Les confidences
de Guillaume Ledoux

Le chanteur de Blankass évoque
sa carrière, ses projets, sa passion
pour la peinture et ses engagements.

Avec votre frère Johan, vous aviez une dizaine d'années quand vous avez formé votre premier groupe, Zéro de conduite, avec lequel vous avez partagé la scène avec des groupes mythiques. Quel souvenir gardez-vous ?

L’histoire a commencé au Printemps de Bourges, en 81. On répétait dans un garage, on faisait une reprise du groupe américain Gun club, on avait enregistré une cassette. 

Ils passaient au Printemps, on les avait chopés à la gare, on leur avait donné la cassette. Ils avaient tellement aimé qu’ils nous avaient imposés à leur concert. On s’est retrouvé sur scène avec U2, on avait 11-12 ans, c’était le premier concert de U2 en France. J’étais batteur, on ne me voyait pas derrière les fûts parce que j’étais petit. On jouait sur les instruments de Gun club. A côté de moi il y avait deux mecs qui rigolaient et m’encourageaient, c’était Bono et The Edge. 

On a été repéré par une major, RCA, avec laquelle on a signé. L’année d’après, les Clash avaient entendu parler de nous et nous ont demandés en première partie à Paris pour leur dernier concert, en mars 1984. Après y a eu des collaborations avec Gainsbourg, c’était un peu notre parrain, notre tonton.

« On s'est retrouvé sur scène avec U2,
on avait 11-12 ans »

Ce type d’éclosion est-il toujours possible ou l’industrie musicale est-elle trop verrouillée ?

Je ne pense pas que ce soit possible aujourd’hui. De rencontrer des gens si mais aujourd’hui dans un grand festival international si un groupe venait dire « j’ai rencontré des gamins qui jouent dans la rue je les veux avec nous sur scène » ce ne serait pas possible.


Quelques années plus tard, vous créez Blankass, qui existe depuis 26 ans. Travailler en famille n’est jamais facile, comme le montre l’exemple des frères Gallagher et Oasis. Quelle est votre recette ?

Avec Johan, on s’entend bien musicalement, nos voix se complètent. Il n’y a pas de chichi, on peut tout se dire, on peut s’engueuler très fort et le lendemain on sera encore frères alors que si je m’engueule avec le bassiste je ne sais pas s’il sera toujours là demain.

Ce qui ne vous empêche pas de vous produire l’un sans l’autre, comme vous avec Cédric Milard au piano...

Blankass n’est pas une secte, chacun fait ce qu’il veut de son côté puis on se retrouve de temps en temps. On a deux personnalités différentes, Johan a besoin de faire beaucoup de studio, il compose tout le temps, il fait des maquettes, essaye des titres, nous en propose, moi j’ai plus besoin de passer l’année sur la route, quand Blankass ne tourne pas on a cette formule avec Cédric guitare piano voix et on s’éclate.


Avec Johan, vous venez de vivre une expérience nouvelle en réalisant un CD livre à destination des enfants intitulé Balthazar tête de bois...

Ça faisait longtemps qu’on avait envie de faire un album pour enfants. Mes filles se sont mises à écouter Emilie jolie en boucle. A un moment je n’en pouvais plus et je leur ai dit pour rigoler « je vais en faire un aussi comme ça on écoutera mes chansons à la maison ». Je me suis dit c’est le moment, j’ai appelé Johan. 

On s’est retrouvé le lendemain, on a pris un crayon on a fait une liste de gens qu’on voulait inviter. On a commencé à écrire des chansons, une histoire. Dans les premiers noms, il y avait Pierre Perret, Hubert Mounier et Cali. On les a appelés, ils ont dit oui. Ça a été deux ans de travail. On écrivait pour les gens dans leur style, ça a été un exercice de style très chouette.

Ça vous a permis de retrouver en studio des artistes amis ou que vous appréciez...

Il y a eu de belles rencontres comme Sylvie Testud, qui est une actrice extraordinaire et une fille super. Elle a accepté de faire la narration du conte. Elle a donné beaucoup de son temps. Elle était en tournage à Prague et est revenue une nuit alors que c’était sa seule journée de congés.



Vous fonctionnez beaucoup à l’affectif. Vous n’hésitez pas à mettre en avant vos amis comme cela a notamment été le cas pour le boxeur Fabrice Bénichou dans l’un de vos clips ?

Faire des clips, montrer sa gueule... tout ça est tellement futile que si ça ne sert pas à se faire plaisir, travailler avec les gens qu’on aime, c’est pas la peine.

Vous n’hésitez pas à vous engager politiquement. Vous étiez du concert de la place de la Bastille à Paris le soir de l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Comment cela s’est-il organisé ?

Le PS nous avait appelés pour jouer dans un meeting à Lille entre les deux tours. A la fin, Hollande nous a dit « je vous donne rendez-vous le 6 mai à la Bastille pour ma victoire ». Il était très confiant. La veille, le Parti socialiste nous a appelés en nous demandant si on voulait venir jouer à la Bastille. On a dit oui, notre pote Cali a dit oui, il y avait Alex Lutz - qui chante d’ailleurs dans Balthazar Les Vilains - Izia, Higelin...

Quatre ans après, faites-vous partie des déçus ?

On est dubitatifs, déçus de la personne qu’on a fêtée, on n’a pas l’impression d’avoir affaire aux mêmes personnes qu’on a vu ce jour-là, c’est des choses qui nous vaccinent de fricoter avec des politiques. S’engager, on le fera toujours mais pour des associations ou pour des causes humanitaires.

Lesquelles ?

Le Tibet, on est en rapport avec des associations depuis longtemps, on a rencontré le Dalaï-lama. Je ne suis pas bouddhiste mais c’était chouette de rencontrer ce personnage. Les sans-papier aussi, je suis parrain de plusieurs enfants sans papier qui étaient ou sont expulsables.

Un futur album bien avancé

Le public le sait peu mais vous êtes également peintre...

J’ai toujours aimé la peinture, mon père peignait en amateur, j’ai des souvenirs d’odeur d’huile de lin, de térébenthine... Avec mon frère, on a décidé vers 11-12 ans que la musique serait notre métier et vers 15-16 ans j’ai décidé que je peindrais aussi. Ça fait 25 ans que je fais des bonhommes qui grossissent au fur à mesure des années.


Vous avez récemment peint sur un support insolite...

Oui, un transformateur EDF, à Saint-Georges-sur-Arnon, dans l’Indre, j’en ai fait une petite maison avec mes gros bonhommes qui sont aux fenêtres.

Sur le plan musical, vous travaillez sur un album ?

Oui, bien avancé déjà. Ce n’est pas sûr que ce soit un album de Blankass. C’est un album qu’on est en train de faire avec Johan, très pop rock.

Florent Pétoin
florent.petoin@centrefrance.com