Habiter autrement 
à Poitiers

Par Jean-Jacques Boissonneau et Dominique Bordier

1. ÉCOLE COLIGNY,  AU PARADIS  DE L'INSTITUTRICE LAÏQUE



À la fin du XIX e siècle, la Ville a acquis une construction religieuse pour installer une école publique. La chapelle est devenue un logement de fonction.

C'est une des plus belles vues de Poitiers, assure Cécile Neveu en regardant par sa porte-fenêtre qui ouvre sur le large panorama de la vieille ville. Les saisons passent et je ne m'en lasse pas, quand il neige c'est magnifique. Ici, j'ai l'impression d'être dans la ville, mais aussi d'être à l'extérieur. Je pensais m'habituer mais je suis presque toujours à ma fenêtre. Un peu comme le spectateur privilégié d'un magnifique tableau, toujours le même et toujours différent avec ses lumières et ses couleurs changeantes. « Le cadre est très apaisant. Je me suis aperçu ici qu'une vue c'était très important. »

" Le logis de la princesse "

Directrice du groupe scolaire Evariste-Galois, Cécile Neveu est une enseignante poitevine tout ce qu'il y a de laïque… avec un côté très atypique : elle habite depuis de nombreuses années, non pas au paradis, mais dans l'une de ses annexes sur terre… Au cœur de l'école Coligny-Cornet, le logement de fonction de l'Éducation nationale qu'elle occupe depuis une quinzaine d'années est décoré de voûtes et de chapiteaux car les lieux ont été aménagés dans ce qui fut la chapelle (jamais consacrée) d'un ensemble devenu école publique en 1889 (voir ci-dessous).


Longtemps zilienne (titulaire remplaçante), Cécile Neveu fera une demande de logement de fonction lorsqu'elle est nommée à Poitiers. « Depuis Jules Ferry, les mairies devaient loger les enseignants (*). Quand j'en ai fait la demande, on m'a proposé ce logement laissé vacant par l'ancien directeur qui, lui, n'aimait pas du tout son petit côté austère. Il avait été proposé à deux ou trois autres personnes qui auraient préféré des travaux avant d'y entrer. Ça avait effectivement besoin d'un bon rafraîchissement. J'ai emménagé en l'état et les travaux ont été faits ensuite par la Ville. Je n'ai jamais regretté. Mes filles ont adoré ces lieux, c'étaient pour elles un endroit magique. » Les services municipaux ont condamné les trappes de visite situées à l'étage dans les chambres. Mais il n'y a pas si longtemps, « on pouvait y apercevoir les voûtes peintes en bleu et ses étoiles dorées… »

« Quand ils me voient entrer chez moi, les élèves sont toujours très intrigués et me demandent souvent " Tu habites là ? " » Dans un petit fascicule édité par les élèves de Coligny-Cornet sur leur école, son histoire et ses mystères, l'un des chapitres s'appelle d'ailleurs « L'entrée du logis de la princesse ». Avec la retraite qui approche, Cécile Neveu a décidé de quitter cet été son petit palais pour un appartement en ville. Quand elle dit : « Ça me fait un peu de peine », on entend presque « beaucoup ». Et on comprend pourquoi.

(*) Devenue professeur des écoles il y a huit ans (ces derniers ne bénéficient pas de logements de fonction contrairement aux instituteurs), l'enseignante à qui la Ville a proposé de rester dans les lieux s'acquitte depuis d'un loyer et des charges.


repères

> Cercle ouvrier catholique. La construction du bâtiment néogothique qui abrite aujourd'hui l'école Coligny-Cornet remonte au début des années 1880. Elle est portée par l'abbé Fossin à la demande du cardinal Pie, évêque de Poitiers, pour abriter les activités du Cercle ouvrier catholique, un mouvement qui se développe alors en France pour ramener vers l'Église des ouvriers plutôt tentés par le syndicalisme.
> La faillite de l'abbé Fossin. Pour financer l'imposante construction, l'abbé Fossin va finir par piocher dans la caisse de l'évêché avant de disparaître du jour au lendemain. La faillite de l'entreprise fera finalement le bonheur de la Ville de Poitiers qui rachète le bâtiment à l'évêché en 1888 pour y créer l'école publique dont le nouveau quartier du Pont-Neuf a besoin.

Dominique Bordier

2. DEPUIS DEUX ANS,  ILS VIVENT DANS LA MAISON DE LEURS RÊVES

A la Mérigotte, trois foyers ont construit, en partie par eux-mêmes, une maison passive à ossature bois. Ils l'habitent depuis 2014.


Rien n'a été simple, mais ils touchent – presque – le but. Car il reste encore la salle commune à aménager, un four à pain à installer et encore des cartons à vider. Des détails au vu du travail initié en 2004 et qui s'est concrétisé dix ans plus tard, quand Benoît Théo, Danielle et Michel Massé, Geneviève et Gérard Brochoire ont pris possession de la maison passive à ossature bois qu'ils ont imaginée et construite en partie par eux-mêmes. Avec le concours d'un architecte de Lussac-les-Châteaux, d'un bureau d'études du Loir-et-Cher et d'entreprises du bâtiment (fondations, terrassement, ossature bois, isolations, étanchéité, menuiseries intérieures, panneaux photovoltaïques, revêtement de sol).

" Deux heures de soleil par jour suffisent pour chauffer la maison l'hiver "

Gérard Brochoire : « Depuis l'été 2014 nous vivons ici. Chaque foyer dispose de parties privatives qui donnent côté sud avec pièces à vivre, cuisine, chambres et bureaux. Côté nord, nous avons réalisé par nous-mêmes les parties communes : un atelier, trois garages encore encombrés de cartons, une buanderie-cuisine. »
Les Brochoire et les Massé avaient déjà vécu avec leurs enfants dans une maison ancienne de l'avenue de Paris qu'ils avaient retapée. Les obligations professionnelles ont conduit Geneviève et Gérard Brochoire à partir pour la Normandie. Benoît Théo a occupé l'appartement laissé libre. L'heure de la retraite approchant, les Brochoire ont souhaité revenir à Poitiers. L'idée d'une habitation plus vaste pour loger les trois foyers a alors germé. Et s'est peu à peu concrétisée.
Danielle et Michel Massé : « Nous voulions miser sur les économies d'énergie, l'accessibilité et des lieux de vie communs, même si chaque couple habite dans son appartement. »
Le choix s'est donc fait pour une habitation passive (38 m sur 16 m) sur 1.800 m2 (trois parcelles réunies en une seule) avec panneaux photovoltaïques dont l'électricité est entièrement revendue. Une chaudière à granulés a été installée… en cas d'hiver rigoureux. Michel Massé : « Avec deux heures de soleil par jour, la température intérieure monte à 21 °. En hiver, on peut alors tenir la journée sans chauffage d'appoint. ». Benoît Théo : « Les pièces côté sud sont très lumineuses, très agréables à vivre. »
La concrétisation a demandé plus de temps que prévu. « Pour certaines parties, nous avons essuyé les plâtres, c'est vrai. Les normes édictées pour obtenir un label sont soumises à interprétation. Et les entreprises ont parfois appris en même temps que nous. »
Au-delà la concrétisation de la maison de leurs rêves, les trois couples cherchent à s'impliquer dans leur quartier et leur environnement. En découvrant la faune sauvage le matin au petit-déjeuner, en s'activant – c'est surtout vrai pour Benoît Théo – dans les activités de jardinage et en ouvrant leurs portes régulièrement à leurs voisins. Il n'est pas rare de les voir travailler dans leurs garages donnant sur la rue d'accès à leur habitation.

Jean-Jacques Boissonneau

3. DANS LA CHAPELLE DU PATRO OU L'ANCIEN CINÉMA PAX

C'était la chapelle du Patronage Saint-Joseph. L’étage inférieur accueillait le cinéma Pax. Un promoteur châtelleraudais y a aménagé huit appartements.

Jusqu'aux années 2010, le Patronage Saint-Joseph y accueillait une centaine d'enfants pendant les vacances. La salle et la cour du centre de loisirs - aujourd'hui parti s'installer dans le quartier de « la Plaine » (Trois-Cités) - a été vendu à un aménageur privé, l'agence Athena Conseil qui a réalisé le « Clos Saint-Joseph », 45 appartements basse consommation, allant du T2 au T4. A cinq minutes du marché Notre-Dame, tout près de la future citée judiciaire, et ouvrant sur le boulevard de Lattre et la Pénétrante.


Restait la chapelle en surplomb et l'ancienne salle du cinéma Pax. A l'origine parties intégrantes de ce projet immobilier, ils en ont été séparés. Ce nouveau programme est conduit par la société châtelleraudaise GP Invest. Philippe Pont, le promoteur, y a réalisé huit appartements, qu'il vient de mettre en vente.

Cinéma art et essai

On accède par la rue des Feuillants, au numéro 71. La chapelle a été édifiée en 1893. Sept ans plus tard, une salle de cinéma était aménagée à l'étage inférieur. Elle prenait le nom de « Pax ». Dans la seconde moitié du XXe siècle (jusque dans les années 1980), des films « Art et Essai » y étaient projetés. Centre de loisirs, chapelle, salle de cinémas : le lieu a été fréquenté par des générations de Poitevins. Transformer les lieux en résidence d'habitations haut de gamme a requis tout le savoir-faire de l'architecte d'intérieur, Philippe Thonneau, qui est parvenu à réaliser cinq appartements dans le site historique et trois dans un prolongement neuf, associant la pierre, le bois et le verre. Philippe Pont : « Cela a été un long travail de concertation avec l'architecte des Bâtiments de France. » Pas question en effet d'altérer l'architecture de la chapelle, et notamment les ouvertures. « Philippe Thonneau a su trouver la parade en jouant sur les volumes et les cloisons vitrées à l'intérieur », dit l'investisseur.
Les huit appartements de 100 à 250 m2 ont été réalisés avec des matériaux nobles : la pierre et le bois. Dans la partie supérieure de l'ancienne chapelle, une salle de réception a été aménagée qui ouvre sur la vallée du Clain. L'appartement (160 m2 au total) est proposé 600.000 €. Les voûtes originelles ont été conservées : elles constituent le charme des lieux. Les formes arrondies se retrouvent jusque dans les baignoires, dont les appartements sont équipés. Pour les voitures, les places de parking ont été réalisées en accès direct depuis la rue. Il aurait été impossible d'aménager des garages à l'intérieur.
Reste à trouver des acquéreurs. « J'ai reçu des propositions pour la moitié d'entre eux, dit le promoteur. Pour Poitiers, la qualité de la prestation est exemplaire. » Philippe Pont espère que la proximité de la future cité judiciaire séduira magistrats et avocats. Et que les voûtes de la chapelle retiendront l'attention d'un amoureux du patrimoine.

à suivre

La recherche de places de stationnement a été une des préoccupations. Le promoteur a dû tirer partie de la géographie du site.
- Huit places de parking ont été aménagées en accès direct depuis la rue des Feuillants.
- Des places complémentaires sont prévues par le promoteur dans le parking des Carmes.

Jean-Jacques Boissonneau

4. EN PAILLE ET EN BOIS LEUR MAISON À LA CAMPAGNE

A " Ferrière " de Béruges, Nathalie Maufras et David Sorin ont construit eux-mêmes leur maison. Le point de départ de nouveaux projets professionnels.


Ils sont arrivés à « Ferrière » en 2008 par hasard. « Sur la commune de Béruges, c'était un de nos lieux de promenade, ma compagne et moi, raconte David Sorin. Nous avions un projet de maison bioclimatique à " la Mérigotte ", près des Trois-Cités à Poitiers. Ce projet n'avançait pas. Un jour, nous avons découvert qu'un terrain était à vendre à " Ferrière ". Nous nous sommes décidés à l'acheter et à y construire notre maison. » Ils l'ont habitée dès 2010.

La parcelle est un peu grande - 1.650 m2 - quand il s'agit de passer la tondeuse. Mais elle s'est révélée très utile pour l'évacuation des eaux usées par phyto-épuration. « Le service assainissement de Grand Poitiers a validé notre système », se félicite David Sorin.
La maison elle-même couvrait 85 m2 à l'origine et vient de s'agrandir d'un atelier pour David et d'un bureau pour sa compagne, Nathalie Maufras.

Maison bioclimatique

Avant de se lancer dans le cinéma documentaire, il a étudié la sociologie. Depuis huit ans, il s'est fortement impliqué dans la construction de sa maison bioclimatique. Sa compagne a débuté dans le management de spectacles et proposait des ateliers d'écriture. Rien qui les prédestinait à intervenir dans le bâtiment.
David Sorin : « Nous avons fait appel à des professionnels pour les fondations et pour la charpente. Tout le reste, nous l'avons fait nous-mêmes après avoir suivi des stages et été conseillés par des amis. Avec l'aide aussi d'un chantier participatif. »
Les murs sont en paille, tenue par des poteaux poutres. Le revêtement en enduit « chaux - sable » ou « chaux -chanvre ». La toiture est végétalisée.
Un enduit de cellulose et de gypse - pour protéger contre l'humidité - recouvre la cloison qui sépare une chambre de la salle de bains. La salle à manger ouvre plein sud par une grande baie vitrée. Juste au-dessus une casquette (un auvent) protège l'été des rayons de soleil. Pièces à vivre côté sud, chambres côté nord. Un unique panneau solaire thermique vient réchauffer les cloisons : l'eau passe dans des serpentins glissés dans les murs. Un poêle assure le complément. « Cet hiver, je n'ai pas utilisé plus de deux stères de bois. Dans notre chambre, il faisait entre 16 et 17 degrés la nuit. 20 à 21 degrés la journée dans la salle à manger. »
David Sorin : « Je n'étais pas plus bricoleur que çà. J'ai suivi des formations, comme l'apprentissage au maniement d'une scie circulaire. Bien sûr, nous avons fait des erreurs. Mais aujourd'hui, c'est notre fierté de savoir que nous avons construit notre maison en grande partie par nous-mêmes et grâce aux conseils de personnes spécialisées avec qui nous avons beaucoup appris. »
Leur passion a ouvert David Sorin et Nathalie Maufras, chacun sur un nouveau métier. Lui s'est installé auto-entrepreneur. Dans son atelier, il installe des kits d'assitance électrique sur les vélos. De vélos traditionnels, il fait de vrais vélos électriques. Elle travaille dans une entreprise de Jaunay-Clan spécialisée dans l'éco-construction.

Jean-Jacques Boissonneau

5. " QUAND ON A CE PAYSAGE SOUS LES YEUX ON RESPIRE "


Claude Raynaud habite depuis mai au dernier étage des " Terrasses de Beau Site ". Sous ses yeux, la ville de Poitiers déroule son panorama.


L'appartement était très agréable. Et j'ai tellement été scotchée par la vue que j'ai tout de suite accepté. Quand elle a visité l'un des trois pièces du quatrième étage de l'immeuble HLM des « Terrasses de Beau Site » donnant sur la vallée du Clain et au-delà sur tout le plateau de Poitiers, Claude Raynaud n'a pas hésité un seul instant. Elle a dit oui à la proposition de Sipéa Habitat, bailleur social à Poitiers. « Il aurait vraiment fallu être grincheux pour refuser une telle proposition. »

Un logement HLM en deux mois

Poitevine de longue date – elle a successivement habité Bellejouanne puis les Couronneries quand elle travaillait au CHU – avant de partir pour Nîmes s'occuper de sa maman, Claude Raynaud est revenue à Poitiers. « Plus rien ne me retenait dans le sud de la France. J'étais à la retraite. Toute ma carrière professionnelle s'est déroulée à Poitiers. J'y ai mon réseau d'amitié. J'ai fait une demande par Internet pour habiter un logement HLM. C'était en mars. Un mois plus tard, je visitais cet appartement en travaux. En mai, j'ai posé mes valises. » Une rapidité qui étonne encore Mme Raynaud qui pensait devoir attendre pour retrouver un logement social, qui plus est BBC [N.D.L.R. : bâtiment basse consommation. Il ne consomme que 40 kWh/m2 et par an].
« Des gens habitent en vis-à-vis. Ça ne me dérange pas. L'autre jour, j'avais des invités. On a ouvert la porte vitrée donnant sur la cour intérieure. On a entendu la fête qui montait du dessous. De l'intérieur, porte fermée, nous n'avions rien remarqué. »
« Quand je me lève, je vais tout de suite sur la terrasse découvrir la ville. Et le soir, je viens admirer Poitiers sous le soleil couchant. Je ne m'en lasse pas. Quand on a ce paysage sous les yeux, on respire. »

Le feu d'artifice de Blossac

Au fil des semaines, elle a appris à identifier les monuments : le collège Henri-IV juste en face, le palais de justice avec ses cheminées, le toit de l'hôtel de ville dont on distingue le beffroi, l'église Montierneuf au loin… Absente de Poitiers le soir du 14 juillet, elle se promet d'y rester l'an prochain pour le feu d'artifice tiré depuis Blossac.
Une remarque quand même : « L'architecte m'avait annoncé que mon salon-salle à manger donnerait côté ville. En fait non. Il ouvre côté sud, sur la cour intérieure. Pour voir la ville, il faut regarder au nord, se trouver côté cuisine ou sortir sur la terrasse. » Une modification qui s'expliquerait par l'abandon de la construction du troisième immeuble (la résidence n'en compte finalement que deux) prévu au plus près du promontoire.

déplacements

Le choix de vivre sans voiture

Pour le quotidien, Claude Raynaud apprécie totalement la qualité de vie à Poitiers. « J'ai fait le choix de vivre sans voiture. Je me rends à pied au centre commercial, jusqu'au Grand-Large où je trouve mon magasin bio.
Le dimanche, je peux prendre le bus pour aller au marché des Couronneries où j'ai gardé des connaissances. A Poitiers, je me sens bien. Il y a une douceur de vivre. Et une mixité sociale que je vis vraiment. »

Jean-Jacques Boissonneau

6. BÉRUGES :  MAISON " ÉCOLO "  DANS UN HABITAT GROUPÉ


A la Torchaise, commune de Béruges, Thomas Royer habite dans une maison qui ne lui coûte que 180 € par an à chauffer. Tout comme ses deux voisins.


Trois couples. Un rêve partagé : habiter près les uns des autres, de préférence à la campagne, où ils se sentent bien et qui ne leur coûte rien à chauffer. Thomas Royer, sa compagne, et leurs deux couples d'amis * avaient ce projet depuis dix ans. Pourquoi la Torchaise ? « Un terrain à notre convenance était en vente. Sensibilisée par notre projet de construction de maisons écologiques, la propriétaire a baissé son prix, raconte Thomas Royer. Sinon, nous aurions dû aller hors agglomération de Poitiers. »

" L'accent est mis sur l'isolation "

« Avec nos amis, nos parcours personnels et professionnels étaient très différents. Mais nous nous partagions l'idée d'un habitat groupé qui préserve notre intimité tout nous permettant de porter des projets en commun. » Sur un terrain de 5.000 m2, dont 2.000 constructibles, ils ont réalisé trois maisons d'un étage. Deux sont mitoyennes. La construction a démarré au printemps 2012. La maison a été habitée en novembre de la même année. Un architecte a été sollicité. L'accent a été mis sur l'isolation pour réduire au maximum la facture énergétique. Thomas Royer : « Je ne dépense que 180 € par an pour me chauffer avec un poêle à bois. L'hiver, sans aucun chauffage, deux heures d'ensoleillement suffisent pour porter la température à 21°. »
Poteaux porteurs en chênes Douglas du Massif Central, bardage bois, isolant en ouate de cellulose (principalement)… : la construction est revenue « un peu plus cher qu'une maison traditionnelle. Mais comme nous ne dépensons quasiment rien pour nous chauffer, nous allons nous y retrouver. »
Le chantier a été réalisé pour partie par des artisans, pour partie par les futurs occupants (une partie de l'isolation, le bardage, les briques de terre cuite). Cet été 2016, les premiers fruits et légumes poussent dans le jardin. Encore un an et la pergola sera entièrement végétalisée. Thomas Royer prévoit une extension côté nord pour son atelier. Il prévoit aussi une mare. Et il étudie avec ses amis la construction d'un poulailler et la plantation d'arbres fruitiers sur une parcelle collective de 600 m2 où les enfants des trois couples se retrouvent déjà pour jouer. « Ce sont les projets qui nous font vivre. »

* Au fil des années, les participants au projet ont changé.

Jean-Jacques Boissonneau

7. UN PROJET D'ÉCO-HAMEAU PRÈS DE L'EHPAD


La municipalité de Béruges a lancé le projet d'un nouveau lotissement d'une trentaine d'habitation sur un terrain de 3 ha 50 au lieudit « le Fiereu », près du futur Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, actuellement en construction. Le maire, Olivier Kirch, et le conseil municipal veulent tirer partie de l'aspiration des Bérugeois aux nouvelles formes d'habitat.

" Donner à Béruges une couleur verte "

« Nous bénéficions d'un terreau favorable, dit Alan Kenneth, adjoint à l'environnement. A Béruges, les habitants sont sensibilisés à l'auto-construction, aux maisons solaires ou en bois. C'est notre carte de visite. »



Le projet s'insère dans une politique plus vaste : faire venir de nouveaux habitants (Béruges compte 1.400 habitants) dans une commune marquée par son environnement rural tout en faisant partie depuis 2012 de la communauté d'aggomération de Poitiers.
Olivier Kirch : « Des nouveaux lotissements, il y en a partout. Si nous voulons être identifiés, il faut capitaliser sur notre nature, la forêt, les vallées, les terres agricoles. Et donner à Béruges une couleur résolument verte. »
Il ajoute : « Notre éco-hameau aura un volet " économies d'énergies " et paysager avec des plantations de haies, un traitement sur place des eaux de pluies, un revêtement drainant de la voirie, un parking à l'extérieur pour les visiteurs… Il aura aussi un volet social. Tout sera fait pour que les gens se rencontrent dans leur quotidien. Les boîtes aux lettres, par exemple, seront à l'extérieur. »
La population a été invitée à deux réunions. Un comité de pilotage a été constitué : il réunit une dizaine de personnes (élus et habitants). Recruté en janvier après appel d'offres, le cabinet Creham (Bordeaux) a remis début juillet plusieurs propositions d'aménagement. Le conseil municipal fera son choix fin août. Le 11 septembre, une journée sur l'éco-habitat sera organisée. L'occasion de faire le point sur le projet municipal, mais aussi de montrer des exemples de maisons « écologiques » à Béruges. Le maire : « Nous espérons être opérationnels très rapidement et lancer la commercialisation des lots au second semestre 2017. Si tout va bien. »

J.-J. B.

8. A FLANC DE COTEAU POUR TROUVER L'INSPIRATION


René et Françoise Hennequin habitent et travaillent rue des Quatre-Roues. Au pied de la falaise qui domine le Clain, ils cultivent leur art et… leurs jardins.


I l faudrait qu'il pleuve ! En cette fin août, Françoise Hennequin regarde la végétation à l'aplomb de la falaise : « Toutes les plantes souffrent de la chaleur. » Dans les jardins d'agrément étagés qu'elle a elle-même plantés au fil des années comme dans le potager, elle apporte un peu d'eau depuis une petite citerne qui reçoit la pluie tombée des toits. « Mais le plus grave c'est encore la pyrale qui attaque les buis. René a commencé un traitement biologique. J'espère que nous allons pouvoir en sauver. »

Depuis 1974, René et Françoise Hennequin habitent rue des Quatre-Roues. Une première maison donnant sur la rue, qu'ils ont louée avant de l'acheter, puis un prolongement et une petite habitation au pied de la falaise qu'ils ont transformée en atelier. « Cet espace dans la vallée du Clain, entre la rue et la falaise, c'est notre domaine ». Un « domaine » qui a connu plusieurs inondations. Les 22 et 23 décembre 1982 et les 9 et 10 avril 1983 pour les plus importantes. Françoise Hennequin : « Les dates sont gravées dans ma mémoire. »

Un chemin pour échapper aux inondations

Elles ont obligé le couple à s'échapper en urgence vers les Couronneries en remontant le chemin pentu à flanc de coteau au-dessus de leur maison.
Ce « domaine », ils l'ont peu à peu façonné, plantant la végétation et remettant en état les bâtiments dans la mesure de leurs finances. « Avec un soutien jamais démenti de nos amis. Quand nous avons acheté ce qui allait devenir notre atelier, il n'y avait plus de toit. Aidés par les copains, nous avons tout fait, depuis le sol jusqu'à la couverture, sans oublier la cheminée. » Réalisant au passage un petit exploit : achetée en juillet 1978, la maison a accueilli sa première exposition en décembre.
Car Françoise et René Hennequin sont aussi artistes. En fin d'année, les Poitevins viennent s'offrir un cadeau de Noël parmi les textiles et les tableaux de Françoise. Ses dernières créations : un morceau de bois brut de plus d'un mètre de haut qu'elle est en train de broder après avoir travaillé l'écorce. Utilisant au passage le savoir faire d'un ami qui a travaillé une mosaïque. Elle montre aussi une broderie présentant un ciel d'orage, un tableau encadré par son mari, un livre de poèmes écrits par des Poitevins connus ou anonymes.


Le couple ouvre sa porte jusqu'à offrir le thé ou un jus de fruit accompagné d'un broyé à l'ombre d'une végétation qui, malgré tout, reste luxuriante. Juste sous un rocher que les services de la mairie ont fixé avec des tiges d'acier car il menaçait de tomber.

Jean-Jacques Boissonneau

9. GRIZZLY FAIT DU COWORKING DANS LA FALAISE


Ils n'y habitent pas, mais y passent une grande partie de leur journée. Les huit associés de Grizzly (*) ont investi une ancienne carrière dans la falaise, rue de la Croix-Rouge. Marie Gauthier, la présidente (graphiste), Floriane Musseau (linogravure), Stéphane Hanquier (lunettes en bois), Émilie Lorioux (gravures, dessins), Grégoire Martin (linogravure), Julien Gratadoux (collage, peinture), Maxime Debernard (graphisme, illustration, modelage) et Sarah Mesnard (travail du tissu) ont choisi de travailler sur le même site, tout en préservant leur espace personnel.


Le hasard les a conduits sur ce lieu. « Qui a ses avantages et aussi ses inconvénients, relève Marie Gauthier. Les plus anciens d'entre nous sont arrivés en 2010. Nous cherchions un grand appartement. Nous avons découvert cet endroit où le loyer est modeste. C'était une ancienne friche industrielle. »
Stéphane Hanquier : « Après avoir été une carrière, ça a été un relais de poste. Et sans doute, au XVIIe siècle, une léproserie. »
« On peut travailler sans craindre de salissures, ajoute Floriane Musseau. C'est proche du centre-ville et on vit en extérieur. Par temps de canicule, c'est idéal. Mais l'hiver ça caille et c'est humide. »
Un autre inconvénient : l'effritement de la falaise. Les services de la mairie de Poitiers interviennent régulièrement pour vérifier l'enrochement et sécuriser le site.
L'endroit est ouvert au public à l'occasion d'un atelier de linogravure proposé le troisième samedi du mois entre 14 h et 18 h (**).

(*) Référence au mammifère d'Amérique du Nord, retenu « parce qu'on est dans une grotte ». Une tête de grizzly en grillage et papier de soie trône au milieu de la grotte. (**) Toutes les informations sur le site ateliergrizzly.fr

J.-J. B.