Vienne : l'arrivée de la LGV,
vecteur d'attractivité ?

Réalisé par Alain Defaye, Baptiste Bize, Vincent Buche, Patrick Lavaud.

LA LIGNE À GRANDE VITESSE : PAS UNE FORMULE MAGIQUE

Les élus ont évalué l'impact de l'arrivée de la LGV dans la région. - (Photo Patrick Lavaud)


Que faut-il espérer de la LGV ? C'est la question à laquelle ont essayé de répondre mardi 21 mars les invités du groupe NR et de la région Nouvelle-Aquitaine.

Cent jours : c'est à peu près le temps qu'il nous reste à attendre avant la mise en service de la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse entre Bordeaux et Tours. Une ligne qui, c'est une évidence, concerne au plus haut point Poitiers : l'ancienne capitale de Poitou-Charentes sera désormais (dans le meilleur des cas) à 1 h 18 de Paris.


Le club réduit des villes à moins de 1 h 30 de Paris

20 à 30 petites minutes de gagnées sur le temps actuel mais un changement de dimension si on en croit les spécialistes invités mardi 21 mars de la grande soirée organisée au centre de conférences de Poitiers par le groupe Nouvelle République et la région Nouvelle-Aquitaine. Soit pratiquement au cœur de la gare, comme il se doit. Une soirée à laquelle participaient nombre d'élus de premier plan (Alain Rousset, président de la Région, Bruno Belin, président du Département, Alain Claeys, président de Grand Poitiers), des chefs d'entreprise, des spécialistes…
« On entre dans le club réduit des villes à moins de 1 h 30 de Paris », souligne Emmanuel Dalmar, directeur commercial de Lisea. Un « on » collectif dont on rappellera sans trop insister qu'il n'inclut pas Lisea, l'entreprise exploitant la ligne nouvelle ayant déplacé (comme c'était prévu) son siège de Poitiers à Bordeaux.
Une heure et demie, dit comme ça, ça ne signifie pas grand-chose. Mais pour les usagers réguliers du train, si. « A moins d'une heure et demie de Poitiers, on fait facilement l'aller-retour. On touche un public de navetteurs qui vont se rendre à Paris deux ou trois fois par semaine. » Et pour un cadre parisien, ce n'est plus une galère de rendre visite à la filiale ou la succursale de province.


La LGV est dont incontestablement un levier pour un territoire. « Une ville non desservie se sent dévalorisée », souligne Catherine Basck, de la direction stratégie et prospective de Nouvelle-Aquitaine. Par diplomatie, aucun nom n'est cité, mais on pense très fort à nos voisins de Limoges.
Reste qu'une ligne à grande vitesse ne fait pas tout. Voyez à Tours ou à Vendôme où les retombées de la ligne sont plus que modestes. « La LGV n'est pas une formule magique, rappelle Emmanuel Dalmar. Si le territoire est prêt, il prend le vent et ça démarre très fort. » Et de citer en exemple Lyon, Lille ou Marseille qui, il faut bien l'admettre, avaient dès le départ d'autres atouts que Poitiers.
Et si le territoire n'est pas prêt ? S'il se contente de regarder passer les trains ? Emmanuel Dalmar admet que l'effet peut s'avérer négatif, les métropoles absorbant en se rapprochant la vitalité des villes intermédiaires. Gageons que les élus présents mardi 21 mars auront retenu la leçon.


Vincent Buche

Ce que change (ou pas) la LGV Tours-Bordeaux

Vingt-sept ans après l'arrivée du TGV, la nouvelle ligne à grande vitesse rapprochera encore la Vienne de Paris et lui ouvrira les portes du Sud-Ouest.

La Vienne n'a pas attendu la construction de la LGV Tours-Bordeaux pour entrer dans l'ère du TGV. En septembre 1990, déjà, François Mitterrand était venu personnellement marquer à Poitiers « l'aboutissement d'une décision très personnelle » : « J'ai toujours pensé que la façade Atlantique devait être mieux desservie », expliquait le président de la République dans sa région natale en souhaitant « absolument que tout le Sud-Ouest de la France soit irrigué par le TGV ».

Vingt-sept ans plus tard, l'extension de la ligne à grande vitesse jusqu'à Bordeaux marque une nouvelle étape alors que les deux branches vers Toulouse et Dax sont toujours à l'étude. Le tronçon qui sera mis en service le 2 juillet prochain ouvre donc à Poitiers les portes du Sud-Ouest.

Les grands perdants sont les Châtelleraudais

Sur le papier, il ne faudra désormais plus que 1 h 03 pour se rendre à Bordeaux contre 1 h 50 à l'heure actuelle. Dans les faits, la plupart des trains qui s'arrêteront à Angoulême ou à Libourne mettront 1 h 17 tandis que ceux qui feront deux haltes ne seront pas plus rapides qu'aujourd'hui.
Le choix de maintenir les gares TGV en centre-ville rallonge en moyenne de 7 minutes le temps d'un arrêt : 15 minutes contre 8 minutes. Contrairement aux gares nouvelles construites le long de la LGV Est, ce choix permet en revanche de mieux irriguer l'ensemble du territoire grâce à des connexions avec les TER mais aussi de créer de l'activité économique au cœur des villes. En faisant construire un immeuble de 4.600 m2 de bureaux sur sept étages, une gare routière, un parking aérien de 750 places et un centre de conférences sur le site de la gare désormais connu sous le nom de Toumaï, au début des années 2000, l'ancien maire de Poitiers et président de l'Association des villes TGV, Jacques Santrot, cherchait ainsi à donner à sa ville les moyens de profiter de l'effet TGV tout en rendant irréversible la présence de la gare en centre-ville.
Dans la Vienne, les grands perdants de la LGV Tours-Bordeaux sont les Châtelleraudais. À partir de cet été, ils seront non seulement privés de liaison directe avec Bordeaux – puisqu'ils devront d'abord prendre un train régional jusqu'à Poitiers avant de monter dans le TGV en direction du sud. Mais leur liaison avec Paris ne sera même pas améliorée – nombre de trains identique et temps de trajet comparables.

Temps de voyage moyen de 1 h 36 entre Poitiers et Paris

Pour Poitiers, cette deuxième arrivée du TGV se traduit tout de même par un gain de temps de 10 minutes pour les trains de et vers Montparnasse. Sur le papier, là encore : 1 h 18 contre 1 h 28 en 1990. Car dans les faits, le temps de parcours moyen sera de 1 h 36 avec de nombreuses haltes à Saint-Pierre-des-Corps et quelques crochets sur l'ancienne voie pour desservir la station du Futuroscope et la gare de Châtellerault.
Tous les spécialistes le reconnaissent, la qualité des dessertes est le nerf de la guerre en matière d'attractivité. Au moins autant que leur nombre. Les horaires des trains dans la journée doivent ainsi répondre aux besoins des usagers. Or, de ce point de vue, il convient de reconnaître que Poitiers est quelque peu sacrifié au profit de Bordeaux où se joue la guerre commerciale, le matin et le soir, avec le maximum de navettes directes en provenance et à destination de Paris pour concurrencer l'avion.

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TGV : un accélérateur de dynamique

Pas un outil miracle en matière de développement économique mais un accélérateur de dynamique : « Les territoires qui présentent des activités dans le secteur tertiaire supérieur, c'est à dire l'enseigement supérieur et la recherche, la haute technologie, la finance, les activités de conseil et d'études sont les plus à même de générer du trafic et donc de bénéficier de l'effet grande vitesse », expliquait Marie Demolin-Gratadour, directrice de la prospective et de la stratégie à la Région Nouvelle-Aquitaine, dernièrement, à Angoulême. A cet égard, Poitiers ne manque pas d'atouts. « Il n'y a pas de lien direct de cause à effet entre desserte de TGV et dynamisme des villes », estimait déjà l'universitaire Marie Delaplace, dans nos colonnes, au début du chantier de la LGV Tours-Bordeaux. « Mais il semble y avoir un effet d'image », ajoutait-elle. C'est le défi à relever pour gagner la bataille de l'attractivité.

Baptiste Bize

Un " atout " pour l'Université de Poitiers


Les étudiants ne choisissent pas l'Université de Poitiers pour sa gare TGV. La plupart des élèves en première ou deuxième année de licence viennent de la Vienne, des Deux-Sèvres, de Charente et de l'Indre à la faveur de flux antérieurs à la création de l'autoroute et de la LGV. Quant aux étudiants en master, ils recherchent d'abord une formation de qualité et sont davantage sensibles au coût de la vie.

Pour le président de l'Université de Poitiers, Yves Jean, la mise en service de la LGV Tours-Bordeaux ne devrait pas changer la donne en terme d'attractivité de ce point de vue. Pas plus d'ailleurs que pour les universitaires. Selon lui, la vraie révolution a eu lieu il y a vingt-sept ans, quand Poitiers s'est retrouvé à 1 h 28 de Paris.

" Densifier notre relation avec Bordeaux "

« Le vrai changement a eu lieu à cette époque et nous a permis de participer à une réunion le matin à Paris et à une autre l'après-midi à Poitiers », explique Yves Jean. « Aujourd'hui, avec le développement de la visioconférence, il faut reconnaître que l'on se déplace moins. Cette LGV nous place en revanche désormais à une heure de Bordeaux et cela change considérablement la donne ; c'est intéressant pour renforcer nos coopérations dans la nouvelle région, notamment en terme de recherche, dans la perspective d'une densification de notre relation avec Bordeaux. »
Le président de l'université qui reste avant tout géographe estime que « les dix minutes de gagnées vers Paris seront aussi dix minutes de gagnées pour Montmorillon et pour tout le territoire sans opposer rural et urbain ». « Poitiers a un potentiel très important pour attirer des cadres et de la matière grise, pour devenir une cité de la connaissance et des savoirs », ajoute-t-il. « Le TGV est un atout dans une concurrence territoriale. » Un atout parmi d'autres.

B. B.

LE TRAIN À GRANDE VITESSE EST L'UN DE LEURS OUTILS DE TRAVAIL

Le TGV  est un outil indispensable au développement de nombre d'entreprises

Elle et ils dirigent des entreprises industrielles ou de services, à la technopole du Futuroscope, à Chasseneuil, Poitiers ou à Châtellerault. La mobilité est au cœur de leur activité. Témoignages.

Le train à grande vitesse ? Une nécessité, estime Sylvie Plumet, directrice de B.Braun, à Chasseneuil. L'établissement qu'elle dirige est le centre d'expertise mondial de son groupe pour les chambres implantables et les filtres à veine cave, dont le siège social est à Melsungen, en Allemagne. Sa clientèle est internationale. Mobilité et accessibilité sont des composantes essentielles de cette activité qui génère 125 emplois à proximité de la technopole du Futuroscope.

Des visites, elle en organise une à deux fois par mois : « Nous proposons à nos clients de venir rencontrer les experts qui développent et fabriquent les produits ». Japonais, Chinois, Russes, Américains ou Européens, ces clients prennent le train : « La LGV nous permet de recevoir des clients mondiaux très rapidement. Pouvoir faire Roissy - Poitiers ou Paris - Poitiers en des temps records, c'est une réelle différence. Certains font l'aller-retour dans la journée. »
Société de services et d'ingénierie en informatique de dimension mondiale, Tata Consultancy Services a les mêmes impératifs. Ses clients sont aussi bien des grands du luxe, de l'automobile, de l'énergie ou bien des institutions gouvernementales. La plupart de leurs centres de décision sont en Ile-de-France. TCS a carrément choisi de s'implanter au plus près de la gare de Poitiers, dans la tour Toumaï. « Le TGV c'est un outil de travail », résume Vincent Cibelli, directeur du site. Les kilomètres, explique-t-il, ne sont plus un handicap : « Ce qui compte, c'est le temps. Etre en province peut apparaître comme un frein, a priori, pour l'ouverture d'un compte client. Mais nous avons suffisamment de retour d'expérience pour argumenter. Les incertitudes s'effacent assez rapidement. Il nous est aussi facile d'aller voir nos clients que si nous étions à Paris. Ils peuvent tout aussi facilement venir nous rencontrer ».

Les limites de l'attractivité poitevine

TCS occupe désormais trois niveaux de la tour Toumaï où elle emploie plus de 60 personnes. « L'objectif est de dépasser les 100 en 2018 », précise Vincent Cibelli. Ambition d'autant plus réaliste que l'université de Poitiers forme des masters 2 dont les profils adaptés aux besoins de TCS. Les salariés seniors, quant à eux, viennent généralement de plus loin.
La donne a été plus complexe, pour Bastien Paquereau et son associé, créateur de la start-up Rhinov, au Futuroscope. Peinant à attirer à Poitiers les développeurs dont ils avaient besoin pour accompagner le formidable développement de leur application de décoration d'intérieur en 3D, ils ont créé un site technique à Bordeaux, ne conservant au Futuroscope que les fonctions centrales, administratives et commerciales de leur entreprise. Limites de l'attractivité poitevine. « Il y a beaucoup plus de demande que d'offre pour les développeurs informatiques. Pour les jeunes qui sortent des études, le cadre de vie et les possibilités qu'offrent une grande ville sont très importants. » Aussi mise-t-il beaucoup sur la ligne à grande vitesse pour faciliter ses trajets entre les deux sites de son entreprise. Mieux ! il espère qu'elle permettra aux Bordelais de venir plus facilement travailler à Poitiers.
A Châtellerault, Richard Lazurowicz (SERI-ARI) regarde pour les mêmes raisons avec inquiétude les nouvelles dessertes annoncées pour sa ville, après la mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse, le 2 juillet. Le compte n'y est pas, estime-t-il. Moins de souplesse vers Paris, pas de liaison directe vers Bordeaux… Le premier bassin industriel de la Vienne ne bénéficiera pas d'un service à la hauteur de ses besoins, estime-t-il, ciant ceux de son entreprise, leader sur le marché du petit mobilier urbain, mais aussi ceux de poids lourds comme Thales, Magneti-Marelli, Valeo, Linde, Mecafi ou les deux fonderies : « Il va falloir que nos clients se lèvent tôt pour venir nous voir ! »
La LGV est une ligne de vie.

Alain Defaye

LE FUTUROSCOPE ATTENTIF AUX AIGUILLAGES

La station est un atout supplémentaire pour le parc du Futuroscope... Mais elle pourrait petre beaucoup plus utilisée


Il est loin, le temps où la station ferroviaire du Futuroscope enregistrait plus de 230.000 descentes et montées par an. C'était en 2001, un an après l'inauguration de cette gare financée aux deux tiers par le département de la Vienne.

Tarifs groupes de moins en moins compétitifs, voire franchement trop élevés pour les scolaires… Prix des billets représentant un coût au kilomètre deux fois plus important que celui de la voiture pour un couple avec deux enfants… Après 2009, le trafic de la station Futuroscope a presque été divisé par deux avant de remonter autour de 150.000 descentes et montées.
Le président du directoire du parc, Domnique Hummel n'en reste pas moins convaincu que « le train peut être un levier ». Aussi est-il plus qu'attentif aux choix de desserte de la SNCF.
C'est peu dire que ceux qui sont annoncés après la mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse, le 2 juillet, ne constituent pas vraiment un progrès. Le parc reste à moins de deux heures de Paris par TGV. Mais les temps de trajet ne diminuent pas. Avec quatre arrêts dans le sens Paris-Poitiers, dont un le soir, et trois départs dans le sens Poitiers-Paris, l'offre ne s'améliore pas. Et aucune liaison sans rupture de charge n'est annoncée depuis ou vers Bordeaux.

L'enjeu d'une bonne articulation avec les TER

« Nous sommes très demandeurs de plus de dessertes, aux bons horaires, pendant les week-ends et les vacances scolaires », explique Domnique Hummel. A défaut de TGV, il attend donc de la région une grande qualité d'articulation entre les trains à grande vitesse s'arrêtant en gare de Poitiers et les TER qui pourront rapidement conduire les voyageurs du Futuroscope.
Le parc souhaite aussi négocier avec la SNCF des opérations commerciales qui pourraient être opportunes et efficaces en année de lancement de la nouvelle ligne Tours-Bordeaux. Si toutes les planètes ne sont pas parfaitement alignées, son président reste en effet certain que « le TGV doit être un atout dans l'avenir ».

A. D.

" IL FAUT TIRER PARTI DE LA LGV "

« La mobilité est une attente populaire », explique Alain Rousset, ici aux commandes d'un TER. - (Photo Alban Gilbert/Région Nouvelle-Aquitaine)


" Si les territoires ne s'organisent pas, ils ne bénéficient pas de l’effet TGV ", estime Alain Rousset, président de la Région, qui met en avant l’accompagnement des entreprises en Nouvelle-Aquitaine.


A l'heure du numérique et des visioconférences, la grande vitesse ferroviaire a-t-elle encore un sens ?

On ne passera jamais un week-end à La Rochelle, à Biarritz ou à Arcachon en visioconférence. Notre région accueille 27 millions de touristes et la LGV va être un formidable accélérateur pour les séjours courts. Dans l'autre sens, Paris demeure en France un lieu de rencontre économique et Roissy permet d'accéder à des destinations lointaines. La LGV va transformer la vie des chefs d'entreprises de tout le territoire qui pourront faire l'aller-retour dans la journée.

Et cela reste utile au XXIe siècle…

Plus que jamais. Le contact humain n'est jamais remplacé. Vous avez besoin de vous retrouver. La complexité du monde fait qu'il faut à un moment donné se parler, se voir et se toucher. C'est vrai pour une mère de famille dont la fille est à Paris et qui ne se contentera pas d'échanger par Skype ; il en est de même sur le plan des affaires, sur le plan scientifique, universitaire, culturel, touristique. Et il y a une forte attente : le jour où la SNCF a mis en vente les premiers billets la semaine dernière, la fréquentation de son site Internet a doublé. C'est spectaculaire.

Les collectivités locales, au premier rang desquelles l'ex-Région Aquitaine, ont largement contribué au financement de cette ligne. Quel retour sur investissement les habitants peuvent-ils en attendre ?

D'abord, ils pourront eux-mêmes se déplacer plus rapidement. La mobilité est une attente populaire et il faut y répondre. Ensuite, l'attractivité de la région va être renforcée par la grande vitesse et nous allons accueillir de nouvelles entreprises, plus de touristes… Il y a un enrichissement collectif.

Comment en faire profiter tout le territoire et pas uniquement Bordeaux ?

En ajustant les horaires des TER sur ceux du TGV ; c'est un travail que nous avons commencé à mener avec la SNCF et nous allons inscrire des pénalités dans la convention qui nous lie pour obliger la SNCF à assurer la régularité des TER. La révolution des temps de transport vaut pour tout le territoire. Les voyageurs vont gagner trois heures entre Bergerac et Paris, par exemple. Il restera le problème de Limoges, c'est vrai. Celui aussi de Châtellerault.

Le TGV peut accélérer l'attractivité d'un territoire pour peu qu'il soit déjà attractif. Quels sont les atouts de l'agglomération de Poitiers en concurrence avec d'autres villes ?

L'Université de Poitiers, les initiatives prises pour la création d'entreprises, le développement de start-up sur la technopole, l'accueil d'entreprises qui pourraient se délocaliser de la région parisienne… Poitiers peut offrir des services, un accompagnement, des transferts de technologie. Les dessertes permettent un choc d'offre pour les transports du quotidien même s'il faudra adapter certains horaires. Les investisseurs savent ce que nous avons fait sur l'accompagnement des entreprises et qui n'existe pas ailleurs. Il faut tirer parti de la LGV ; or, si les territoires ne s'organisent pas, ils ne bénéficient pas de l'effet TGV. Cela s'anticipe et se développe.

Vous souhaitez que la LGV se poursuivre vers Dax et Toulouse…

Il ne faut pas que la LGV s'arrête à Bordeaux ; ce serait un pur scandale. Cette liaison sert l'unité de la région : ce sera un moyen pour les habitants du nord et du sud de la Nouvelle-Aquitaine de se rencontrer. C'est aussi une chance pour nous de libérer des sillons sur la voie existante et de mettre des camions sur des trains pour desserrer ce flux continu de 9.000 poids lourds polluants sur la RN10. Je ne comprends pas pourquoi les écologistes ne soutiennent pas cette ligne.

Qui paye ?

Une participation des collectivités locales avec la réduction des dotations de l'État n'est pas envisageable, en tout cas pas au niveau de Tours-Bordeaux. C'est à l'État de trouver d'autres sources financements ; moi je plaide pour l'utilisation du programme d'investissements d'avenir. L'Europe peut aussi intervenir puisqu'il s'agit d'une liaison transfrontalière.

Propos recueillis par Baptiste Bize

Alain Claeys : " Poitiers remplit les cases "


Entre Paris et Bordeaux, Poitiers est incontestablement l'une des deux escales qui comptent, avec Saint-Pierre-des-Corps, le long de la ligne ferroviaire à grande vitesse. Son maire, Alain Claeys, en a conscience : « La SNCF m'avait assuré dès le départ que nous conserverions trente-trois trains par jour vers Paris et cela, tout simplement parce que la gare de Poitiers accueille deux millions de voyageurs par an. Il y a une logique d'aménagement du territoire et une logique de marché… Le président de la SNCF, Guillaume Pépy m'a dit que Poitiers comptait parmi les quinze villes françaises les mieux desservies par le TGV. »

L'importance d'une gare multimodale

Pour Alain Claeys, la mise en service de la LGV Tours-Bordeaux et la desserte annoncée confortent le choix de la municipalité de maintenir une gare en ville. « Ce choix avait été fait par Jacques Santrot ; il a failli être remis en cause au profit d'une gare TGV à Biard avec des navettes d'autocar depuis le centre-ville quand je suis devenu maire mais je me suis battu pour que nous gardions une gare multimodale », rappelle-t-il. « Et c'est en partie grâce aux voyageurs qui viennent à Poitiers en TER que la SNCF est obligée de maintenir les fréquences vers Paris. »
À présent, le maire voit dans le TGV un facteur essentiel de l'attractivité de Poitiers. « Une économie territoriale ne peut pas se développer en dehors des flux », estime-t-il. « De ce point de vue, Poitiers remplit les cases. À cela s'ajoutent le coût du logement et le prix du mètre carré de bureaux sanx oublier la présence du très haut débit sur nos zones d'activités. Le responsable d'une entreprise qui se trouve sur le site de la gare de Poitiers m'explique qu'il est aussi compétitif que s'il se trouvait en banlieue à une heure de Paris. » Le cas de Limoges, autre ancienne capitale régionale, est le parfait contre-exemple : à l'écart de la ligne ferroviaire à grande vitesse, la ville se retrouve marginalisée, y compris au sein de la nouvelle grande région. « Le TGV casse les frontières et accroît les flux », observe Alain Claeys qui regarde aussi vers le sud et vers Bordeaux : « Le lien de Poitiers avec Paris n'est pas exclusif. »

B. B.

Bruno Belin : " Le TGV concourt à l'attractivité de la Vienne "


C'est une nouvelle page de l'histoire du TGV dans la Vienne qui s'écrit avec cette LGV Tours-Bordeaux. C'est une chance pour l'économie et le tourisme », se réjouit Bruno Belin, le président du conseil départemental de la Vienne. « Cela nous rapproche de Paris, ce qui est une bonne chose pour les séjours courts, pour les congrès, donc pour les traiteurs et les hôtels du Futuroscope. Le TGV est par ailleurs devenu un outil indispensable pour les chefs d'entreprises. À Châtellerault, c'est capital pour le renouveau économique engagé. Pour Poitiers et pour la Technopole du Futuroscope, le TGV est incontournable, comme l'aéroport. Il ne faut pas perdre de vue que le temps de déplacement est le critère n°1 pour un chef d'entreprise. »

Mais Bruno Belin regarde aussi vers le sud : « Cette LGV nous ouvre des perspectives intéressantes vers Dax et vers Toulouse. » Plus globalement, il estime que le TGV donne « l'image d'un département qui bouge ». « C'est un bon outil qui concourt à l'attractivité de la Vienne. Nécessaire mais pas suffisant », ajoute le président du Département en mettant en avant les politiques menées pour le développement du numérique et la santé en milieu rural.

B. B.