Trente ans d'incendies en PACA

Mythes et réalité

1775 km2. En PACA, depuis 30 ans, c'est l'équivalent du territoire de la Guadeloupe qui est parti en fumée et pour la seule année 2003, c'est la superficie de la Seine Saint Denis qui a été réduite en cendres.

Malveillance, fatalité, accident mais surtout imprudences, les causes du désastre sont multiples, de l'impact de foudre vieux comme le monde à l'incendie criminel minutieusement préparé.

Dans cet amer constat, une lueur pourtant: le big data.

La révolution technologique a entraîné une nouvelle manière de répondre à la menace. Au SDIS 13, statisticiens et cartographes travaillent aujourd'hui en temps réel grâce à des bases de données et des outils de modélisation de plus en plus pointus. Si bien qu'on en est désormais à prédire les sinistres quand, il y a 20 ans, on ne pouvait que les déplorer.

Sur un territoire qui a fait du tourisme un organe vital de son économie, l'impact des incendies peut être catastrophique.

A moins qu'il ne s'agisse là que d'idées véhiculées depuis des décennies... Et si, avec le recul, un incendie n'était finalement ni une catastrophe écologique, ni un désastre économique ?

En s'intéressant à 30 années de feux de forêts en PACA, l'idée n'est pas d'hurler au loup mais plutôt de déconstruire une somme d'idées reçues. Car c'est en collant au plus près de la réalité des chiffres que le combat se gagnera. Non, un incendie n'est pas toujours une catastrophe écologique, pas plus qu'un désastre économique.

Bormes, un été dans les flammes

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L'été dernier, ce petit paradis varois s'est transformé, l'espace d'une semaine, en véritable enfer. Quelques mois plus tard, retour en terre brûlée.

C'était un 25 juillet, au cœur de la nuit, lorsque les sirènes des pompiers ont commencé à retentir dans le village de Bormes les Mimosas. Pour beaucoup d'habitants, d'abord, il y a eu le bruit. Avant que les collines ne s’embrasent les unes après les autres, des explosions retentissent. Il s’agit des bouteilles de gaz de centaines de caravanes d’un centre de gardiennage proche de la zone de départ de feu. Les frères et soeurs Massolini, propriétaires du centre entièrement détruit par les flammes, ont tout perdu cette nuit là. « Il ne reste plus rien. Ce n’est plus qu’un tas de gravats et de taule carbonisée. Le plus dur ça va être de retrouver tous les propriétaires des caravanes car tous les contrats sont perdus », déplorent-ils. Les forts vents soufflant cette nuit-là ont propagé l’incendie très rapidement. Le mur de flammes a progressé colline par colline, pour ensuite longer la côte. Plusieurs propriétés et domaines isolés sur le littoral, à cheval entre la mer et la forêt ont été ravagés. Yves est régisseur d’une propriété familiale, voisine du Fort de Brégançon, qui fut dans la ligne de mire de l’incendie dévastateur.« On a été prévenu vers minuit par nos filles. Les sirènes mises en place par la municipalité étaient imperceptibles, nous sommes trop isolés, à 8km de Bormes. Moi même, ainsi que les autres personnes présentes sur le domaine, dormions déjà à l’heure où l’incendie s'est déclaré », se rappelle Yves.

Heureusement, il existe un protocole d'urgence incendie mis en place il y a une dizaine d’années par le régisseur et le capitaine Pialat, ancien responsable de la caserne de Bormes, qu'Yves et son groupe vont suivre cette nuit-là. « On regroupe la quinzaine de personnes présentes sur le domaine dont deux bébés de moins d’un an, plus des ânes, chiens, chats et un lapin, en un lieu précis établi. C’est le port du domaine, à l’écart du passage du feu et permettant une évacuation par bateau si besoin ». N’ayant pas de vision précise sur le feu en approche, c’est grâce aux informations partagées sur internet et les réseaux sociaux que le régisseur a pu se rendre compte de l’ampleur de l’incendie et prendre les bonnes décisions.« L’important c’est de sécuriser tout le monde. Après avoir regroupé les habitants de notre domaine, on a très vite pensé aux autres propriétés alentour, encore plus isolées. » Face à la difficulté de joindre les habitants de la villa voisine, le régisseur et quatre volontaires foncent chercher ces onze personnes dormant à poing fermé. « Nous les avons réveillés. Ils étaient ébahis et secoués. Nous avons formé un convoi de cinq voitures et sommes vite retournés au port». La propriétaire anglaise, et ses invités, saluent la réactivité de leurs voisins, « Sans l’intervention de Yves, notre survie aurait été mise en jeu. Le protocole soigneusement mis au point a assuré la sécurité de son entourage et nous nous sommes estimés très chanceux.».

Derrière eux, l’avancée de ce géant de flammes est de plus en plus impressionnante. C’est d’abord un épais nuage rouge et fumant qui est visible par dessus les collines, puis petit à petit se dessinent les flammes gigantesques. À cause d’autres départs de feux la veille, d’importants moyens de la caserne de Bormes-les-Mimosas ont été envoyés en renfort sur les communes voisines. Les vents violents avec des rafales à 80km/h et l’impossibilité de faire voler les Canadairs de nuit ont contribué à cette propagation exceptionnelle. L’attente se poursuit au port, qui abrite désormais 27 personnes : « Nous avons commencé à ressentir les fumées, et on a vu les premières flammes. On a eu l’impression que nos maisons, juste au dessus de la plage, étaient détruites. Nous avons alors décidé d’évacuer par nos propres moyens, puisque nous n’avions que ça » explique le régisseur. Un gros bateau semi-rigide ainsi qu’un autre plus petit permettent l’évacuation des 27 personnes, ainsi que des chiens, lapins et autres chats, dans le calme. « Quand les vies sont en danger, en tant que responsable, on ne peut se permettre ni d’hésiter ni d’avoir peur ». Yves, marin expérimenté, sécurise les deux bateaux en contrebas du Fort de Brégançon, à l’abri du Mistral et de la fumée. Il est alors 6 heures du matin et les Canadairs font leurs première apparition. « On a ensuite pu se diriger vers le port de la Londe pour débarquer la plupart des personnes. Mon épouse, mes filles, la voisine Lucy et moi même sommes retournés sur place pour constater les dégâts. »

Bormes-les-Mimosas, après le passage des flammes

« Le bord de plage est alors calciné. Plus haut, des pompiers cachés par une épaisse fumée défendent les maisons. Grâce à eux, elles ont pu être sauvées. » Le petit groupe se met alors à aider à faire barrage au feu qui progresse au sol. Les opérations dureront plusieurs jours, voire plusieurs semaines. « Les souches ont continué à fumer pendant longtemps car les racines se consument lentement. » Il faudra un mois et demi d'actions quotidiennes pour en venir à bout. Les flammes auront dévasté un chalet forestier de l'autre côté du domaine et plus de la moitié de la forêt.

Débroussaillage, prévention, réaménagement du territoire. Pour faire face à la menace des incendies, des mesures sont sans cesse mises au point. Suite aux violents incendies de juillet 2017, le maire de Bormes, François Arizzi, a émis le souhait de remettre en cause le plan local d'urbanisme de la commune afin de créer de nouvelles zones agricoles. Tout cela afin d'augmenter la part agricole dans la zone pour limiter le risque d’incendies.

Si les grands incendies comme celui de Bormes marquent les esprits par leur violence et leur caractère spectaculaire, ils n'en restent pas moins rares et leur impact sur les écosystèmes n'est pas totalement négatif. Certes, il faudra de longues années pour que Bormes redevienne un paradis mais ses habitants ne sont pas contraints pour autant à vivre en enfer. Aujourd'hui, ces dégâts restent impressionnants visuellement mais les petites pousses vertes redonnent, déjà, de l’espoir. « On s’aperçoit que la forêt méditerranéenne a une faculté d’adaptation extraordinaire. Le passage du feu permet une germination particulière, certaines cosses ne s’ouvrent par exemple qu’au contact du feu », explique Yves.

Dans le Var, on a appris à vivre au gré des incendies. Le département est en effet celui qui a subi le plus de dégâts ces trente dernières années.

"Parfois, il faut laisser brûler pour éviter de gérer plusieurs grands incendies"

30 ans d'incendies en région PACA, c'est plus de 23 000 départs de feux de forêt pour 1 798,66 km2 de surface incendiée. Un chiffre impressionnant, mais qu'il faut nuancer.

Face aux enjeux de ces incendies dans le sud de la France, dès 1973, l'État a décidé de se doter pour cette zone très sensible (espace méditerranéen) d'un outil permettant le recensement des feux de forêts au sein d’une base de données unique, Prométhée. Il s’agissait dès l’origine de disposer d’un outil statistique fiable permettant des comparaisons spatiales, temporelles et une meilleure connaissance des causes. Cette base de données très complète permet de retrouver le nombre d'incendies de forêt sur la période choisie, l'origine des sinistres et leur étendue.

Sur la carte ci-dessous, nous avons décidé de nous intéresser seulement aux incendies d'au moins 1 hectare depuis 1987, soit 4772 feux de forêt (1 775,27 km2 de surface incendiée) recensés par Prométhée.



Le nombre de feux de forêt a-t-il augmenté ces dernières années ?

Contrairement aux idées reçues, le nombre d'incendies de forêt n'a cessé de baisser depuis quelques années. Selon Prométhée, le nombre d'incendies de forêt a diminué depuis les années 1990, à l'exception de 2003, année exceptionnelle, pour cause de canicule. Sur la période 2008-2016, la région PACA a connu en moyenne 56 feux par an, contre 156 pour la période 1999-2007 et 205 pour la période 1987-1998.

Nous nous sommes ici intéressés aux 30 incendies les plus ravageurs depuis 1987. Une commune, un département est-il particulièrement exposé ?

Le Var, plus exposé aux incendies de forêt

Parmi ces 30 incendies, le plus dévastateur (11 580 ha) a eu lieu à Vidauban dans le Var, ainsi que les 3ème et 4ème ( 6 744 ha et 5 646 ha). Et les 15 plus dévastateurs ont eu lieu entre le Var et les Bouches-du-Rhône. C'est dans le Var qu'il y eut 50% des trente feux les plus destructeurs de la région, suivi des Bouches-du-Rhône avec 37%, donc un total de 87% des plus gros feux se sont passés entre ces deux départements. Loin derrière, on retrouve le Vaucluse avec 7%, puis les Alpes de Haute Provence et les Alpes Maritimes avec tous deux 3%. Dans les Hautes Alpes, le plus gros feu de forêt jamais enregistré fut de 245 ha. Autrement dit, il n’y a pas eu de feu dans ce département qui fait partie des trente plus dévastateurs en terme de surface. Le premier grand feu des Hautes Alpes (245 ha) est en 113 ème place. Le Var est-il alors une cible particulière pour les incendies gigantesques ? Pour répondre à cette question, nous avons comparé 30 ans d'incendies de forêt par département de la région PACA.

Malgré un nombre total d'incendies inférieurs aux Alpes-Maritimes (1211<1269), le Var est le premier département en terme de surface incendiée. En effet, ces trente dernières années il fait état de 841km2 incendiés suivi des Bouches du Rhône avec 551 km2 et des Alpes-Maritimes avec 189 km2. Selon le Capitaine Lamarque, de la caserne de Bormes-les-Mimosas (Var), ceci s’explique par la densité des surfaces boisées du département: « si on retire les Landes, région d’exploitation du pin, le Var est le département le plus boisé de France. Voilà pourquoi il présente les plus de risques et brûle le plus régulièrement ces dernières années », explique-t-il.La topographie des départements joue-t-elle donc un rôle important ?

Le Var est bien le département le plus boisé de la région PACA, avec 58% de sa surface totale recouverte de forêt. On remarque en revanche qu'il comporte le plus petit taux de zone agricole (11,7%) parmi les six départements de PACA. Le Vaucluse et les Hautes-Alpes, dont les surfaces de zone agricole sont les plus grandes de PACA (36% et 29,3%) sont les départements les plus protégés, comptabilisants seulement 7% et 4,2% du total des incendies de PACA ces 30 dernières années. Ces deux départements sont aussi ceux avec la surface total incendiée en PACA la plus petite: respectivement 3,4% et 1,2%. La zone agricole pourrait alors apparaitre comme un "rempart" face aux incendies de forêt.

Il est cependant difficile d'établir un lien entre taux de surface artificialisée (urbanisée) et les incendies. Comme on peut le constater sur la carte (ci-dessus-, le Vaucluse est le plus artificialisé mais le Var arrive en deuxième position (11,2%). On remarque une grande différence entre la part de surface artificialisée des Alpes-Maritimes (8,3%) et celle qui vient juste après dans les Hautes-Alpes (2,6%). La partie haute de la région, les Hautes-Alpes et Alpes de Hautes Provence, est la moins artificialisée de la région.

Le Var est donc bien le département le plus touché par les incendies de forêt depuis 30 ans. Cela s'explique en partie par son taux de surface boisée, le plus élevé de la région (2ème en France).

La prévention et la prise en charge des feux de forêt seraient alors moins efficace dans le Var ? "Aucun lien" pour le SDIS 13. Interrogé sur le cas de son département voisin, le commandant Michel Maufroy (SDIS 13) donne une autre explication à ce phénomène : "Le var est particulièrement exposé à la multiplication des départs de feu l'été. Il faut savoir qu'on se concentre toujours sur un nouveau départ de feu, au détriment du premier incendie traité. Parfois, il faut laisser brûler pour éviter de gérer plusieurs grands incendies", explique-t-il.

Année 2003, la plus ravageuse depuis 1989

La canicule européenne de 2003 est un événement climatique d'ampleur exceptionnelle, qui a été marqué par de nombreux records de température au cours de la première quinzaine du mois d'août. Une chaleur et une sécheresse à l'origine des feux de forêt. L'année 2003 est la pire depuis 30 ans en PACA, plus de 25 000 hectares sont partis en fumée. Retour en données sur cet été de feux.

L'année 2003 est en plusieurs points, une année exceptionnelle (cf. partie sur les Incendies et tourisme et partie sur Réchauffement climatique et incendies). Depuis 1989, la région PACA n'a pas connu d'année aussi catastrophique.

Le Var, encore une fois département le plus touché, a vu partir en fumée, près de 19 000 hectares de forêt. C'est plus qu'en 1990, date du dernier record. L'impact fut d'autant plus retentissant que les incendies ont menacé un littoral au maximum de sa fréquentation touristique, en plein été. Campings évacués à la hâte, maisons défendues au jet d'eau, hébergement dans des centres de secours improvisés... les images de cet été meurtrier restent dans les mémoires. Meurtrier, puisque trois promeneurs et trois pompiers ont perdu la vie dans les feux de forêt en 2003. Les communes du nord-est du massif des Maures ont été particulièrement touchées. Une première fois les 17, 18 et 19 juillet, une seconde fois à la fin du mois de juillet, le 28. Été torride, sols surchauffés, sécheresse persistante, éventuels pyromanes, furent les raisons avancées pour expliquer l'ampleur de la catastrophe. Mais les fortes chaleurs ne sont pas l'origine première des incendies.

"30% des origines des feux de forêt restent inconnues."

Près de la moitié des origines des feux de forêt depuis 30 ans est considérée comme inconnue dans la base de donnée Prométhée. Un chiffre qui peut surprendre, sachant que les pompiers sont capables de déterminer la localisation de près de 100 % des départs de feux. 

Pour Vincent Pastor, chef du service anticipation et prévention du groupement feux de forêt et risques naturels au SDIS 13," il faut relativiser les chiffres de Prométhée. C'est une source officielle et elle ne communique sur les origines qu'avec des certitudes. C'est à dire que, tant que les enquêtes ne sont pas terminées et les jugements ne sont pas rendus, Prométhée indique comme origine :"inconnue". C'est important à savoir, puisqu'on estime que ce chiffre varie alors de 10%. Donc, on peut dire que seulement 30% des origines des feux de forêt reste inconnues."

"Il est en revanche possible de connaître avec certitude près de 100% des lieux des départs de feux" poursuit-il, " puisque tout ce qui brûle laisse des traces. Il nous suffit de suivre le chemin et on est capable de réécrire l'histoire du feu pour retrouver la source et le départ du feu."

Et pour les origines connues ?

En forêt méditerranéenne les départs de feu sont dans leur grande majorité d'origine humaine. La végétation méditerranéenne, bien que brûlant facilement, ne s'enflamme pas toute seule. Contrairement à d’autres forêts dans le monde, la foudre ne provoque qu’une faible proportion des éclosions d’incendies, le plus souvent moins de 5 %. Les éruptions volcaniques, autre cause naturelle possible des incendies de forêt, sont rares autour de la Méditerranée. L’homme est en réalité responsable de la plus grande partie des feux, dans des proportions qui varient entre 92 % et 98 % des origines connues selon les zones concernées.

Le plus souvent, les feux sont liés à des négligences. Malgré les campagnes d’information, on constate que les gestes d’incivilité (jets de mégots, grillades en forêt...) déclenchent encore et toujours des départs de feux, notamment le long des autoroutes en région PACA. Er ils ont un effet très négatif en obligeant les services de lutte à disperser leurs moyens sur le terrain.

"On est tous des incendiaires en puissance", Vincent Pastor, chef du service prévention feux de forêt, risques naturels (SDIS13)

Le mythe de l'incendiaire

Les incendies volontaires et intentionnels sont pensés, préparés, prémédités pour créer le plus de dommage possible, notamment en allumant plusieurs départs de feu simultanés un jour de grand vent. Les motifs de ces incendies volontaires sont nombreux : protestation contre la création d'un parc naturel, revendication politique, opposition contre le reboisement d'anciens pâturages, conflit entre les chasseurs et d’autres utilisateurs de la forêt, spéculation sur la requalification d’espaces forestiers en terrains constructibles, etc. Loin du mythe du pyromane fou, les feux de forêt sont donc largement révélateurs des enjeux économiques et des conflits pour la maîtrise de l’espace. Mais est-ce encore des phénomènes d'actualité ?

Non, pour les équipe du SDIS 13. "Aujourd'hui, les lois d'urbanisation et autres réglementations sont faites pour empêcher le promoteur de mettre le feu pour acheter un terrain moins cher, et pour empêcher le pompier de mettre le feu pour gagner une prime. Pour moi, ces méthodes n'existent presque plus en France.", explique le Commandant Michel Maufroy, chef du groupement feux de forêt et risques naturels (SDIS13).

Finalement, le plus difficile à combattre ne sont pas les pyromanes et autres incendiaires malveillants, mais bien les imprudences. "On est tous des incendiaires en puissance" pour Vincent Pastore, "on parle beaucoup des actes de malveillance, c'est plus vendeur qu'un accident ou un jet de mégot", explique-t-il. Certainement une autre idée reçue à oublier alors concernant les feux de forêt. Il faut savoir qu'un incendiaire criminel peut déclencher jusqu'à 50 feux de forêt en un été, une donnée qui permet de nuancer les chiffres de Prométhée (15% d'incendies imputés à la malveillance).

Du tourisme aux écosystèmes des conséquences variables

Dans l'imaginaire collectif, certaines idées ont la vie dure. Le Var, après avoir fait l'ouverture des JT pour les incendies exceptionnels de l'été dernier doit-il s'inquiéter pour la prochaine saison touristique ? Et qu'en est-il du réel impact écologique de ces sinistres ? Petit tour des lieux communs.

Incendies et tourisme en PACA

"Il est difficile d'étudier l'impact direct des incendies sur le tourisme", Marc Bonnefoy, responsable Etudes Observation chez Comite Régional de Tourisme PACA.

En effet, si l'année 2003 met en évidence un impact des incendies de l'été sur le tourisme du mois de septembre, cette chute des réservations de nuitées peut aussi être expliqué par d'autres phénomènes, comme la forte canicule de cette année. De 2002 à 2014, la comparaison du nombre d'incendies et du nombre de nuitée ne peut pas mettre en évidence une corrélation entre feux de forêt et tourisme en PACA. Par exemple, en juillet et aout 2009, le nombre d'incendies de forêt a doublé par rapport à l'été 2008 et en parallèle le nombre de nuitées à augmenter de 2%. Marc Bonnefoy, responsable des études et des observations au Comité régional de tourisme de PACA le reconnait d'ailleurs, "il est difficile d'étudier l'impact des incendies sur le tourisme". Finalement, cette région, ses habitants, ses touristes sont habitués aux incendies de forêt, tout comme...sa végétation !

Les incendies, catastrophe écologique ?

Les conséquences du feu sur l'écologie sont nombreuses mais pas aussi négatives qu'on peut l'imaginer…

Certes, la faune et la flore subissent les frais des incendies. La plupart des espèces animales restent passives devant les flammes et ne réussissent pas à s'enfuir notamment les invertébrés. De lourdes pertes sont à déplorer pour les tortues de PACA par exemple. Les oiseaux sont aussi fortement touchés, ainsi que les insectes. Les végétaux sont quant à eux détruits et pour certains ne parviendront pas à se régénérer après l'incendie passé. Les feux de forêts augmentent par ailleurs les niveaux de dioxyde de carbone dans l’air ce qui contribue à l’effet de serre et à une très mauvaise qualité d’air dans l’atmosphère. Même après que l'incendie soit éteint, il continue de nuire à son environnement. Les cendres par exemple, restent et détériorent le sol en élimant des éléments nutritifs. Ce qui provoque des glissements de terrains et autres inondations.

Mais cette idée de catastrophe écologique est à nuancer. Certains spécialistes considèrent le feu comme potentiellement positif pour l’écosystème. Il élimine les parasites et les plantes malades par exemple. "Le ravage des paysages méditerranéens par les flammes fait partie d'un cycle naturel. L'homme fait partie de l'écosystème de la forêt méditerranéenne et elle s'est adaptée à lui.", explique Eric Rigolot, directeur de l'Unité de recherche écologie des forêts méditerranéennes à l'Inra. Aujourd'hui, avec le recul des activités agricoles, la forêt regagne du terrain d'environ 1 % par an, et ce, malgré les incendies. Et les espèces qui repoussent sont adaptées au feu. Sur la plupart des feuillus et quelques résineux, de nouvelles pousses apparaissent spontanément après un incendie, on parle de rejet. Par exemple depuis les branches pour le chêne-liège ou depuis le sol pour le chêne vert. Et la repousse profite d'un système racinaire déjà existant. Finalement, la forêt en Méditerranée vit depuis des millénaires avec les feux de forêt et elle a su d'adapter à aux, comme elle s'adapte depuis des siècles à l'homme et ses activités.

Réchauffement climatique et incendies

L'évolution des températures annuelles en Provence-Alpes-Côte d'Azur montre un net réchauffement sur les trente dernières années. Sur la période 1987-2017, la tendance observée des températures moyennes annuelles est proche de +0,3 °C par décennie. Mais peut-on établir un lien entre réchauffement climatique et feux de forêt ? Difficile. En effet, si l'année 2003 est encore une fois parlante, avec une hausse impressionnante des températures (+2,13) et un grand nombre de feux de forêt (252 km2 incendiés), elle fait figure d'exception. Par exemple, en 2012, année chaude (deuxième plus chaude depuis 30 ans), les feux de forêt étaient minimes (14 km2 incendiés). Autre exemple, certainement le plus marquant pour déconstruire cette idée de lien entre réchauffement climatique et feux de forêt. En 1989, l'année la plus dévastatrice de ces 30 dernière années (306 km2 incendiés), n'était pas particulièrement chaude (seulement +0,18). Si les fortes chaleurs ne sont donc pas toujours synonymes d'incendies dévastateurs, elles favorisent tout de fois, indéniablement l'avancé d'un feux de forêt. Explications.

Pourquoi les végétaux s'enflamment aussi vite quand il fait chaud ?

Une grande partie de l'eau contenue dans les tissus de la plante est évaporée lors des fortes chaleurs et du manque d’eau prolongé. Finement divisées, les feuilles, en contact avec l’air et l’oxygène, créent un mélange hautement inflammable au contact de hautes températures.

En été, certaines plantes comme les herbacées terminent leur cycle de vie, ou comme les pins, perdent leurs aiguilles. Autant de "matériaux" secs et très combustibles.

Dès lors, la chaleur d’un mégot ou d’une étincelle peut débuter la réaction chimique de combustion et accélérer le processus dit de "pyrolyse " lorsque la plante se met à dégager des "terpènes" (hydrocarbure produit par les plantes), eux aussi très inflammables.

Tout cela, les chercheurs et les services de secours savent aujourd'hui l'analyser, le projeter et le prévoir pour mieux le combattre. Et dans leur combat, la révolution numérique est devenu une arme de prévention massive.

Le Big Data, arme de prévention massive

Valentin Althuser

Le Big Data ! Voilà une arme redoutable pour améliorer la prévention des incendies. Sur le long terme, recueillir des données sur chaque zone susceptible d'être touchée permet de mieux cibler les zones à risque et d'établir une liste de priorités grâce à un algorithme. Quitte à laisser brûler là, pour sauver des vies ailleurs.

Les pompiers disposent aujourd'hui de plusieurs milliards de données recueillies sur leurs lieux d'interventions. Une mine d'or pour combattre les flammes avant même qu'elles n'apparaissent qu'exploitent toute l'année les pompiers du regroupement feux de forêt, risques naturels du SDIS 13. Alors comment aujourd'hui s'organise la prévention sur le terrain, comment les données sont utilisées pour lutter contre les incendies ? Interview.

"Grâce aux données, on sait quand on va se prendre une rouste", Vincent Pastor (SDIS 13)

Explications et démonstrations du rôle essentiel des données dans la lutte contre les incendies en compagnie de Vincent Pastor pour qui la "data est une arme de guerre". Images.

À travers l'utilisation de ces données, les services de secours savent aujourd'hui apporter des réponses différentes et plus efficaces aux grands incendies qui sont, de fait, de moins en moins meurtriers.

Si les utilisations des données sont désormais des armes au service des pompiers, il en va de même pour les médecins, les chercheurs, les économistes et bien sûr, les journalistes. 

Aujourd'hui, avec l'augmentation du nombre des bases de données, publiques et privées, en libre accès, il devient de plus en plus nécessaire d'être capable de lire, d’interpréter et de rendre accessibles au grand public ces données. Dans un monde où la technologie va toujours plus vite que ses usages, il en va du rôle du "data-journaliste" de former et d'informer celui qui deviendra de plus en plus, un "data-citoyen".

Dossier réalisé par Valentin Althuser, Danaé Pestel et Virginie Guillin