L'Oise au pays des mille et une nuits

Découvrez une production unique dans l'Oise, le safran

Qui aurait pu imaginer que l'on puisse trouver du safran dans l’Oise ? Cette épice est connue pour être cultivée dans des pays chauds comme en Iran. Mais François et Corinne Fillon ont voulu démontrer que l’on pouvait produire du safran même avec le climat humide et pluvieux du département. Ces isariens sont les seuls producteurs de safran dans l’Oise. Basés à Roye-sur-Matz, ils ont commencé leur activité en 2015. Le couple a planté 11.000 bulbes de safran en 2015.

Une aventure safranée

Crédit/Dorian Alinaghi

L'idée de cultiver cet «or rouge» est venue de Corinne, une ancienne comptable. «On s’est installé dans ma maison familiale à Roye-sur-Matz. Elle est équipée de nombreuses serres abandonnées appartenant à mon beau-père. Je voulais me les approprier pour faire une culture. Qui plus est, j’adore cuisiner avec les épices et l’idée du safran m’est venue en tête. Et je me suis dit pourquoi pas. Surtout qu’il n’y a aucun agriculteur qui produise du safran dans l’Oise et je ne cherche pas de concurrence.» explique-t-elle. Cette meneuse d’épice est aidée par son mari François, un ingénieur-agronome de formation, spécialisé dans les fruits et légumes, et qui s’occupe notamment de l’arrosage. La démarche pour créer une production de safran n'est pas une chose aisée. En effet, en juillet, le couple débute la plantation des bulbes pour être sûr que ceux-ci fleurissent en octobre ou novembre pour les récolter. 

L’originalité de cette culture safranée, c’est que le safran est cultivé sous serre. «Déjà, on n’utilise aucun produit phytosanitaire. Au contraire, on essaye de développer une culture naturelle avec des auxiliaires. On s’est mis en densité maximum. C’est-à-dire qu’il y a 10 centimètres entre les bulbes et 10 centimètres entre les rangs. Comme c’est un bulbe, il faut faire une plantation profonde pour le préserver de la gelée directe, il est donc planté à 10/15 centimètres. L’avantage de le faire sous serre, c’est que l’on est dédouané des pluies automnales. De plus, le fait qu’il n’y ait pas de dépigmentation est utile pour améliorer la conservation du produit dans le temps. Si on laisse des parties dépigmentées avec trop d’eau, le safran se gangrène et aura une courte période d’utilisation. Mais on a tous de même des contraintes, c’est bien évidemment la gestion de l’irrigation. On n’a pas de base agronomique définie. Donc on reste sur nos connaissances du développement de la plante.» rapporte le couple. 

Mais, en 2016, de fortes intempéries submergent leur production. Et cette épice ne doit absolument pas être gorgée d’eau en juillet et en août, au risque d’avoir une mauvaise récolte ou bien tout perdre. Le safran est bien connu pour être l’une des épices la plus difficile à produire au monde, elle est donc de haute valeur. «La fleur doit être cueillie dans la journée. Tout le travail, je le fais à la main. Cela doit être très précis. Je suis toujours munie d’une paire de ciseau et d’une pince à épiler pour bien couper les filaments. Après avoir récolté le safran, il faut le sécher en 20 minutes et pas une minute de plus afin qu’il perde 80 % de son poids. Par la suite, on le laisse un mois en maturation sans y toucher.» souligne Corinne. Avec cette méthode de production très minutieuse, leur safran a une forte qualité gustative qui perdure dans le temps, mais il perd a minima sur la coloration des aliments.

Le safran attire les plus curieux

Crédit/D.R

«Une personne m'a affirmée que je mentais à ce sujet», s’esclaffe Corinne. En effet, le safran est une épice inédite dans l’Oise. La demande est peu importante mais la curiosité est forte. Pour épicer cette aventure, Corinne et François font également de la transformation avec du safran. C’est dans leur petite roulotte que la magie orientale nous emporte. Ils proposent un large panel de produits comme des confitures à la pêche, à la fraise safranée, du sirop ou du vinaigre de cidre aromatisés au safran, du miel safrané, de gelée de Monbazillac au safran et bien plus encore. Pour réussir toutes ces merveilleuses transformations, ils se fournissent auprès d’agriculteurs locaux ou en France mais ils piochent, également, dans leur propre production. «La transformation n’est pas simple. Il faut d’abord faire des tests et cela prend du temps. Mais le résultat est là, les particuliers et les plus curieux sont ravis. On est au stade où l’on commence à fidéliser notre clientèle. Et pour nous, c’est important de fournir un produit de qualité et surtout fait main.» affirme le couple. L’année prochaine, ils comptent bien agrandir leur surface par 3 afin d’augmenter la production. Corinne et François ne vont pas s’arrêter à épicer l’Oise pour notre bonheur gustatif.

Anecdote

Au Moyen-Age, le safran était cultivé partout en France. À l'époque de l’Espagne musulmane, des plantations de safran regorgeaient dans le sud de l’Hexagone. Dès lors, les croisés ont développé la production et on dispatchait les bulbes sur tout le territoire. Cette épice était utilisée pour teindre d’un jaune orangé les vêtements, mais aussi les cheveux. Le safran est également employé grâce à ses vertus médicinales pour traiter des infections respiratoires et maladies comme la toux, le rhume, les cancers… On le retrouve également dans certains traitements contre les infections sanguines, l’insomnie, les maladies cardiaques… Pour les anciens Persans et Égyptiens, le safran était aussi un aphrodisiaque et un antidote couramment utilisé contre les empoisonnements. Mais cette épice est avant tout utilisé dans la cuisine.