Macron rime avec Aveyron

Immersion dans la galaxie aveyronnaise du nouveau président de la République

En arrivant à Rodez, jeudi dernier pour ses dernières heures de campagne, Emmanuel Macron n'a cessé de le clamer haut et fort : "J'aime infiniment l'Aveyron". Certes, l'homme était encore en campagne, avec ce besoin de séduire. Mais il était sincère. Car un lien très étroit le lie à notre département. Que ce soit dans son entourage très proche avec Richard Ferrand, le couple Ferracci ou encore Ahmed Eddarraz. Mais également dans ses soutiens de la première heure, incarnés par un certain Christian Teyssèdre, maire de Rodez, la ville dans laquelle Emmanuel Macron a réalisé son plus beau score en Occitanie avec plus de 80% des suffrages lors du second tour. L'Aveyron rime avec Macron. Et inversement. Explications.

1. SES VISITES EN AVEYRON

Photo José Antonio Torres

2005 : mariage de Sophie Ferracci à Brommat

Dans un cadre privé, Emmanuel Macron, tout juste diplômé de l'ENA (en 2004), découvre l'Aveyron et Brommat lors du mariage de Sophie et Marc Ferracci, son couple d'amis proches et fortement engagé dans la campagne à ses côtés. 

Août 2016 : ministre de l'économie

Alors ministre de l'Économie, de l’Industrie et du Numérique, poste auquel il avait succédé à Arnaud Montebourg, Emmanuel Macron était venu,une première fois, à Rodez, en août 2016. Presque en « mode été » pour des rencontres ni vraiment très officielles, ni tout à fait personnelles. Mais dominées par une thématique des plus politiques : « L'emploi industriel en zone rurale ». Réunion de travail avec Christian Teyssèdre dès 8 h 15, suivie d'un « petit-déjeuner républicain » à la mairie où voisinaient élus ruthénois et de l'agglomération, de tous bords politiques, mais aussi le député Arnaud Viala, entre autres. 

La visite de l'usine Bosch en plat de résistance, celle du musée Soulages - où son épouse Brigitte l'a rejoint - en gourmandise. Sans grandes annonces, Emmanuel Macron s'est évertué à porter un message d'optimisme : « Redonner du sens à l'action, redonner le goût de l'avenir aux Français », répété à l'envi alors que « le pays traverse une période de doutes et d'extrême violence. Nous avons un défi moral, civilisationnel à relever, alors que j'assiste ces dernières semaines à des débats faits dans l'urgence et l'émotion pour réinventer des solutions...». Et d'assurer que « le gouvernement est déterminé à aider à réussir la France qui innove et entreprend ». Et ce dans tous les compartiments, y compris l'agriculture, surtout celle de l'Aveyron « qui a su se positionner sur la qualité, la clé pour valoriser les productions»

Consensuel et souriant, Emmanuel Macron a voulu convaincre qu'il n'était pas en campagne sous la bannière du mouvement - « En marche » - qu'il a créé le 6 avril et qui serait fort à ce jour de 60 000 membres : « Aujourd'hui, je ne suis pas 'en marche', il y aura des moments spécifiques pour cela, à la rentrée ». Sa candidature à la présidentielle, comme ses relations avec le Premier ministre n'étaient pas à l'ordre du jour. Rideau. 

4-5 mai 2017 : dernières heures de campagne à Rodez

Après avoir tenu son dernier meeting de campagne à Albi, Emmanuel Macron a rejoint Rodez dans la soirée du 4 mai pour un dîner au Bowling du Rouergue aux côtés notamment de son fidèle soutien, Christian Teyssèdre. Le lendemain matin, après une nuit au Mercure en centre-ville de Rodez, le candidat En Marche! réserve ses dernières images de sa campagne à la préfecture de l'Aveyron. Des centaines de médias et de caméras le suivent lors de sa visite de la Cathédrale notamment... Retour sur cette visite et les nombreux bains de foule en images.                          (Photos José Antonio Torres/Vidéos Centre Presse Aveyron)

















2. SON ENTOURAGE AVEYRONNAIS


Richard Ferrand,
le bras droit

Richard Ferrand et Emmanuel Macron ne se connaissent pas depuis très longtemps. Les deux hommes ont fait connaissance durant toutes ses heures acharnées à travailler sur la loi Macron, en 2014. Richard Ferrand en fut d'ailleurs le rapporteur. « Le courant est passé très vite » glisse ce Ruthénois aujourd’hui député dans le Finistère. Si bien qu’il est devenu l’homme fort du mouvement En Marche !. Il est, pour l’anecdote, le premier parlementaire à l’avoir rejoint. 

Né en 1962 à Rodez, Richard Ferrand, après un passage dans la communication et le journalisme (dont Centre Presse), a rejoint en 1991 le cabinet de Kofi Yamgnane, alors secrétaire d’Etat aux Affaires Sociales et à l’Intégration. Nommé directeur général des Mutuelles de Bretagne en 1998, il a décroché son premier mandat électoral la même année lors des élections cantonales à Carhaix dans le Finistère. Sous l’étiquette PS. « Expert en déminage d’Emmanuel Macron » pour le Figaro « Pierre angulaire du mouvement En Marche ! » pour 20 minutes, « couteau suisse » pour Le Monde, Richard Ferrand, dont le franc-parler a inondé les réseaux sociaux après les tacles envoyés notamment à Jacques Attali et Laurence Parisot, est un des rouages incontournables du clan Macron. 

Sa complicité avec Emmanuel Macron semble d’ailleurs inébranlable. Une anecdote contée par Richard Ferrand : « La première fois qu’il m’a demandé de dire quelques mots au meeting de lancement à la Mutualité le 12 juillet, je lui ai proposé de lui montrer ce que j’avais préparé. Il m’a répondu : "Tu dis ce que tu veux". Depuis, on fait comme ça ». Et Emmanuel Macron de confirmer : « Il est en permanence avec moi, il sait ce que je pense et comment je fonctionne. Quand il a le moindre doute sur une question, on en parle, il n’y a pas entre nous de formalisme inutile. » 

À Rodez, le 6 avril dernier, il s’est chargé lui-même de porter la parole du mouvement En Marche ! lors de la campagne présidentielle. Et d’aucuns prédisent à celui qui était resté dans l’ombre de la vie politique jusqu’alors, une place de choix dans l’organigramme présidentiel d’Emmanuel Macron. Celle de Premier ministre revenant avec insistance. Une première pour l’Averyon !

(Article : Philippe Routhe)

Sophie Ferracci, l'amie

Ce n'est évidemment pas un hasard si Emmanuel Macron a pris la direction de Rodez après son ultime meeting de l’entre deux tours à Albi. La destination est tombée comme une évidence dans le cercle rapproché du leader du mouvement En marche !, tant les connexions avec l’Aveyron sont nombreuses. Directrice de campagne, Sophie Ferracci est de celles qui font le lien entre Macron et l’Aveyron. Il faut dire que celle qui l’accompagne depuis près de 15 ans, depuis les bancs de Sciences Po très exactement, a, tel qu’elle le dit, « beaucoup d’attaches » avec l’Aveyron. Si elle vit aujourd’hui en région parisienne, celle qui s’appelait encore Sophie Gagnant a grandi à Vic/Cère et étudié à Aurillac dans le Cantal. À quelques encablures de l’Aveyron, où ses parents ont naturellement fait l’acquisition d’une maison en 1995. « C’est à Labarthe, commune de Brommat. J’y ai passé tous mes étés depuis plus de 20 ans », glisse avec nostalgie la quadragénaire.

Elle y a même convolé en 2005 avec Marc Ferracci, un Corse, professeur d’économie. Le couple a choisi comme témoin un de ses meilleurs amis : un certain Emmanuel Macron. « Je me souviens très bien de ce moment : c’est Francis Issanchou, alors maire, qui nous avait mariés. Sa disparition en 2014 (dans un accident de voiture, NDLR) m’a beaucoup touchée. » Par la, suite, Sophie Ferracci sera à son tour témoin du mariage d’Emmanuel et de Brigitte Macron en 2007. Avocate, Sophie Ferracci a travaillé dans le privé, notamment chez Dassault, avant de rejoindre Emmanuel Macron à Bercy en 2015, où elle va devenir pendant quelques mois son chef de cabinet, et suivre Macron dans sa démarche autour du mouvement En marche ! 

En ce dernier jour de campagne, vendredi dernier, Sophie Ferracci, confortablement installée à la terrasse d’un café ruthénois, observe les journalistes et badauds qui se battent pour approcher Macron. Si elle et son mari ne savent pas trop de quoi leur avenir sera fait, ce ne sont visiblement pas les idées qui manquent. « Il y a tellement de choses à faire pour la France ! » glisse-t-elle dans un sourire, avant de fendre le dispositif de sécurité pour rejoindre Emmanuel Macron.

(Article : Pascal Laversenne)

Ahmed Eddarraz, l'intime

Le Millavois Ahmed Eddarraz est l'autre homme de confiance aveyronnais du clan Macron. Et pas n’importe lequel. Il veille sur la personne qui compte le plus aux yeux d’Emmanuel Macron, son épouse Brigitte. Il gère et assure tous les déplacements de l’épouse et de sa famille. Une histoire somme toute incroyable pour ce buraliste millavois âgé de 31 ans, conseiller municipal auprès de Guy Durand, qui, en 2012, a pris un uppercut avec l’affaire DSK. Il avait misé sur Strauss-Kahn jusqu’à intégrer son équipe de campagne. Puis il a « pleuré » quand son candidat a été arrêté par la police américaine, mettant ainsi fin à son rêve. Mais on n’arrête pas « la tornade », surnom que lui a donné un journaliste du Monde, comme cela. 

Quand Emmanuel Macron a lancé son mouvement En Marche !, Ahmed Edarraz a couru. Au point de se faire remarquer par le nouveau candidat. Il est tout fier d'ailleurs de raconter ce soir où, alors qu’il fêtait son anniversaire à Millau, son téléphone vibra, avec à l’autre bout du fil, Emmanuel Macron. De quoi donner plus d’énergie encore à celui qui accepte le rôle que lui propose Jean-Marie Girier, le directeur de campagne d’Emmanuel Macron. Depuis, quand Brigitte Macron est en déplacement avec son mari, Ahmed Eddarraz n’est jamais très loin. Le Millavois s’est ainsi retrouvé dans le cercle très fermé de ceux qui ont participé au dîner de la Rotonde, après être allé cherché une partie de la famille Macron.

« J’ai dit merci à Emmanuel Macron, car pour quelqu’un à ce niveau-là, accepter d’être entouré par un petit mec comme moi, qui vient d’un quartier populaire, qui n’a pas fait de grandes études, il faut le vouloir », glisse-t-il à un journaliste lui demandant son sentiment quelques heures après le résultat du premier tour. Depuis hier soir, Ahmed Eddarraz est bien évidemment aux anges. Une joie qu’il peut partager avec son père, venu exceptionnellement du Maroc, assister à une tornade joyeuse.

(Article : Philippe Routhe)

3. CHRISTIAN TEYSSÈDRE ET SES SOUTIENS AVEYRONNAIS

Christian Teyssèdre, soutien de la première heure

Outre Richard Ferrand, Sophie Ferracci et Ahmed Eddarraz, que l'on peut situer dans le cercle très rapproché d’Emmanuel Macron, le réseau aveyronnais trouve son prolongement à Rodez. Avec en particulier le maire Christian Teyssèdre. « Un rallié de la toute première heure » a rappelé Emmanuel Macron, vendredi, lors de sa visite. Comme l’a admis Sophie Ferracci, la directrice de campagne d’Emmanuel Macron, « si la campagne s’achève à Rodez, c’est parce qu’il y a Christian Teyssèdre. » Elle poursuit : « Ces élus locaux qui s’engagent auprès d’Emmanuel sont des relais importants pour nous. Cet ancrage territorial, c’est ce qui fait la force d’En Marche ! dans des départements comme le Lot ou bien sûr l’Aveyron. » 

Leur relation construite au fil du mouvement semble dépasser la simple amitié de circonstance. Christian Teyssèdre a rejoint le mouvement quand personne n’y croyait vraiment. Où l’on parlait plus de bulle que de mouvement. « Je faisais partie des dix premiers » sourit le maire. « À cette époque-là, oui, je pouvais imaginer un poste de ministre, pourquoi pas, souriait-il, quelques semaines avant le premier tour. Mais depuis...» Depuis, des ralliements en masse se sont mis En marche ! Ne lui laissant, selon lui, « aucune chance d’obtenir un tel poste ». Mais une rumeur persistante dont se délecte le piton le verrait bien avec un secrétariat des sports... À suivre ! 

Thomas Mogharaei, autre rouage aveyronnais

Ce jeune Parisien est devenu directeur du cabinet du maire de Rodez en janvier 2016, juste après avoir obtenu son diplôme en master affaires publiques à l’université Dauphine II. Depuis plus d’un an, il assure le suivi de nombre de dossiers ruthénois. Assurant ne pas être un militant à son arrivée, ce garçon plutôt discret a quand même hérité du titre de référent aveyronnais pour le mouvement En Marche ! en juin 2016. Chargé d’animer le réseau et de faire remonter les attentes venues du terrain. Un rôle qu’il a bien tenu si l’on s’en tient au nombre important d’Aveyronnais qui ont rejoint le mouvement rapidement. Soit 896 au soir du second tour.

Il se murmure toutefois que Thomas Mogharaei pourrait rapidement quitter son poste à la mairie pour d’autres horizons... 

Ludovic Chaker fait turbiner le mouvement En Marche ! à Paris

Originaire de la Vallée de la Dourbie, où il va se ressourcer régulièrement, il est, entre autres, le neuve du maire de Sauclières, Daniel Atcher. Surnommé le « ninja logisticien », Ludovic Chaker était entre autres chargé de l’organisation des meetings d’Emmanuel Macron. 


Stéphane Mazars,
le candidat

Enfin, le conseiller municipal de Rodez, conseiller départemental et ancien sénateur, Stéphane Mazars fait également partie des premiers soutiens du candidat Macron dans le département. Mais Mazars est passé par le canal Mézard. En effet, c’est dans le sillage de Jacques Mézard, le sénateur du Cantal, qui présidait le groupe RDSE auquel il s’était rallié lors de son passage au Sénat que Stéphane Mazars a rejoint le clan Macron. Jacques Mézard fait partie de ceux à qui Macron tend une oreille attentive pour connaître la tendance sur le terrain. Et Stéphane Mazars devrait recevoir l’investiture pour représenter le mouvement En Marche ! sur la première circonscription de l’Aveyron.

4. DANS LES URNES, L'AVEYRON ROULE AUSSI POUR MACRON

Emmanuel Macron a raison d'aimer l’Aveyron. Avec 72,81 % des voix portées lors du second tour sur sa candidature, le département fait mieux que le score national accordé au nouveau président. Mieux encore, seules quatre des 288 communes aveyronnaises ne l’ont pas placé en tête du scrutin : Arnac-sur-Dourdou (68,63 % des 60 votants ont choisi Marine Le Pen), mais aussi Murols avec 55,13 % et La Cavalerie (53,85 %) qui avait déjà placé la candidate en tête au premier tour. Et, fait insolite, Sainte-Eulalie-d’Olt a mis les deux candidats à égalité : 117 votants chacun. 

Il faut dire que face au Front national, c’est un front commun qui s’est dressé. Car les voix emportées hier par le nouveau président ne sauraient témoigner toutes d’une adhésion à son programme. Ainsi, le Nord-Aveyron et la haute vallée du Lot, qui ont voté majoritairement François Fillon au premier tour, ont suivi les appels à faire barrage au FN, au-delà de la seule conviction à un projet. Il en est de même dans bien d’autres endroits du département, confrontés de plus à l’invitation au « ni-ni », prônée notamment par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a obtenu ses meilleurs scores dans le Bassin decazevillois au premier tour. Emmanuel Macron y a obtenu au final une moyenne de 73 % des voix pour une participation à peine plus faible que la moyenne départementale. 

Au final, l’Aveyron est donc résolument Macron. Le score qu’il a obtenu à Rodez (80,35 %), la ville de Christian Teyssèdre, soutien de la première heure, en témoigne (lire ci-dessous). On peut y ajouter, anecdotiquement, le coup de rein de Castelmary (89,87 %) ou Mounes-Prohencoux (87,22 %). Un coup de rein qu’il faudra inscrire dans la durée, à commencer par le vote des députés les 11 et 18 juin. Les choses sérieuses ne sont pas terminées.

(Article : Christophe Cathala)