Les poisons de l'été
et leurs remèdes

Moi, méduse, molle et méchante

C'est la terreur des mers, celle dont on redoute l’arrivée massive chaque année sur nos côtes. Les estivants du Cap Corse conserveront longtemps le souvenir du début du mois d’août de l’année dernière, lorsque les rivages en ont été littéralement infestés. Pelagia – le nom de scène de l’espèce qui nous concerne - peut ruiner une belle journée de plage, quand ce n’est pas une bonne semaine en cas d’allergie.
Si elle rôde assez souvent près du littoral corse, c’est surtout en raison d’un courant qui longe les côtes espagnoles, file vers les Baléares et prend la direction de l’île. Les méduses prolifèrent-elles pour autant ? Impossible de le savoir avec certitude selon les scientifiques, qui assurent en revanche que leur présence est désormais systématique.
Peut-on lutter efficacement contre ce fléau ? Cette fois, la réponse est nette : non. Sur le Côte-d’Azur, quelques plages ont tenté l’expérience de filets anti-méduses et un bateau de collecte, à Antibes, est équipé pour tirer hors de l’eau deux cents kilos de méduses en une demiheure mais aucune solution durable ou pérenne n’existe à ce jour.
Autant se pencher directement sur les conséquences d’une piqûre. Pour soulager la douleur, rincer immédiatement avec de l’eau (impérativement salée et chaude, si possible) ou du sérum physiologique. 


Ce dernier doit être privilégié en cas de piqûre au visage, au torse et, bien entendu, aux yeux.
Certains conseils éprouvés évoquent la neutralisation des nématocystes (les capsules urticantes qui renferment les '’crochets’’ venimeux de la méduse) restés accrochés à la peau en déposant (sans frotter) une couche de sable ou de la mousse à raser sur la zone touchée, voire, comme le suggère la littérature du service des Urgences de l’hôpital Saint-Roch, à Nice, de levure de boulanger (au cas où vous auriez décider de vous faire la barbe ou préparer des crêpes entre deux baignades) puis d’ôter délicatement cet emplâtre de fortune avec un morceau de carton rigide (carte postale).
Le plus important : appliquer un antiseptique puis une crème antihistaminique sur la zone touchée et laisser sécher à l’air libre. Evidemment, il convient d’éviter les remèdes douteux prodigués par le copain de plongeon qui a ‘‘lu que’’. Ainsi, on ne suce pas la piqûre pour en aspirer le venin, pas plus qu’on ne pose de garrot sur la partie infectée. De même, on n’urinera pas sur la zone concernée afin d’éviter tout phénomène de surinfection.
Dans le cas où la brûlure se transforme en cloque, procurez-vous des pansements imprégnés de vaseline que vous appliquerez entre deux et trois jours, le temps pour la lésion de disparaître. Avant de vous baigner, en cas ‘’d’invasion’’, n’hésitez pas à consulter la cartographie en temps réel du site http://meduse. acri.fr/ dont le réseau d’observateurs le long des côtes françaises signale toute arrivée intempestive de la méduse.

Le cochon 
n'est pas toujours bon

Certes, il est encore loin des records établi par le crocodile du Nil, champion toutes catégories de la morsure la plus puissante du règne animal avec un spécimen dont la pression exercée par la mâchoire a été enregistrée à 2,2 tonnes au centimètre carré.
Pourtant, le cochon peut causer de très lourdes blessures, en particulier aux enfants qui auraient la mauvaise idée de confondre la sympathique Peppah de leurs dessins animés matinaux avec nos ronchons divagateurs. Si les morsures sont heureusement rares, certaines peuvent être graves et occasionner des fractures (de la main essentiellement) et des amputations de doigts. Attirés par la nourriture, les cochons domestiques laissés en liberté peuvent en effet se montrer extrêmement fouineurs, pour ne pas dire importuns.
Sans gêne, ces omnivores déchirent les emballages mal protégés et peuvent même venir se servir sous la tente des randonneurs, manquant rarement de provoquer de considérables dégâts.
 La meilleure des ripostes consiste à les effrayer en tapant dans ses mains ou – cela s'est vu - en administrant un bon coup de pied à l’intrusif suidé, qui ne devrait pas demander son reste après pareille correction. Attention cependant : les truies accompagnées de leurs petits peuvent se montrer particulièrement redoutables si elles estiment leur progéniture en danger. Dans ce cas, le plus simple est encore de prendre ses jambes à son cou et se réfugier prestement sur un point haut en attendant meilleure fortune.


UNE SI VIVE DOULEUR

Avec sa gueule patibulaire et son épine dorsale gorgée de venin, la vive est une belle invention du Créateur. Son nom même, tiré de '‘vouivre'’, créature maléfique du folklore européen, dit assez le peu de sympathie qu’inspire ce poisson osseux fréquent sur nos côtes.
Malheureusement, le venin de la petite vive (Echiichthys vipera), dont la taille dépasse assez rarement la quinzaine de centimètres, est plus toxique que celui de la grande vive (Trachinus draco). Or, c’est bien la première qui hante nos côtes, enfouie dans le sable d’où elle laisse dépasser ses épines dorsales et le sommet de sa tête. C’est là que les choses se compliquent car les épines sont précisément chargées d’un venin qui provoque une très intense douleur, parfois accompagnée de nausées pouvant aller jusqu’aux vomissements.
Tous les spécialistes sont d’accord sur la manière de traiter une piqûre de vive. Etape numéro 1 : quelque que soit le degré d’intensité de la douleur (et celle-ci est toujours considérable !), ne surtout pas céder à la panique et sortir de l’eau au plus vite. Etape numéro 2 : le venin étant thermolabile – destructible par la chaleur - entre 45 et 50°, il ‘‘suffit’’ d’occasionner un choc thermique sur la plaie (en approchant par exemple le bout incandescent d’une cigarette près de la zone touchée sans toucher la peau, la flamme d’un briquet, en plongeant le membre blessé dans de l’eau chaude) pendant une à deux minutes, puis d’appliquer une source froide (un glaçon enveloppé dans un mocreau de tissu ou une serviette, par exemple), directement sur la plaie. La douleur disparaît ainsi de manière quasi-instantanée.
Le risque majeur, toutefois, n’a rien à voir avec le venin mais tient surtout aux possibilités de syncopes sous l’effet de la souffrance et, donc, de noyades. La plupart du temps, les symptômes disparaissent totalement 48 heures environ après la piqûre, le temps de se venger de la vive en fréquentant les étals des poissonniers : très prisé pour sa chair fine, ce poisson peut être dégusté en bouillabaisse ou en filets, nappés d’une petite sauce au beurre blanc (échalote, crème fraîche, beurre, un demi verre de vin blanc sec et un demi citron jaune). La vengeance est (parfois) un plat qui se mange chaud.

EPINEUSE RASCASSE

Qu'elle est magnifique, cette splendide rascasse que vous venez de pêcher. A n’en pas douter : elle fera les délices de la famille et suscitera la jalousie du voisin de cabanon. Las. Avant de la savourer, prenez garde à ne pas vous faire transpercer la peau par l’une ou l’autre des épines (deux près de chaque opercule, cinq près des pré-opercules) reliées à des glandes à venin.
Si la conduite à tenir est à peu près identique à celle que vous devez observer en cas de rencontre avec une vive, la piqûre de la rascasse occasionne un saignement très abondant et notoirement spectaculaire. Une petite consolation : à la différence de sa cousine méditerranéenne, impressionnante mais pas mortelle, la rascasse volante (pertinemment baptisée du riant sobriquet de '’poisson-scorpion’’).

Oh Apidés

''Les abeilles ne piquent pas ! Uniquement lorsqu’on les attaque !’’ Le cri d’amour envers les Apidés, poussé par un membre de la rédaction (apiculteur à ses heures perdues ) à l’évocation du présenbt article, n’enlève rien à la réalité : oui, les abeilles piquent. Moins volontiers que les guêpes ou les frelons, puisqu’elles en meurent, mais tout de même.
Leurs piqûres peuvent provoquer trois types de réactions, de la plus banale à la plus grave. La réaction locale, la plus bénigne, s’accompagne d’une rougeur et d’une léger gonflement locaux parfois accompagnés de démangeaisons. Elle disparaît en général en quelques heures.
La réaction toxique, elle, apparaît en cas de piqûres multiples, la dose de venin injectée étant plus importante (de l’ordre de 50 à 100 microgrammes par piqûre pour une abeille, de l’ordre de 2 à 10 microgrammes pour une guêpe). Enfin, la réaction allergique est causée par un choc anaphylactique, sans lien avec le nombre de piqûres (une seule piqûre est suffisante). 


Dans cette hypothèse, les symptômes apparaissent d’emblée plus importants : urticaire généralisée et gonflement important, atteintes aux voies respiratoires avec des oedèmes de la langue, voire cyanose et dans les cas les plus sévères, une forte chute de tension, des nausées, des diarrhées, jusqu’aux vertiges et – rarement – une perte de connaissance.
En cas de piqûre, retirer l’aiguillon et la glande à venin de l’abeille accrochés à la peau, qui continuent à diffuser le poison (les guêpes ne laissent pas de dard). N’hésitez pas désinfecter à l’eau et au savon avant d’utiliser un antiseptique ou un antidouleur par voie orale si la souffrance st intense.
Dans tous les cas de figure, vérifiez bien l’apparition de symptômes plus graves : il convient alors de solliciter une assistance médicale. Le frelon, lui, a un dard plus long et occasionne une piqûre plus profonde, dont le venin peut être de ce fait directement injecté dans le système sanguin, ce qui ne manque pas d’accélérer le temps de réaction. Otez immédiatement vos bagues en cas de piqûre à la main , approchez éventuellement une source de chaleur puis de froid pour occasionner un choc thermique. Dans tous les cas de figure, lorsque la réaction locale s’aggrave les jours qui suivent la piqûre, c’est peut-être le signe d’une infection : consultez sans tarder.

Corse, veuve et noire

Comme souvent, c'est de la femelle qu’il faut se méfier lorsqu’on croise une latrodecte de Corse, alias a Malmignatta. Trois fois plus longue que le mâle même si elle ne dépasse pas les quinze millimètres, la Veuve noire porte bien mal son nom puisqu’elle est reconnaissable à sa livrée sombre de laquelle se détachent treize tâches abdominales rouge-pétard. Si elle préfère la nuit, on la trouve cependant partout : dans la nature et les jardins, sous un tas de bois ou une pierre, refuges qu’elle affectionne particulièrement pour y tisser une toile irrégulière. Il n’est pas rare non plus qu’elle s’invite dans les maisons en choisissant une sympathique petite cachette humide.
Les machos (dont nous ne partageons certes pas l’avis), trouveront dans ses habitudes – dixit un autre membre de la rédaction - '‘le caractère sournois et vicieux qui affecte généralement les femelles de n’importe quelle espèce, compris la nôtre’’. Car, c’est tout le problème, sa morsure est généralement indolore et passe assez souvent inaperçue.
La douleur, elle, ne se réveille qu’entre une minute et une demieheure plus tard, le temps pour le venin d’agir brutalement et de causer de vives souffrances autour de la zone mordue, puis du membre, puis du corps entier de l’infortuné mordu ! Suivent, entre autres troubles, des contractions musculaires, une sourde anxiété pouvant progressivement dégénérer en troubles psychiques (!) plus ou moins durables : on le constate, la comparaison avec la femme n’est sans doute pas totalement usurpée.
 Lorsqu’apparaissent les premiers signes, il est fortement recommandé, pour ne pas dire obligatoire, de réclamer un avis médical, le plus souvent prélude à une hospitalisation : si les cas mortels sont très rares, la morsure est source d’une extrême fatigue et de complications qui peuvent durer plusieurs semaines à défaut d’un traitement idoine. Elle peut également se révéler très grave pour les populations les plus exposées (enfants, personnes âgées) Chaque année, une petite dizaine de cas est recensée à travers l’île – essentiellement au cours de l’été. Pour ne pas être mordu, quelques conseils de bon sens : éviter de marcher pieds nus, porter des protections adaptées lors de travaux au jardin ou de débroussaillage, vérifier les abords d’un lieu de pique-nique…
Il est fort dommage que cette bestiole puisse se montrer à ce point dangereuse car elle n’est pas sans qualité : quoique.

Reportage :
Antoine Albertini
Photos :
Corse-Matin