Marie Besnard
“Bonne dame”
 ou “empoisonneuse” ?

Accusée d'avoir empoisonné son mari, 
Marie Besnard a connu trois procès. Le dernier s'est terminé il y a 55 ans.

1. Avant l’“Affaire”

Une enfant de Saint-Pierre-de-Maillé

Née le 15 août 1896, dans le hameau des Liboureaux, à Saint-Pierre-de-Maillé, petit village situé entre Châtellerault et Chauvigny dans la Vienne, Marie Besnard aurait eu 120 ans cette année. 

Elle est la fille d'un cultivateur, Pierre Eugène Davaillaud, et de Marie-Louise Antigny. 

Après des études chez les soeurs à Angles-sur-l'Anglin, elle rentre à l'école laïque de Saint-Pierre-de-Maillé.  Mais une fièvre typhoïde la contraint d'interrompre sa scolarité alors qu'elle n'a que 12 ans. 

Sans certificat d'études, elle commence sa vie en aidant ses parents jusqu'à son mariage avec Auguste Antigny, un de ses cousins. Le 1er juillet 1927, ce dernier décède des suites d'une tuberculose.

Dépressive, elle part se reposer chez sa cousine Pascaline Antigny à Loudun, en septembre 1928 où elle rencontre Léon Besnard, modeste employé dans une boutique de maréchal-ferrant, qui la courtise même lorsqu'elle retourne chez elle à Saint-Pierre-de-Maillé. 

Elle se remarie avec lui, le 12 août 1929.

2. L’“Affaire”

Toute l'affaire a pour cadre la ville de Loudun dans la Vienne (Photo Dominique Bordier)

De l’arsenic dans les viscères

Tout commence le 16 octobre 1947.

Léon, âgé alors de 53 ans, et Marie Besnard, mariés depuis 19 ans, partagent un repas dans la ferme des Liboureaux, ancienne exploitation agricole des parents de Marie à Saint-Pierre-de-Maillé. 

Avant de reprendre la route, Léon fait un malaise et vomit son repas. 

Son état s'aggrave et il meurt le 25 octobre 1947, son décès est attribué à une crise d'urémie. L'affaire Besnard débute, Marie est veuve pour la seconde fois.

Louise Pintou, proche de des époux Besnard, et Auguste Massip, propriétaire du château de Montpensier, se persuadent que Marie Besnard en est la cause.

Après plusieurs témoignages, un juge d'instruction de Poitiers lance une commission rogatoire le 9 mai 1949 et diligente l'exhumation du corps de Léon Besnard, le 11 mai 1949.

Dans les viscères de Léon Besnard 19,45 mg d'arsenic pur sont découverts, bien au-delà de la dose que l'homme a naturellement à un taux inférieur à 100 μg par litre de sang.

Une enquête de police attire l'attention des magistrats et de la population sur les nombreux décès survenus dans l'entourage de Marie Besnard, à savoir :

le 1er juillet 1927 : Auguste Antigny (33 ans), cousin et premier époux de Marie Besnard, déclaré mort de tuberculose. Dans ses restes, exhumés, on trouve 6 mg d'arsenic ;

le 22 août 1938 : Marie Lecomte, née Labrèche (86 ans), grand-tante par alliance de Marie Besnard. Ses restes, exhumés, révèlent 35 mg d'arsenic ;le 14 juillet 1939, Toussaint Rivet (64 ans), ami des époux Besnard. Dans ses restes, on découvre 18 mg d'arsenic ;

le 27 décembre 1941, Blanche Rivet, née Lebeau (49 ans), veuve de Toussaint Rivet, officiellement décédée d'une aortite. Ses restes contiennent 30 mg d'arsenic ;

le 14 mai 1940, Pierre Davaillaud (78 ans), père de Marie Besnard, officiellement mort de congestion cérébrale. Ses restes contiennent 36 mg d'arsenic ;

le 2 septembre 1940, Louise Gouin, née Labrèche (92 ans), grand-mère maternelle de Léon Besnard. La très faible quantité d'arsenic recueillie dans ses viscères exclut ce décès de la liste des victimes et n'est pas retenu par l'accusation ;

le 19 novembre 1940, Marcellin Besnard (78 ans), beau-père de Marie Besnard. Ses restes contiennent 48 mg d'arsenic ;

le 16 janvier 1941, Marie-Louise Besnard, née Gouin (68 ans), belle-mère de Marie Besnard. Ses restes contiennent 60 mg d'arsenic ;

le 27 mars 1941, Lucie Bodin, née Besnard (45 ans), belle-sœur de Léon Besnard, retrouvée pendue chez elle. Ses restes contiennent 30 mg d'arsenic ;

le 1er juillet 1945, Pauline Bodineau, née Lalleron (88 ans), cousine de Léon Besnard. Ses restes contiennent 48 mg d'arsenic ;

le 9 juillet 1945, Virginie Lalleron (83 ans), sœur de Pauline Bodineau. Ses restes contiennent 20 mg d'arsenic ;

le 16 janvier 1949, Marie-Louise Davaillaud, née Antigny (71 ans), mère de Marie Besnard. Ses restes contiennent 48 mg d'arsenic.

3. Les procès

Trois procès pour une affaire



Le rapport d'autopsie de 11 corps exhumés, établi par le docteur Georges Béroud, directeur du laboratoire de police scientifique de Marseille, conclut à des empoisonnements aigus par arsenic. 


Mais au cours du procès en février 1952 à la Cour d'Assises de Poitiers, la défense met à mal l'expertise de Béroud et le procès est renvoyé.

Le procès à la Cour d'Assises de Bordeaux en mars 1954 est marqué par la déclaration de l'expert psychiatre, le docteur André Cellier, « Marie Besnard est normale, tellement normale qu'elle est anormalement normale» et par une nouvelle bataille d'experts : les analyses toxicologiques réalisées par les professeurs Fabre, Kohn-Abrest et Griffon, concluant à la même présence anormale d'arsenic dans les prélèvements effectués lors de l'exhumation des cadavres. 


Mais des erreurs dans leurs rapports ainsi qu'une confusion au niveau des prélèvements incitent les magistrats et jurés à demander un complément d'information.

Le troisième procès à Bordeaux, du 20 novembre au 12 décembre 1961, fait appel à de nouveaux experts alors que Marie Besnard y comparaît libre contre une caution d'1,2 million de francs. Entre-temps, un rapport du professeur Piedelièvre, établi en 1954, confirme les conclusions des analyses de 1952 mais se montre plus nuancé que celui du docteur Béroud. 

4. L’acquittement

L’acquittement... par défaut

La première raison de l'acquittement tient à l'attitude du docteur Béroud lui-même : contesté, il se défend difficilement face aux avocats de Marie Besnard. 

La défense fait valoir également que des erreurs d'étiquetage dans les bocaux contenant les prélèvements ont été commises, certains bocaux pouvant avoir été perdus ou remplacés.

Une enquête au cimetière de Loudun permet de démontrer que le sulfatage des fleurs, le zinc des ornements funéraires peuvent avoir saturé la terre du cimetière d'arsenic.

La longueur du procès, le dépérissement des preuves (le dernier procès ayant lieu en 1961), le retournement de l'opinion publique, lassée, conduisent à l'acquittement par défaut (au bénéfice du doute, faute de preuves) de Marie Besnard le 12 décembre 1961.


5. Après l’“Affaire”

Muriel Robin a incarné Marie Besnard pour le petit écran

L’affaire qui inspire

Marie Besnard meurt à Loudun le 14 février 1980 à l'âge de quatre-vingt-trois ans. La « bonne dame de Loudun » emporte son, ou ses secrets, dans sa tombe après avoir, selon une dernière rumeur, pardonné publiquement à Louise Pintou.

Mais son histoire continue. 

L'affaire alimente de nombreux ouvrages et donne lieu à plusieurs films.


Sources : Nouvelle République et Wikipedia