Cinéma américain, mon amour

Pour la 42e fois, Deauville déroule le tapis rouge au cinéma US

1975. En cette fin d'été, la côte normande d'ordinaire si calme, si lascive, troque ses habits de belle endormie pour endosser pour la première fois son habit de lumière. Car, par la volonté d'un homme  - le maire, M. d'Ornano - et le savoir-faire de deux autres - Lionel Chouchan et André Halimi - l'espace de dix jours, Deauville va devenir l'autre Mecque du cinéma US. La première édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville ambitionne de "montrer au public français, sans ostracisme, sans barrière et sans parti-pris, des films que seuls quelques privilégiés – émerveillés ou étonnés – ont découverts à New York ou à Los Angeles". Les cinéphiles sont au rendez-vous. Les stars vont leur emboiter le pas dans les années qui suivent.

En 1977, Gregory Peck, Vincente Minnelli et Sydney Pollack sont présents sur les Planches. Un temps annoncée, Elizabeth Taylor joue les filles de l'air. Qu'importe: les festivaliers n'ont d'yeux que pour "La guerres des étoiles" et ses Jedi.

Un an plus tard, c'est un jeune éphèbe aux yeux bleus qui fait se lever un vent de panique. La folie "Grease" s'empare du public et les responsables du festival se voient contraints d'engager des gardes du corps pour entourer les stars américaines. 

King Vidor, Kirk Douglas et Norman Jewison; William Wyler, Burt Lancaster, Stanley Donen, Stanley Kramer; Glenn Ford, Yul Brynner, Clint Eastwood, Lana Turner, Joseph Mankiewicz, Arthur Penn, Sean Connery, Gene Hackman, Gene Kelly, Richard Brooks, Harrison Ford, Joseph Mankiewicz, Geraldine Chaplin, Norman Mailer, Cyd Charisse, Robert Altman, Carl Foreman, Charlton Heston et Mervyn LeRoy: en une décennie, légendes d'Hollywood et jeunes pousses du septième art vont faire de la Normandie une terre d'adoption. Pour nombre d'entre eux, ce premier rendez-vous sera l'amorce d'une longue histoire.

En 1978, les héros de "Grease", John Travolta et Olivia Newton-John créent l'événement.

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Branle-bas de combat en 1985, Liz Taylor accepte finalement l'invitation des délégués généraux et débarque en Normandie avec... 270 kilos de bagages. Durant quatre jours, elle va multiplier les rencontres - Michelle Morgan, Philippe Noiret, Yves Mourousi! - et aller à la rencontre de son public.

En 1987, c'est une autre grande dame du cinéma qui dit oui au duo Chouchan-Halimi. Bette Davis, 79 ans, reçoit un accueil triomphal. A ses côtés, Janet Leigh, Shirley MacLaine, Douglas Fairbanks Jr., Stewart Granger, Robert Parrish et Brian De Palma célèbrent les 100 ans d'Hollywood.

Trois ans plus tard, ce sont trois autres femmes qui font fondre les coeurs tendres. Julia Roberts (Pretty Woman), Demi Moore et Whoopi Goldberg (Ghost) rivalisent de charme, tandis que Bugs Bunny fête dignement ses cinquante ans.

Un peu à l'étroit dans ses anciens locaux, le Festival inaugure, en 1992, le Centre International de Deauville, soit un complexe de 18.000m², sur trois étages, qui s'intègre discrètement dans le paysage. Le littoral n'est pas défiguré et le public jouit désormais d'un confort et d'une qualité de projection impeccables. C'est Clint Eastwood qui a les honneurs de la première projection avec "Impitoyable", qu'il réalise et dans lequel il joue.

Elizabeth Taylor - ici avec Philippe Noiret, Michèle Morgan et Jack Lang, a débarqué en Normandie avec 270 kilos de bagages.

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A partir de sa 21e édition, en 1995, le Festival du Cinéma Américain, sous l'impulsion de son nouveau directeur, Bruno Barde, s'ouvre à la compétition. La présidence du premier jury est confiée à Andreï Konchalovsky, secondé par Anouk Aimée, dont le nom et l'image sont intimement liés à Deauville depuis "Un homme et une femme", de Claude Lelouch. Une année charnière, donc, qui voit aussi défiler son lot de stars, parmi lesquelles Jack Nicholson, Sean Penn, Kevin Costner, Billy Crystal, Robert De Niro. Et encore Clint Eastwood. D'un point de vue tout personnel, c'est notre "premier Deauville". Tom DiCillo et son excellent "Living in oblivion" - "Ca tourne à Manhattan" - est le premier lauréat de l'histoire du festival.

En 1998, Deauville joue les marieuses. Michael Douglas, qui vient défendre "A perfect murder",  remake d'Hitchcock croise le regard de braise de Catherine Zeta-Jones, héroïne du "Masque de Zorro". 25 ans (exactement, ils sont nés tous les deux le 25 septembre) les sépare, mais Cupidon s'en moque: les flèches qu'il décoche au restaurant de l'hôtel Royal, ce soir-là, font toujours leur effet près de vingt ans plus tard.

Entre l'intégrale de Kubrick, en 2001 (forcément), les hommages à Harrison Ford (auquel, à la longue, on ne sait plus très bien quoi demande si ce n'est "Alors, tout roule depuis la dernière fois?"), Tom Cruise et autres stars, pour le trentième (déjà) anniversaire de l'événement, en 2004, on met les petits plats dans les grands. Lucas, Coppola et Spielberg ne se sont pas fait prier: tous les trois sont venus dire leur bonheur de partager, sur ce petit coin d'Europe, leur vision du monde. On regrette, en revanche, que le film d'ouverture ait été "Les Parisiens", de Claude Lelouch. Nombriliste et, pour faire court, ennuyant, le film a été déserté par de nombreux spectateurs lors de sa projection officielle.

Mais de mémoire de journaliste, l'année la plus invraisemblable, en termes de star au mètre carré, a été 2007. Angelina Jolie, Eva Mendes, Michelle Monaghan, Gena Rowlands, Tilda Swinton, Sigourney Weaver, Ben et Casey Affleck, Judd Apatow, George Clooney, Matt Damon, Brian De Palma, Michael Douglas, Sidney Lumet, Brad Pitt, les frères Farrelly... Stop. N'en jetez plus...

Depuis, d'ailleurs, si de grands noms sont venus prendre la pose sur les planches et inaugurer leur cabine de plage, jamais on n'a égalé cette constellation d'étoiles en Normandie. Ian McKellen, Orlando Bloom et Keanu Reeves, en 2015 ont  marqué les esprits. En cette rentrée 2016, on attend Stanley Tucci, Chloé Grace Moretz, Daniel Radcliffe et James Franco. Diane Kruger a  fait un saut (de puce, 24 heures à peine). Mais ne dit-on pas que les plus belles rencontres sont celles dont on attend le moins? 



 

George Lucas, en 2004.
La force est avec lui...

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