Attentats de Paris

Les Aveyronnais témoignent 

Je suis content d'être à la maison

Le photographe Balint Porneczi ne cachait pas, dimanche matin, son soulagement d’avoir retrouvé, la quiétude de son appartement ruthénois, après une soirée et une nuit particulièrement mouvementées. La veille au soir, il se trouvait avec Vito, son jeune fils de 5 ans et demi, non loin des lieux des fusillades parisiennes. De retour de Budapest et de la Hongrie, son pays d’origine, il a atterri à l’aéroport Charles-de-Gaulle, en fin d’après-midi. Ayant quelques heures à perdre, avant de prendre le train de nuit à destination de l’Aveyron, il est allé partager un verre au «61», un bar culturel de la rue de l’Oise, dans le XIXe arrondissement, qu’il a l’habitude de fréquenter avec des amis photographes et journalistes. 

« Pour rejoindre la gare d’Austerlitz, j’ai appelé un taxi et c’est dans le taxi que j’ai appris qu’il y avait eu une première fusillade près du métro Goncourt, raconte Balint. Nous étions boulevard Voltaire et nous sommes passés à proximité du Bataclan peu après 22 heures. Nous avons été ralentis, mais pas plus que ça, il y avait quelques policiers cagoulés derrière des voitures aux portières ouvertes et une ambulance. J’ai appelé l’un des mes amis photographes de l’Associated Press, Thibault Camus. Il était au courant car il a été l’un des premiers à arriver sur les lieux du Petit Cambodge. C’est un restaurant que je connais bien, où l’on mange très bien pour pas cher. J’ai relayé les premières infos que j’avais dans les médias hongrois. Peu de temps après, quand nous sommes arrivés à la gare d’Austerlitz, il n’y avait pas de renforts particuliers et les contrôleurs n’étaient pas encore au courant des fusillades. C’est moi qui les ai informés de la situation.»

                                                                                                              Joël Born

2015-11-13 22:21:26                                               "PLUSIEURS FUSILLADES À PARIS (SOURCES CONCORDANTES)"  AFP

On a vu en tribune le président Hollande qui quittait sa place, puis un hélico au-dessus du terrain. À 10 minutes de la fin, j'ai reçu un coup de fil qui m’informait de la situation à Paris et au stade de France. On a aussi entendu des tirs sur la Plaine Saint-Denis. On est sorti vite. On est parti pour prendre le RER. Puis très rapidement, les gens couraient à contresens face à nous. Il y avait des mouvements de foule très impressionnants. On a entendu deux, trois, quatre coups de feu, les gens revenaient vers nous, des parents tenaient des enfants dans leurs bras. Les militaires ou les gendarmes criaient : "partez, partez". Dans ces moments-là, tu ne sais plus trop ce que tu fais... Puis on a regagné nos hébergements en étant très attentifs.                                                                                                                                Gilles Boscus, conseiller technique départemental au District de football de l'Aveyron, vendredi soir au stade de France
« Nous avons mesuré l'ampleur du drame en allumant la télé »

Pierre-Louis Pignède et Pierre-Louis Artus étaient au stade de France. 

Douze heures après les fusillades qui ont ensanglanté Paris dans la nuit de vendredi à samedi, Pierre-Louis Pignède raconte, la voix encore chevrotante, cette soirée. Depuis son installation à Paris, au début de l'été, dans le cadre de ses études, le Primaubois de 22 ans croquait la capitale à pleines dents. C’était avant ce vendredi 13 novembre 2015.

Il raconte: «Pendant la première mi-temps, nous avons entendu deux détonations, nous pensions à des pétards comme on en entend souvent dans les stades. Puis, pendant la pause, nous sommes allés boire une bière au bar. Là, à travers les vitres, nous avons vu la rue, complètement bouclés, les sirènes et les pompiers qui transportaient des corps. Peu de temps après, le speaker du stade a demandé à tout le monde de regagner sa place en tribune.

 Nous voyions les stadiers et les policiers en alerte dans les tribunes, nous avons un moment pensé que l’assaillant était parmi nous. Aucune annonce n’a été faite jusqu’à la fin du match et, avec du recul, c’est mieux comme ça : un mouvement de foule avec 80 000 personnes aurait pu être terrible. Dans le stade, nous n’avions aucun réseau mobile, nous étions comme coupés du monde. 

En sortant, nous avons entendu des mots éparpillés: attentats, terroristes, mitraillette.Les gens couraient dans tous les sens. Mais c’est une fois réfugiés chez mon ami que nous avons mesuré l’ampleur de la situation... en allumant BFMTV.Nous avons passé la nuit et la journée (hier) collés devant la TV à attendre, sans sortir. Je suis sous le choc. Et j’en viens à me demander: qu’est ce que je fais là, à Paris?»                                                                                                                           Lola Cros

Vendredi soir, Emilien aurait dû être, chez lui, rue de Charonne, à Paris...

Samedi au comptoir du café du Commerce à Rodez, bondé, Émilien, un petit café devant lui, ne lâche pas son mobile des yeux. Toute la nuit, il a reçu des messages pour voir s'il allait bien. Et pour cause: il habite rue de Charonne à Paris, à proximité de la salle du Bataclan. Tout comme sa mère et sa sœur. En déplacement professionnel à Rodez, il aurait dû rentrer vendredi. Encore sous le choc, il est content de n’avoir pas pu prendre le train, mais aimerait aussi être dans son quartier. «Je connais forcément des gens qui étaient au concert hier soir. Les cafés où cela s’est passé, ce sont des lieux que l’on fréquente habituellement» raconte-t-il. Rassuré de savoir ses proches en bonne santé, il est en revanche dans le flou par rapport à ses connaissances. «Le Bataclan est une salle que l’on fréquente également, où l’on décide parfois d’aller au dernier moment».  

Vendredi soir, c’est un groupe californien de death metal qui se produisait. «Il y avait une affiche un peu provoc, avec une femme les seins nus et habillée de cuir, se souvient-il. Peut-être que... En tout cas, c’est moche ce qu’il s’est passé». Observant par la fenêtre du bistrot l’affluence qu’il y a sur la place du marché, il a conscience que l’ambiance est à dix mille lieues de celle qui règne ce matin dans son quartier. «Le samedi matin, c’est jour de brunch. C’est très sympa, les gens prennent le temps de boire leur café. Ce matin, il n’y a personne, le quartier est bouclé», raconte-t-il, entre deux clics sur son smartphone. Ces dramatiques événements le renvoient dix mois en arrière, quand il a lancé son entreprise d’expertises de sinistres en drone. «Le jour où j’ai lancé la communication pour mon entreprise, c’était le "Charlie Day". J’étais en train d’envoyer mes mails quand on apprenait ce qu’il se passait à Charlie Hebdo»... Professionnellement, il voit l’horizon se compliquer un peu : «Je pense que les vols de drones vont être interdits un petit moment au-dessus de la région parisienne». Mais sa priorité c’est rentrer chez lui rapidement. Même s’il craint d’apprendre de mauvaises nouvelles. 

                                                                                                     Philippe Routhe

2015-11-13 22:36:36

"Une prise d'otages en cours au Bataclan à Paris "(préfecture de police) AFP

"On entendait les sirènes passer. Puis il y a des personnes qui sont venues nous prévenir: "Ça tire de partout dans le quartier, il y a une fusillade". Le patron de la galerie a préféré fermer, et nous sommes restés enfermés dedans jusqu'à 1h30."                                                                                         Frédéric Chabord, Ruthénois d'origine, vit à Paris depuis 4 ans. Il était vendredi soir au vernissage d’une exposition à 5 minutes du Bataclan.

«Il s'est fait exploser alors qu’il parlait avec la serveuse»                                                                                                                                                                     Des hommes en combinaisons blanches vont et viennent entre le fourgon de la police scientifique et l'entrée du Comptoir Voltaire, hier vers 11 heures. Ce bistrot possédé par un Cantalien, Christian, figure en effet parmi les premières cibles des attaques de vendredi soir. C’est cet établissement, situé à l’intersection du boulevard de Voltaire et de la rue de Montreuil dans le XIe arrondissement de Paris, qu’a choisi un terroriste pour faire sauter sa ceinture d’explosifs.                   Si les policiers en civil, armés de pistolet-mitrailleur et chargés d’éloigner les badauds, se refusent à tout commentaire, le responsable du bar au moment de l’attaque, nous livre sa version du drame. «Nous avons entendu une explosion vers 21h30, raconte-t-il. Au début, j’ai cru que c’était dû à une fuite de gaz». 

Des travaux de rénovation des conduites de gaz sont en effet menés dans la rue adjacente. Malheureusement, ce qui attend le barman est bien pire. «Je suis sorti et j’ai vu le cadavre d’un homme. Il était assis dans la terrasse chauffée et s’est fait exploser alors qu’il parlait avec la serveuse. Elle a pris l’explosion en pleine face.» Miraculeusement en vie, la jeune femme a néanmoins été grièvement blessée et transportée de toute urgence à l’hôpital Saint-Antoine, non loin de là. 


Dans la foulée, le Comptoir Voltaire a été évacué et les policiers, contactés, sont rapidement intervenus, mais une mauvaise surprise les attendait. «Ils ont découvert une deuxième bombe non-explosée sous le corps du kamikaze et les démineurs ont dû intervenir». Un témoignage confirmé par celui d’un voisin, Mohamed, âgé de 34 ans. «Je suis rentré vers 23h30 - minuit et j’ai vu des démineurs en action autour du restaurant auvergnat, se souvient-il. Tout était bloqué et j’ai attendu deux heures avant de rentrer chez moi». Selon le trentenaire, cette attaque-suicide aurait été la première de la mortelle série de vendredi soir. Après avoir déposé leur compère au bistrot, les terroristes auraient ensuite rejoint la rue de Charonne en voiture pour leur sanglante virée.                                                                                                                                                                         Le comptoir de Voltaire, transformé en scène de crime comme on les voit dans les séries télévisées, porte encore les stigmates de l’attaque avec de nombreux impacts sur plusieurs vitres du restaurant. Le responsable du bar assure que tout le personnel est sous le choc et s’inquiète surtout du sort de la serveuse. De son côté, Christian, le propriétaire, arrivé sur place après l’attentat, «est injoignable et de toute façon, il est entendu par la police en ce moment», nous explique le propriétaire du Melac, un bar à vin aveyronnais non loin de là, et qui a pu contacter le Cantalou par téléphone dans la nuit de vendredi à samedi. Reste une question à laquelle devront répondre les enquêteurs: par quel miracle aucun civil n’a été tué par cet attentat suicide qui aurait pu tourner au bain de sang?                                                                                                                                                                                                                                   A Paris, Guillaume Novello