Une journée à l'école de rugby du RCA

Sur Sarrola, tous les mercredis, c'est l'équivalent d'un petit village qui se structure. Entre cent et deux-cents enfants, accompagnés en grande partie par les parents, rejoignent le complexe sportif du Racing Club Ajaccio pour une journée de Rugby. Reportage sous le soleil.

Quand le temps s'y prête, il souffle un parfum de fête à Sarrola, le mercredi. Normal: l’école de Rugby s’est installée sur les deux stades mis à sa disposition par la ville d’Ajaccio.

Plus de cents jeunes, âgés de 6 à 14 ans, sont en train de courir sur le pré, regroupés selon les catégories d’âge. À l’entrée, les plus petits apprennent les bases, encadrés par des joueurs plus âgés - membres des catégories Juniors et Cadets - et un formateur, Patrick Romagnesi, au sein du club depuis ses débuts.

S’il faut s’activer pour faire régner l’ordre devant l’armée de bambins, la plupart sont motivés à l’idée de réaliser quelques plaquages ou de gagner les petits ateliers, ludiques à souhait. 

Pour le plaisir

L’effort, l’esprit de compétition, le besoin irrépressible de gagner attendra. Pour l’instant, seul le plaisir est désigné en mantra par les adultes envers les plus petits. Leur donner confiance en eux, également, pour qu’aucun enfant ne se sente à l’écart.

D'ailleurs, les éducateurs vont arranger les règles, modifier la structure du match pour que celui qui oppose de jeunes équipes terminent sur un match nul. Pas de vaincus, donc.

"Il faut qu'ils viennent avec plaisir et qu'ils repartent en se disant « C'est déjà fini »", précise Patrick Romagnesi, qui se définit lui-même comme un passionné et qui travaille auprès de la catégorie U10. 

"Le rugby se commence ici à partir de 5 ans. Avant, ce serait vraiment de la garderie. On leur apprend les bases, à tenir le ballon à la main. Et puis, ils s'amusent", ajoute Jérôme Torre, le président du club. Et c’est bien le plus important.

Il est loin le temps où le Racing Club Ajaccien n'était qu’une équipe de Senior, à sa création en 1990. "On avait 20 ans", glisse, un peu nostalgique Jérôme Torre, le président du club. 

A l'époque, l'ASPTT Ajaccio vient de disparaitre et plus aucun club de rugby n'existe dans la cité impériale. Il faut alors parer au plus pressé. 

Maintenant, l’attache aux couleurs est plus globale, plus importante. Les parents au bord du terrain ont pour certains déjà entamés la troisième mi-temps, à 15 heures. 

D’autres observent leur rejeton réaliser quelques prouesses sur la pelouse. "C’est magique", se réjouit Jean-Etienne Gambotti au moment de voir son fils sur les terrains. Il le préfère sur le pré du rugby que sur un rectangle dédié au football.

Rencontres hors du terrain

Dans la foule, des élus et des électeurs, des visages connus et d’autres moins, c’est un bout de la cité impériale, ou plutôt du Pays Ajaccien, qui se retrouve, voit zigzaguer le ballon ovale sous un temps clément, même si la pelouse est, à certains endroits, boueuses. 

Loin de Vignetta et des problèmes que ce terrain peut rencontrer, la structure de Sarrola est "fonctionnelle et bien entretenue", comme le résume Jérôme Torre. Et ce pour tous les niveaux, tous les besoins. Pas question de se plaindre, alors.

Loin des plus petits, d'autres, âgés de 12 à 15 ans, donnent dans la performance. Les plus jeunes s'affrontent dans des matchs décousus, et où, déjà, quelques têtes blondes, casques sur les cheveux, sortent du lot.

"Lui, une fois qu'il est parti, tu ne l'arrêtes plus", commente un adulte au bord du terrain. En effet, personne ne l'arrêtera.

 Là-bas aussi, on plaisante, on rigole, tout en parlant du prochain tournoi, tout en décrivant une ambition. 

Chez les U14, l’ambiance est plus studieuse. Les tests se succèdent. Les encouragements et les félicitations de David Hoarau, conseiller technique rugby pour le comité de Corse, se font entendre. 

"On doit faire passer les joueurs sur des ateliers pour les préparer à la formation de la mêlée et leur permettre de jouer à 15", résume-t-il. 

Le début d’une véritable préformation, plus technique. Le début d’une nouvelle passion, toujours plus prenante, aussi. 

"Le côté pédagogique est très important. Le résultat, c'est que les gamins peuvent intégrer l'équipe première, chose qui est faite depuis quelques années", appuie le président.

Chez les parents des bambins, on court les "plateaux", ces événements bimensuels en Corse qui donnent lieu à des oppositions entre les équipes de l'île. 

"Un week-end sur deux on a un plateau, en Haute-Corse ou en Corse-du-Sud avec parfois trois heures de route mais les petits arrivent motivés, ça se passe très bien", raconte une maman. 

Les adolescents, quant à eux, commencent à ne plus avaler les kilomètres du territoire intérieur mais plutôt à se rendre régulièrement sur le continent par les airs pour défendre leur honneur face à des équipes d’autres régions. 

La Squadra Corsa, regroupement - à l’origine - de plusieurs équipes de l’île, dont le RCA est partenaire, doit faire ces allers et retours. 

Pour les équipes du continent, par contre, les forfaits se multiplient. Pas questions, pour elles, de venir sur l'île: elles n'y sont pas préparées, logistiquement, ou n'ont tout simplement pas envie.  

Bouder la Corse

"Je suis arrivé sur une période où dans la catégorie U16 on avait perdu une vingtaine de gamins alors que la compétition est plutôt sur le continent donc ça provoque pas mal de désagrément en terme de déplacement", se souvient David Hoarau, racontant le travail à accomplir pour organiser les déplacements mais aussi faciliter la réception des équipes qui viennent de loin. 

"Nous sommes prêts à aider", lâche-t-il, comme un appel du pied à ses équipes qui boudent la Corse.

Malgré les petits tracas, le rugby fait son trou dans l'île. "Il y a beaucoup plus de licenciés, remarque Patrick Romagnesi. Le rugby devrait être le sport numéro 1 en Corse. Par rapport à toutes les valeurs que la Corse revendique, le rugby devrait se les approprier"

Dans les faits, les chiffres stagnent un peu, mais surtout parce qu’ils sont déjà importants. Pour la saison 2015-2016 écoulée, le RCA comptait 322 licenciés et 20 volontaires. 

À elle seule, l’école de rugby comptait 160 joueurs. Et joueuses. Une précision méritée tellement les filles sont nombreuses, dans toutes les catégories, même si elles restent extrêmement minoritaires.

322 licenciés

Les chiffres devraient être sensiblement les mêmes cette saison. "On progresse plus énormément mais la structure est déjà importante", conclut Jérôme Torre.


Frédéric SCARBONCHI et Nicolas WALLON