CannaBologna #2    

360° du deal à Piazza Verdi, par Mohammed

Piazza Verdi, dans le cœur historique de Bologne. Depuis onze ans, Mohammed y vend son cannabis sous l’œil rotatif des caméras de surveillance. Voici ce qu'il s'y passe.

Mohammed est né à Tunis. Une ville «où il y a la mer». La Tunisie, il l'a quittée il y a 11 ans, à l'âge de 23 ans, à bord d’une barque. Direction la Sicile. Il est rapidement monté à Bologne pour retrouver son frère. Il y a construit une nouvelle vie. Mohammed a une femme, deux enfants de 9 et 3 ans, est coiffeur, sans-papiers... et vendeur de cannabis.

Sur la Piazza Verdi, dans le centre historique de Bologne, Mohammed fait des allées et venues les journées où il ne travaille pas au salon. Au milieu des cafés et des étudiants de la Via Zamboni, il propose du cannabis à ceux qui en cherchent.

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 Piazza Verdi est l’un de ses terrains de vente. Il travaille «ici et là» et peut gagner une centaine d’euros par jour de deal, «parfois plus, parfois moins». Il «deale pour vivre, pas pour construire un avenir».

À Bologne, la Piazza Verdi est avec le parc La Montagnola et le quartier de Pratello à l’ouest, l’un des trois spots où l’on vend du cannabis illégalement. Assis au niveau des arbustes, des dealers la propose toute la journée entre 10 et 15 euros le gramme sous les yeux des clients attablés aux cafés. Son Piazza Verdi, Mohammed le voit comme suit : «Bien sûr qu’il y a le deal mais c’est avant tout un endroit vivant, pour se rencontrer, draguer et t’y amuser».

Surveillé. Inquiété ?

Son activité, illégale et invisible, a forcé la municipalité à prendre ses responsabilités. Depuis quelques années, des caméras ont fait leur apparition pour l'observer.

Sous le balcon du Théâtre Communal de Bologne, à l'angle de la rue Largo Respighi, se trouve la principale caméra qui surplombe la place. Voilà ce qu'elle montre grosso modo.

Pour Fabrizio*, 22 ans, étudiant en Sciences Politiques à l'université de Bologne, Mohammed n'a pas a être inquiété par ces caméras. 

«Les policiers restent dans les coins mais ne viennent jamais sur la place. Piazza Verdi est probablement la seule place de la ville avec autant de liberté» estime-t-il.

Cette politique sécuritaire - en forme de trompe-l’œil - ne dupe pas les habitants de la place. Otello Ciavatti, président de l’association des habitants de Piazza Verdi est « contrarié » par un tout nouveau phénomène. «Cela s’appelle ‘la ronda’. La ronda est organisée par des habitants de la Piazza Verdi qui effectuent des rondes chaque nuit. L’objectif est de tabasser les dealers.»

Mohammed, lui, n'a pas été agressé par 'la ronda’ mais par la police :

«Je descendais du bus pour aller rejoindre ma copine. Il y avaient deux policiers sur la rue. Ils sont venus directement me fouiller les poches en disant :

«Donne-nous le matos !»

« Ils m'ont pris par la gorge. Ils m'ont attrapé, en prétendant que c'était moi qui les avaient frappé. Ils m'ont maltraité, comme si je vendais de la drogue. J'allais simplement rejoindre ma copine. »

Assis sur les marches d'une rue adjacente à la Piazza, Mohammed l'assure :
il subit le racisme policier. Il n'a pas peur de le dire. À visage découvert.

Par Luc Oerthel et Théophile Larcher. Un grand merci à Taline Oundjian pour la traduction.

*Le prénom a été changé