.  © Photo NR

Au bout du monde, une école porte le nom de Fanny Lefebvre. " Quand je vois ces petits, je me dis que Fanny n'est pas partie pour rien ", dit sa maman, Fabienne, de Curçay-sur-Dive. 


Loin, très loin de Curçay-sur-Dive. La voiture, le train, le taxi, l’avion, encore l’avion, encore la voiture. La route goudronnée se transforme en piste de pierres, puis la piste de pierres en sentier boueux. Plus de vingt-quatre heures de voyage depuis le Loudunais et soudain un panneau au milieu des bananiers : « École Fanny Lefebvre de Macary ». 

À l’arrivée, Fabienne Lefebvre tombe dans les bras de son amie Marie-Jeanne Bellamy qui fait partie de la délégation poitevine en visite. Pour elle, cette école est tout simplement « l’école de Fanny ». Sa fille avait 15 ans quand sa vie s’est violemment arrêtée sur une route des Deux-Sèvres un triste jour de février 2010. 

“ Un truc de fou ” 

Elle aimait écouter ses amis, venir en aide aux autres. Elle affichait au-dessus de son bureau la photo et les bulletins de notes de l’écolière qu’elle parrainait au Burkina-Faso. Elle voulait être interprète et parcourir le monde. Les économies placées sur son compte épargne financeraient naturellement l’école que l’association loudunaise Vienne Haïti Solidarité venait de faire construire à Macary. Cette école porterait naturellement son nom. 

« Quand on y pense, c’est un truc de fou d’arriver ici et de voir le nom de sa fille », confie Fabienne. « C’est un merveilleux cadeau que nous a fait l’association ; ça nous a boosté. C’est difficile quand vous perdez votre enfant. Qu’est-ce que vous pouvez faire ? » 



Avec Bruno, son mari, maire de Curçay-sur-Dive, la maman de Fanny est allée dans toutes les écoles que sa fille avait fréquentées pour collecter des fonds. À Ranton, Arçay, Mouterre-Silly, Saint-Laon. Dans les lycées de Thouars, aussi. Le début d’une formidable mobilisation qui permet depuis sept ans de financer des opérations, notamment en Haïti et au Burkina-Faso, avec l’association Regards d’enfants.

 À l’initiative d’une voisine, Fabienne et Bruno organisent depuis une grande soirée de bienfaisance, chaque année, à Loudun. “ Comme si vous aviez deux cents Fanny en Haïti ” « On a l’impression que notre enfant continue de vivre à travers ces enfants à qui nous venons en aide. Quand je vois tous ces petits avec leur uniforme dans la cour de cette école, je me dis que Fanny n’est pas partie pour rien », témoigne Fabienne Lefebvre. « C’est une histoire avec beaucoup d’amour. Si doit y avoir une leçon, c’est ça. C’est l’amour. » 


Le directeur de l’école, Joseph Jean-Marc, sait trouver les mots justes quand il s’adresse à la maman présente devant les élèves : « Fanny n’est plus là en chair et en os mais elle se multiplie par deux cents, dit-il. C’est comme si vous aviez deux cents Fanny en Haïti. »

La Vienne invite Haïti et le Burkina-Faso pour les JO de 2024

Régine Lamur, ministre des Sports de la République d'Haïti, a reçu Bruno Belin, président du Département de la Vienne.

Le conseil départemental propose d'accueillir à ses frais les délégations haïtienne et burkinabée avant les Jeux de Paris en 2024. 

Un pavillon comme tant d’autres derrière un haut mur d’enceinte dans un quartier résidentiel de Port-au-Prince. C’est là que se cachent les services de la ministre de la Jeunesse et des Sports de la République d’Haïti depuis le tremblement de terre de 2010. Régine Lamur accueille la délégation du conseil départemental de la Vienne qui avait sollicité une entrevue en marge des assises de la coopération décentralisée franco-haïtienne. 

" Stopper la fuite d’énergie " 

Ses visiteurs sont venus en amoureux du sport et en amis de son pays : ils proposent d’héberger les sportifs qualifiés pour les Jeux olympiques de Paris 2024 et de mettre des équipements à leur disposition durant leur phase de préparation, avant leur entrée au village olympique. « Si nous pouvons vous aider pour que cette période se passe dans les meilleures conditions possibles, nous le ferons », explique Bruno Belin, le président du Département qui représente aussi l’Assemblée des Départements de France au sein du comité de pilotage sur la gouvernance du sport français mis en place par la nouvelle ministre, Laura Flessel. La même offre sera faite aux autorités du Burkina-Faso où la Vienne est également engagée dans une mission de coopération. Une belle image de solidarité pour le département qui a par ailleurs l’ambition de servir de base arrière à d’autres délégations. Sensible à la proposition, Régine Lamur précise que la réflexion va bientôt débuter pour 2024 alors que l’organisation est déjà bien avancée pour 2020. Elle précise que les moyens financiers de l’État haïtien sont limités. « Le fait de pouvoir compter sur ce genre d’appui est primordial », dit-elle. 

« Les athlètes de 2024 ont 13 ou 14 ans aujourd’hui ; c’est maintenant que ça se joue », observe Bruno Belin. « Les moins de 25 ans représentent 60 % de la population. La jeunesse pour nous, ce n’est pas l’avenir, c’est le présent », explique Régine Lamur qui mise sur l’éducation par le sport. Le football, le basket, le volley, l’athlétisme, le karaté, mais aussi les échecs. L’enjeu est important : « Stopper la fuite de matière grise, de valeur, d’énergie. Dès qu’un jeune a un diplôme, il ne pense qu’à quitter le pays. Le travail est énorme mais nous avons une grande volonté. » Et elle sait maintenant pouvoir compter sur la Vienne pour envisager l’échéance de 2024.

La Vienne et Marigot se sont dit oui

Le maire-adjoint de Marigot et le président du Département de la Vienne, ont signé la convention.

Le conseil départemental et la commune ont officialisé leur engagement lors des assises de la coopération décentralisée franco-haïtienne à Port-au-Prince, le 5 décembre 2017. 

Haïti n'est pas seulement l’un des pays les plus pauvres au monde. C’est aussi l’un des plus exposés aux catastrophes naturelles et l’un des plus éprouvés par les drames humains. « On ne sait pas par où commencer », avoue l’un des participants des assises de la coopération décentralisée franco-haïtienne qui se sont tenues à Port-au-Prince, cette semaine.
La Vienne a choisi un lieu : la commune de Marigot, dans le département du Sud-Est. Elle a ciblé ses priorités : la santé et l’éducation. Le conseil départemental a très officiellement repris l’action initiée par l’association Vienne Haïti Solidarité et poursuivie par le Pays loudunais. Son président, Bruno Belin, et le maire-adjoint de Marigot, Oslais Claude, ont signé une convention de coopération devant les 500 personnes réunies au centre de convention de la Banque de la République d’Haïti, mardi.

Cherche infirmière

La Vienne s'engage à faire fonctionner l’école et le centre de santé qu’elle a fait construire dans la section communale de Macary, y compris en prenant en charge le salaire des personnels. Sa délégation a rencontré le directeur de cabinet du ministre de l’Education nationale, mardi, pour obtenir la nomination d’enseignants diplômés. Elle cherche aussi à recruter une infirmière formée. Dans un contexte municipal tendu, son travail consiste au passage à expliquer aux élus qu’être la sœur du gardien - lequel est gardien parce qu’il a mis le terrain à disposition -, ne constitue pas une formation suffisante pour distribuer des médicaments.


Alors que les plages du sud-est et les bords des routes sont jonchés d’emballages en polystyrène et de bouteilles en plastique, elle s’associe à d’autres collectivités locales de la Caraïbe pour participer à l’éducation à la collecte et au tri des déchets ménagers dans le secteur de Jacmel. Deux emplois civiques seront envoyés en mission pour participer à la gestion des déchets et à l’alphabétisation. 

" Le malheur des uns peut affecter le bonheur des autres "

« Nous envisageons d'envoyer des pompiers de la Vienne sur place pour participer à l'organisation des secours et de recevoir les pompiers de Jacmel à Valdivienne pour les former », ajoute Marie-Jeanne Bellamy, présidente du service d’incendie et de secours de la Vienne, effarée de voir l’état du centre de secours de Jacmel où s’entasse du matériel donné et inutilisé. Pendant les assises, le maire de Carrefour avait résumé l’enjeu en peu de mots : « Le monde se réduisant à un village, le malheur des uns peut affecter le bonheur des autres. » La Vienne l’avait compris avant tout le monde grâce à René Monory en engageant le premier jumelage nord-sud entre Loudun et Ouagadougou, au Burkina-Faso. C’était il y a cinquante ans.


Une nouvelle page de l'histoire franco-haïtienne

Le président Jovenel Moïse, ici au côté de l'ambassadrice de France en Haïti, le 5 décembre. Une relation de confiance.

Le président de la République d'Haïti a rendez-vous avec Emmanuel Macron, lundi 11 décembre 2017, pour écrire une nouvelle page des relations franco-haïtiennes et renforcer la coopération économique. 

A la sortie du magnifique centre de convention qui se dresse dans le décor post-apocalyptique des rues de Port-au-Prince, le président de la République d’Haïti est interpellé par des passants tenus à distance par une armée d’hommes en armes et encagoulés.
Deux mille personnes ont manifesté le matin même contre le fléau de la corruption. Le scandale des fonds PetroCaribe éclabousse des membres du précédent gouvernement et la jeunesse qui a démocratiquement porté Jovenel Moïse au pouvoir il y a un an s’impatiente. Ce planteur de bananes de 49 ans entend pourtant s’appuyer sur sa jeunesse pour transformer le pays. « 60 % de la population a moins de 25 ans », indique sa ministre de la Jeunesse et des Sports, Régine Lamur. « Tous les pays ne peuvent pas en dire autant. C’est une chance. »

Jovenel Moïse qui a lancé sa « caravane du changement » sur les routes d’Haïti veut, dit-il, réconcilier le pays avec lui-même. Il entend aussi profiter de son élection pour écrire une nouvelle page des relations franco-haïtiennes. C’est ce qu’il dira à Emmanuel Macron, lundi, à Paris. « Nous partageons la même langue, la même culture. La France et Haïti sont condamnés à vivre ensemble », explique-t-il à l’occasion des assises de la coopération décentralisée franco-haïtienne. « Devenu président de la République, je commence à comprendre la relation qui nous lie. » 

" Condamnés à vivre ensemble "

Jovenel Moïse qui a lancé un vaste programme de construction d'infrastructures n’attend pas des mots. Dans ce pays qui aime les lettres, il parle des 300 millions de dollars investis par un grand groupe français. « Les investissements des entreprises françaises représentent 80 % des investissements privés en Haïti », insiste-t-il. « Je veux maintenant que notre coopération publique soit aussi concrète. » Présent à la cérémonie commémorant l’abolition de l’esclavage à La Rochelle, l’an dernier, le maire de Port-au-Prince acquiesce : « Il faut que nous commencions à nous parler vrai. Notre relation actuelle se heurte toujours au passé. Il faut en parler, crever l’abcès et avancer. Nos deux présidents sont jeunes. Ils connaissent l’histoire. Ils peuvent aller de l’avant. » Le discours du président français à Ougadougou est passé par là. Après des décennies de dictature et des années d’instabilité, la confiance est en tout cas rétablie. « Ce pays est sorti de ses turbulences électorales et politiques », salue l’ambassadrice de France en Haïti.
La fuite des cerveaux, le séisme de 2010 et les ouragans ont détruit l’appareil d’État et dévasté le pays. Tout est à reconstruire. Jovenel Moïse qui a relevé le défi voudrait pouvoir compter sur le soutien de la France.