Dans l'univers
d'Albert Benamou

Histoire d'un marchand d'art parisien
qui s'expose à Chinon

Rencontrer Albert Benamou, c'est accepter de s'engouffrer dans un monde fait d'aventures. De la peinture à la sculpture, de la photographie au cinéma... rares sont les domaines auxquels il ne s'est pas essayé. Le marchand d'art parisien est un touche-à-tout. Un inclassable.

Preuve en sera donnée à Chinon du 30 avril au 13 novembre, où le collectionneur a accepté de déposer quelques-unes des pièces qui constituent sa réserve. Une "rétrospective" -le terme fait bondir l'intéressé- baptisée "Les invendus".

Des oeuvres oubliées voire méconnues. Sorties des mains d'artistes illustres comme Andy Warhol, Buren, Rodin ou Sarah Bernhard, elles n'ont à l'époque pas trouvé preneur, boudées par le public au profit de nouvelles tendances. Aujourd'hui, c'est un trésor que nombreux sont les potentiels acheteurs prêts à s'arracher. Bonne nouvelle : "ce n'est pas à vendre", s'amuse Benamou.

[SON] Albert Benamou explique comment il a choisi le nom de l'exposition

Une trentaine d'oeuvres sont arrivées à Chinon. "Des choses que j'aime vraiment", explique-t-il. Formidables par leur rareté. Mais un brin consensuel non ? C'est du moins le constat qui s'impose en parcourant la galerie d'Albert Benamou, dont chacun des murs reflète l'éclectisme cultivé par le marchand d'art. L'échange s'instaure, le discours, passionné, conduit de Jackson Pollock à Olivier Debré ("il aurait été très célèbre s'il avait été américain"), en passant par Max Ernst ou les Gao Brothers, artistes chinois dont les sculptures interpellent les consciences.

C'est d'ailleurs sous le regard d'un "Miss Mao" d'un rouge-sang extravagant façonnés par les deux frères que se tisse la discussion. Du grotesque naît l'exagération mis en scène ici pour dénoncer la propagande chinoise de l'époque.


Une preuve (parmi d'autres) que le spécialiste mondial de Rodin, d'abord séduit par la peinture du XIXe siècle, a su, au gré des voyages, s'ouvrir à de nouveaux horizons. Albert Benamou compte parmi les premiers à avoir poussé les frontières de l'Est pour s'intéresser "en témoin" à ce qui se passait derrière le mur. En découlent une série de découvertes et un amour naissant pour l'Orient et l'Asie. La Chine notamment continue de l'émouvoir, à travers notamment Zhang Huan et ses oeuvres offensantes pour le régime. "Des performances jamais vues en Europe", assure-t-il.

" J'ai toujours détesté tout ce qui était établi. C'est vrai qu'à la galerie nous n'avons eu de cesse de porter
un regard intéressé sur l'art contestataire "

Le téléphone sonne, une fois de plus. La veille, Albert Benamou était quai Voltaire, face aux Tuileries, pour le vernissage de l'exposition de Xooang Choi que Benamou a contribué à présenter en Europe. Une étape importante pour le galeriste et le plasticien chinois, qui s'attire les félicitations du milieu. Un travail original -dont une partie sera exposée à Chinon- qui, à défaut de plaire peut-être, ne laisse pas indifférent.

La preuve en images avec deux clichés des réalisations de Xooang Choi.


De l'art contemporain chinois aux collections classiques chinonaises, il n'y aurait donc qu'un pas ? "Le pari que nous nous sommes lancés est d'établir des passerelles entre les collections du passé et celles d'aujourd'hui", répond-t-on au Carroi.

[SON] Albert Bénamou explique comment l'idée de délocaliser une partie de sa collection à Chinon s'est imposée.

Ces pièces, le galeriste aurait pu les vendre. Faute d'offres raisonnables ou par désir de les garder, il s'est abstenu. "J'y porte un vrai attachement, pour certaines, c'est un bout de mon coeur", sourit-il. Toujours est-il que l'expérience est inédite pour celui qui a déjà parcouru plusieurs fois le monde. "J'y vois l'occasion de partager mes passions", répond-t-il simplement.

Un prétexte aussi pour revenir en Val de Loire et en Rabelaisie, après un passage remarqué en mai 2015 lors du banquet palindrome pensé par Daniel Spoerri en les Caves painctes. Une région qui l'apaise et qu'il n'hésite pas à présenter "comme la plus belle de France". Le collectionneur, qui a grandi dans le Marais, n'a jamais quitté Paris. Une ville qui "me procure chaque jour une émotion", reconnaît-il. Pourtant, le septuagénaire se laisserait volontiers tenter par une retraite au bord de la confluence entre Vienne et Loire. "Candes-Saint-Martin est un endroit dont je suis tombé amoureux", glisse-t-il. Un coup de coeur, un de plus.