« Les nouveaux visages 
de l'agriculture » 

Rencontre avec ces éleveurs aveyronnais qui s'engagent au quotidien pour partager, valoriser ou encore diversifier leurs productions.

Près de Roquefort, Séverine danse avec les brebis

A 29 ans, Séverine Boudes, avec sa mère, élève des brebis laitières en bio.

A l'aube, le laitier de Roquefort Société a failli ne pas venir jusqu’à l’exploitation du Rouquet. Sur les contreforts du Rougiers de Camarès, la nuit avait été très froide et la pente menant à la bergerie était un peu glacée. « Quand il y a de la neige, il arrive que ce soit moi qui porte les bidons de lait avec mon quatre-quatre» sourit Séverine.

Mais pour tout dire, de la neige, elle trouve qu’il n’y en a pas eu assez cet hiver. Car dans cette ferme, qui offre un panorama magnifique sur les Rougiers, où l’on aperçoit au loin le château de Montaigut ériger fièrement sa tour, l’eau y est peut-être plus précieuse qu’ailleurs. « Nous avons la chance, ici, d’être servis par deux sources. Avec de l’eau qui arrive par gravitation. Mais on voit qu’il est de plus en plus difficile de mener à bien nos cultures.Cette année, on avait un déficit de 200 ml d’eau. Il a fallu acheter du fourrage. Et du bio, bien sûr».

« À taille humaine »


Depuis la fin des années 1990, l’exploitation est en effet certifiée bio. Les 300 brebis, 80 agneaux et la dizaine de mâles y vivent le plus souvent en autosuffisance. «C’est une petite exploitation, et être en bio nous permet de pouvoir bien y vivre dessus» explique Séverine, en Gaec avec sa mère, dans un rayon roquefort où la taille moyenne des exploitations flirte avec les 600 têtes. D’ailleurs, son credo, c’est le haut du classement bio. «Et volontairement, nous avons choisi de garder une exploitation à taille humaine».

Tellement bien qu’elle connaît presque chacune de ses brebis. Elle a en tout cas ses favorites. « Ses choupettes »comme elle dit. «Il y en a même une qui a onze ans. Mon grand-père l’a connue. Elle ne donne plus de lait, mais je la garde avec les jeunes parce que les rations y sont meilleures» sourit-elle. Quand elle entre dans l’enclos, il lui suffit de les appeler pour les voir approcher. Il lui arrive aussi de les garder dans les champs. Des sangliers, de plus en plus nombreux dans ce coin de nature, pourraient avoir la mauvaise idée de foncer sur le troupeau.


Certes, le métier est contraignant. L’aide quotidienne d’un de ses oncles y est d’ailleurs des plus précieuses. Mais pas question de se plaindre. «Mes journées, moi, je les finis à 19 heures» tempère l’agricultrice. Ce qui lui laisse un peu de temps libre. Elle le met alors un peu à la disposition de la filière, «pour défendre les petites exploitations, car je préfère avoir des voisins qu’une très grosse exploitation par ci par là», et à la danse. Pente glacée ou pas, elle file régulièrement vers Saint-Affrique ou ailleurs pour quelques pas de country. D’un pas léger.

La chèvre fait la belle

La filière caprine détonne dans le paysage agricole actuel. Notamment en Aveyron, où elle va en faire le département chevrier de la grande région.

Le moins que l'on puisse dire est qu’il n’a pas ménagé ses efforts. Depuis quelques années, cet ancien assureur reconvertit dans l’élevage de chèvres se bat pour que d’autres réussissent comme lui. Que ce soit à Paris au salon de l’agriculture où, il a animé le stand de la filière, ou en lançant une campagne d’affichage pour l’installation d’éleveurs de chèvres. « Parce qu’il y a la place !» clame haut et fort Joël Mazars.

Et à l’heure où les éleveurs de vaches laitières sont empêtrés dans la crise, lui affiche, bien que mesurée, une certaine fierté : « Des projets sont en cours un peu partout dans le département. Si bien que d’ici un à deux ans, nous allons passer le cap des 200 producteurs de chèvres laitières. Ce qui fera de l’Aveyron, le premier département en la matière au niveau de la grande région».

Pour parvenir, à ce résultat-là, la filière caprine s’est appuyée sur la relance du marché de la production, après «six ans de traumatisme» comme le concède Dominique Verneau, de la PME Triballat, qui représente la filière caprine au sein de la fédération de l’industrie laitière (FNIL).

« Il ne faut pas oublier l’histoire »

Après la disparition d’un élevage sur cinq, les industriels ont finalement accepté de payer plus cher le lait destiné aux bûchettes et autres crottins. Une surproduction suivie d’une chute des prix qui a contraint 15 à 20% des éleveurs à mettre la clé sous la porte: l’histoire récente de la filière caprine est un «cas d’école» explique Jacky Salingardes, éleveur à La Rouquette, près de Villefranche-de-Rouergue, et président de l’Association nationale interprofessionnelle caprine (ANICAP).

En 2009, alors que la consommation de fromage de chèvre se tassait, la production a continué à grimper et les industriels, qui importaient aussi du lait à bas prix d’Espagne et des Pays-Bas, avaient accumulé des stocks trop importants. Comme pour le lait de vache actuellement, les prix payés aux agriculteurs s’étaient donc effondrés, passant en-dessous des coûts de revient.

«L’administration a tapé du poing sur la table et demandé aux entreprises de prendre les moyens de sauvegarder la production», se souvient M. Verneau. Mais entre-temps, 20% des éleveurs livrant leur lait à une entreprise par opposition à ceux qui fabriquent eux-mêmes le fromage avaient fait faillite.

« Tout le monde va dans le même sens »

Les fabricants industriels se sont trouvés confrontés à une pénurie de lait, avec de nombreuses ruptures d’approvisionnement dans les supermarchés. Et bien obligés de payer le lait plus cher. « Aujourd’hui on a retrouvé du prix car on manque de matière première. Et les entreprises savent désormais que le consommateur veut du produit français », explique Joël Mazars, éleveur dans l’Aveyron. Il ne cache pas d’ailleurs travailler d’arrache-pied à «la fabrication d’un produit bien identifié au niveau du département».

Le prix payé au producteur tourne désormais autour des 700 euros la tonne, soit 100 euros de plus que pendant la crise. « La force de la filière aujourd’hui, c’est que tout le monde va dans le même sens pour faire évoluer et maîtriser les volumes, afin d’assurer une rémunération au producteur », explique Joël Mazars, la confiance «chevrier» au corps.

Pour les Causse, une autre agriculture est possible

A Bozouls, chez les frères Causse, on vit une agriculture saine et raisonnée.

Depuis tout jeune, Mathieu Causse s'est mis en tête de faire agriculteur. Comme son père. Rien ne l'a détourné de son souhait. Ni le décès prématuré de son père, qui a précipité le retour de son frère aîné à l'exploitation, ni son bac C, décroché au lycée Sainte-Marie de Rodez, et avec lequel il a prolongé ses études en biologie appliquée, option agronomie. C'est une sorte de vent de liberté qui souffle chez Mathieu Causse, en Gaec avec son frère, pour élever près de 140 vaches aubrac en bio, dans cette ferme du Bozoulais qui appartient à sa famille depuis... 700 ans. 

« Et ça, je trouve que c'est sympa ! Ça me plaît bien », sourit ce jeune père de famille. Toujours en réflexion sur la manière de conduire l'exploitation, il s'écarte volontiers du sillon dans lequel se trouvent la majorité des agriculteurs. Son premier combat étant l'utilisation des produits phytosanitaires. « On peut faire une autre agriculture. Sans s'empoissonner. J'ai des rendements au moins équivalents quand ils ne sont pas supérieurs sans rien utiliser de dangereux. Toute cette chimie nous échappe, on ne peut pas jouer aux apprentis sorciers », glisse-t-il très calmement, conscient de la difficulté à bouger le système. 

« On ne balaie pas un demi-siècle d'agriculture intensive comme ça. Surtout s'il n'y a pas de véritable volonté politique. » 

Il en veut pour preuve son expérience, au moment du passage en bio. « Les aides incitatives n'ont pas été pérennisées. Et aujourd'hui, ça végète. Or, l'agriculture est un superbe support économique. Qui permet le maintien d'un tissu rural solide. Aujourd'hui, je pense que l'on arrive au bout d'un système », lance-t-il. Depuis le début, et à l'instar de ce que faisait leur père, Mathieu et Paul tablent sur un travail « raisonné et réfléchi, sans empoisonner le vivant et le consommateur ». Un discours proche de la confédération paysanne, dont il reste attentif aux idées tout en fuyant son côté « trop sectaire à mon goût », mais plutôt éloigné du syndicat majoritaire, ce qui ne plaît guère parfois. 

« De toute manière, notre force, c'est notre autonomie intellectuelle », sourit Mathieu Causse. Ce qui ne freine pas son envie de la partager. Au contraire. De plus en plus d'agriculteurs grandissent avec la conviction qu'il est possible de produire « tout en respectant le vivant ». Une conviction qu'il aimerait voir se propager dans des champs entiers. « Ici, en Aveyron, on est encore protégé du productivisme. Mais ce n'est pas le cas partout. Il y a des endroits où c'est catastrophique . » Et Mathieu Causse, fier de poursuivre l'œuvre familiale entreprise depuis presque un millénaire, et ce dans le plus pur respect de la nature, compte bien laisser une terre saine à ses descendants.

Quand les Rieucau ont décidé de passer à table

Ce fut un tournant dans leur profession. Il y a quelques années, Jean-Yves et Anne ont opté pour la ferme-auberge. Avec bonheur.

Puis un jour, au milieu des années 2000, la question s'est posée pour Anne et Jean-Yves Rieucau. Le cheptel de 90 aubrac avait migré vers une étable flambant neuve. Rien avoir en tout cas avec les vieilles pierres du domaine de Séveyrac dans lesquelles elles avaient l'habitude de passer l'hiver, une fois descendues de l'estive, mais qu'il fallait mettre aux normes.

Explorer une autre voie

« Devions-nous augmenter le cheptel de cinquante bêtes pour densifier l'exploitation et répondre à ses besoins économiques ou explorer une autre voie ? » Une autre voie qui aurait le mérite d'offrir une nouvelle vie à l'étable abandonnée. Cette voie-là serait celle de la ferme-auberge. Après avoir restauré l'étable, en lui conférant un cachet superbe, et réaménagé depuis peu le grenier à foin pour y accueillir des mariages ou des séminaires, le domaine de Séveyrac a trouvé une nouvelle vie.

« Il fallait en tout cas que l'on fasse quelque chose pour pérenniser l'exploitation. Mais si on m'avait dit que je me lancerai dans le tourisme » sourit Jean-Yves. C'est un peu à l'image de l'évolution tel qu'il la ressent aujourd'hui dans le milieu agricole. « Bien entendu, au fil des siècles il y a eu des évolutions. Et l'exploitation, ici, depuis cinq générations, en a connu. Mais aussi rapide, aussi radicale, jamais ! »


Passionnés d'histoire et des vieilles pierres

 Cette évolution, on peut l'observer dans la salle de restaurant. Sur les murs, des photos de chacune des générations témoignent de l'activité à leur époque. Cette évolution, il suffit parfois de demander à Jean-Yves Rieucau pour la connaître. Lui qui se glisse parfois dans la peau d'un conférencier passionné des vieilles pierres et de son domaine, pour évoquer les fermes fortifiées qui servaient les intérêts des religieux de Bonneval.

« Au début des années 2000, nous avions encore un cheptel de brebis. Mais nous avons abandonné la production ovine pour nous consacrer aux bovins. » Fidèle à une certaine façon de faire, la famille Rieucau a également opté pour le bio dès les années 1990. « Pas par je ne sais quelle motivation. Cela correspondait juste à notre façon de faire. Je dirai que nous sommes plutôt traditionnels » souligne Jean-Yves.

« Avec le sourire »

Sa famille fait d'ailleurs partie des pionniers qui ont en quelque sorte « sauvé » la race aubrac de la disparition dans les années soixante-dix. Cette tradition se retrouve aujourd'hui dans la transhumance, à laquelle elle participe fidèlement, mais aussi dans les plats qu'il sert à ses nouveaux convives, la famille Rieucau se fournissant chez des maraîchers bio.

Dans ce domaine magnifique, duquel la vue se dégage sur les plateaux d'Aubrac, Jean-Yves Rieucau et son épouse abordent leur« nouveau » métier avec le sourire des passionnés. Ils semblent avoir trouvé un nouvel équilibre à leur profession d'agriculteurs. Jusqu'à ce que de nouvelles interrogations se posent.

Sur l'Aubrac, Nathalie les bluffe avec ses buffles



Un coup de foudre. Nathalie Teyssèdre a véritablement fondu sous le charme des buffles à la fin des années 2000. À cette époque-là, elle ne connaît rien ou presque de cet animal. Par le plus pur des hasards, à une période où elle s'interroge sur l’élan à donner à son exploitation du Cayrol, sur les premiers contreforts de l’Aubrac, elle découvre cet animal aussi costaud qu’affectif. Oui affectif.

« Rien à voir avec les vaches ! »

« Les bufflonnes, vous pouvez les approcher. Il y a un échange qui se passe ». Elle qui se séparait des aubrac sait ce qu’elle ne veut plus. La seule mozzarella made in Aveyron ! De plus, dans son projet, elle éprouvait l’envie de fabriquer elle-même son fromage. Et n’ayant pas trop envie de se lancer dans l’élevage de chèvres, cette découverte arrive à point nommé.

«J’ai commencé par acheter trois bufflonnes.L’année d’après, je faisais mes premiers fromages». Cinq ans après, la seule mozzarella made in Aveyron du monde part comme des petits pains, ses tomes s’écoulent sans discontinuer, tout comme la confiture de lait ou le yaourt.


Mozzarella made in Aveyron !

« Rapidement, je me suis rendu compte qu’il y avait une clientèle pour ces produits-là, notamment les personnes allergiques aux trois autres laits ». Elle vend tout ou presque de façon directe, par le biais d’internet notamment. Aujourd’hui, son cheptel atteint une quinzaine de bêtes avec leurs petits. Et il faut voir Nathalie dans la crèche pour comprendre le lien qui la lie à cet animal. Elles s’approchent, se laissent caresser.

«J’ai eu de la chance, mes bufflonnes ont commencé par toutes faire des filles, sourit-elle. Maintenant elles font des garçons, et cela me permet de faire un peu de vente de reproducteurs». Et tous les jours, elle s’astreint à la traite. «Mais ce n’est pas une corvée de venir m’en occuper. C’est vraiment un plaisir !»


« Une équipe de All Black »

En revanche, il ne faut pas lui parler d’abattoir pour ses bufflonnes.«La toute première fois que j’en ai laissé partir une à l’abattoir, j’ai pleuré pendant une semaine. Ça a été la dernière fois» rigole-t-elle. Elle vient d’ailleurs d’adopter un buffle aux yeux bleus, Azuro. Il complète son «équipe de All Black !». Autant dire que celui-là n’est pas prêt de quitter l’exploitation !

C’est donc peu de dire que cette ancienne prof en informatique, qui a grandi dans un milieu d’agriculteurs, est heureuse dans son exploitation, où elle propose également un gîte. À croire qu’elle a été gagnée par l’instinct grégaire de cet animal qui peuple désormais un petit coin d’aubrac.

La bonne formule du Veau d'Aveyron

Avec la SA 4R, une partie des éleveurs de Veaux d'Aveyron et du Ségala scellent 20 ans de partenariat avec l’abatteur Bigard et l’enseigne Auchan.

Une filière d'élevage, un grand groupe d’abattage et une grande enseigne de commercialisation qui filent ensemble le parfait amour: c’est assez rare pour être souligné. Ce ménage à trois, composé de SA4R Veau d’Aveyron et du Ségala, Bigard et Auchan, fêtera durant le salon de l’agriculture 20 ans de vie commune. Vingt ans de relation fructueuse, bâtie avant tout sur le socle de la confiance entre les hommes. 

À l’époque, c’est un mariage précurseur qui est scellé. Onze administrateurs, dont Pierre Bastide, créent la SA4R, basée sur la qualité du Veau d’Aveyron et du Ségala, une production labellisée depuis deux ans, sous la houlette notamment de Daniel Carrié. SA4R créé alors une sorte de circuit fermé à trois. Avec une particularité: les éleveurs adhérents se rendront dans les grandes surfaces pour vanter les mérites de leur production auprès des consommateurs. Une première en cette fin des années 1990. 

«Vous ne pouvez pas savoir le bien que cela fait de voir un consommateur vous dire qu'il se régale avec du Veau d’Aveyron.»

«Un des adhérents qui devaient aller dans un magasin de Lille, racontait que c’était la deuxième fois de sa vie qu’il quittait l’exploitation. La première fois, c’était pour son voyage de noces!», sourit Bernard Cuq. Installé du côté de Centrès, ce dernier était quasiment au début de l’aventure. «J’ai trouvé ce que je cherchais en rejoignant cette filière. Elle propose une démarche cohérente.» Une démarche gratifiante aussi. À tous les points. 

Financièrement. «On a toujours réussi à faire en sorte que le prix du kilo carcasse augmente. On vend notre produit à un certain coût. Mais quand on l’explique aux consommateurs, ils comprennent tout à fait.» Personnellement également. «Vous ne pouvez pas savoir le bien que cela fait de voir un consommateur vous dire qu’il se régale avec du Veau d’Aveyron. Que sur sa liste de courses, il n’y a pas marqué viande, mais Veau d’Aveyron ! Et quand vous revenez à l’exploitation, vous avez le sourire.» 

Aujourd’hui, un peu plus de la moitié du cheptel labellisé Veau d’Aveyron passe par la SA4R (12 000 veaux sur 20 000 que compte l’IRVA). «On est dans un marché de niche, certes. Mais sans cette spécificité, si l’on était resté standard, je ne sais pas où l’on en serait aujourd’hui », glisse Bernard Cuq. Plus que jamais ravi de son choix et reconnaissant envers ceux qui ont lancé ce label. D’ailleurs, à Paris, au Salon de l’Agriculture il a levé fièrement son verre aux 20 ans de ce partenariat. «Et comme on dit, c’est 20 ans et pour longtemps !»

Sébastien Granier :  «Installez-vous ! »

Le président des JA prône une agriculture «viable» et «vivable».

Dans un mois, Sébastien Granier va rendre sa casquette de président des jeunes agriculteurs (JA) de l'Aveyron. Après deux années durant lesquelles il a passé en moyenne trois jours par semaine en dehors de l’exploitation. À plancher et œuvrer pour le renouvellement des générations. Un engagement «naturel».

«J’ai toujours voulu être agriculteur. Et je me suis toujours dit que, d’une manière ou d’une autre, je m’investirai comme ceux qui se sont investis pour que l’on puisse devenir agriculteur.» Dans sa maison jouxtant l’exploitation, à Castelmary, près de Naucelle, Sébastien Granier est intarissable sur les sujets agricoles. Mais un en particulier lui tient à cœur : «le dossier installation ». À tel point que son propos revient inévitablement sur ce sujet-là. 

« On peut faire une installation sur mesure »

Il faut dire qu’avec ses prédécesseurs Bruno Montourcy et Patrice Phalip, il fait partie de la génération «installation». Une bataille compliquée en temps de crise. «Il reste des jeunes qui s’installent. Et c’est justement maintenant qu’il ne faut pas lâcher», plaide-t-il. Un travail de fond qui paye pour Sébastien Granier. «En Aveyron, on a une chance, c’est la diversité. Peu de départements en France peuvent offrir une telle diversité, tant en terme de production que de commercialisation. Donc, on peut faire une installation sur mesure»,insiste le JA. «Et pour une agriculture viable et vivable surtout», ne peut-il s’empêcher d’ajouter. À cet effet, il a constaté les réflexions de plus en plus poussées des jeunes qui s’installent.

«Cela va vraiment très loin. Et cela fonctionne au regard de la pérennité des exploitations. Et sur le lot, dans un des départements qui installe le plus, près de 20 %ne sont pas issus directement du monde agricole.» Pour lui, c’est le signe que le métier reste attractif malgré le contexte. Et avec près de 300 adhérents au sein du syndicat, il salue également l’engagement des jeunes, que ce soit au niveau cantonal ou départemental.

« Fierté »

Lorsqu’il a hérité de la présidence des JA, le poids que cela peut représenter dans un tel département ne l’a pas stressé. Au contraire. «C’est plus facile parce qu’on est un peu plus écouté. À Paris, quand l’Aveyron dit quelque chose, on y est peut-être plus attentifs», sourit-il. «On a été partie prenante de la dotation supplémentaire pour les jeunes installés arrachée à l’Europe. C’est une fierté, cela ! »

Dans quelques jours, il va donc se concentrer sur son activité d’agriculteur, et laisser sa place de président. Et soulager d’autant le travail de sa mère, avec qui il est en Gaec. Puis il a des projets pour son exploitation, sur laquelle il élève actuellement une cinquantaine de porcs et des veaux types veaux d’Aveyron. Car à 35 ans, avec sa compagne, il compte bien vivre toute sa vie dans ce coin du Ségala. Et, comme il y a travaillé pour tous ceux qui s’installent, ils comptent y vivre bien.

Philippe Routhe avec A.D.