J'ai 20 ans, je croix

Etre catho, c'est dépassé chez les étudiants. Pourtant certains jeunes continuent de pratiquer les croyances familiales. Témoignages.

" Je porte souvent ma croix mais je la cache. Une fois, j'étais à la bibliothèque, elle était au-dessus de mon pull, un étudiant s'est moqué de moi."
Simone, 23 ans,  a grandi à Bologne dans une famille catholique. Crédits photos : Maud Charlet
" Les jeunes de mon âge ne sont pas croyants. C'est très difficile de pratiquer aujourd'hui. Pour moi, le plus dur, c'est le blasphème. Il y a plein de jeunes qui le font, y compris mes amis. 
Moi, je ne supporte pas ça."
Damiano, 29 ans, "Bolonais pur sang" et futur instituteur. Il vient d'une famille catholique pratiquante.  Crédits photos : Maud Charlet

Simone et Damiano sont étudiants, des "Bolonais pur sang" catholiques et pratiquants depuis l'enfance. Ils font partie d'une minorité. En décembre 2017, le quotidien turinois La Stampa réalise une étude sur l'appartenance religieuse des Italiens : 60,1% d'entre eux se déclarent toujours catholiques. Le catholicisme reste donc majoritaire dans le pays mais il observe une baisse de 20% par rapport à 2000, un Italien sur trois se dit athée. Bologne n'est pas exemptée du phénomène. "Seuls 10 à 15% des Bolonais sont encore catholiques et pratiquants", affirme Isacco Turina, sociologue des religions à l'Université de Bologne.  

Ce déclin dans la capitale de l'Emilie-Romagne s'explique selon lui par le passé politique de la ville : "Après la Seconde guerre mondiale, l'Université de Bologne développe une identité de gauche qui devient et est encore actuellement un élément d'attraction pour les étudiants de toute l'Italie politiquement engagés à gauche." Simone confirme : "Bologne est une ville qui attire pour son dynamisme. Des étudiants de toute l'Italie et de l'étranger viennent ici pour étudier ou simplement faire leur échange. Dans ma promotion, il y a très peu de de vrais Bolonais."

 Francesca Raffini, 24 ans,  étudiante en quatrième année de médecine. Crédits photos : Maud Charlet

Pour Francesca, l'origine du problème est interne aux paroisses. L'étudiante catholique en médecine assure : "Certains de mes amis, par exemple, qui sont gays ou lesbiennes et qui ont grandi dans des vies paroissiales se sentent enfermés. Le problème en Italie, c'est que la majeure partie des gens arrête de s'interroger et commence à appliquer ce qui semble être une règle sans essayer de la mettre en perspective. Je le vois dans ma paroisse. Certains se ferment et se disent qu'ils ont la vérité mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne !" 

Face à cette baisse significative de croyants, que doit-faire l'Eglise ? Toucher aux principes tels que le mariage homosexuel ou l'abstinence ? Pas question pour Valentina. L'étudiante en deuxième année d'histoire est en couple. Comme elle,  son copain est pratiquant. Tous les deux sont d'accord, ils attendront le mariage s'ils veulent avoir des rapports sexuels. "Il y en a qui disent que ces choses-là sont dépassées, je fais comme je veux. Je ne vis pas ça comme une obligation mais comme un principe personnel."

Valentina, 20 ans, étudiante en deuxième année d'histoire et membre de la pastorale des jeunes du diocèse de Bologne. Crédits photos : Maud Charlet
Rossana, étudiante en mathématiques.. Crédits photos : Maud Charlet

Rossana s'accorde avec Valentina. Et puis, à propos de l'homosexualité, l'étudiante en mathématiques avoue : "Je n'ai rien contre, je consentirai à un mariage de même sexe mais je le distinguerai d'un mariage chrétien. Le mariage chrétien dans son essence est différent de celui à la mairie. Il est lié à la procréation naturelle, donc entre un homme et une femme", avant de préciser : "Il peut y avoir d'autres types d'unions en dehors de la religion et l'Eglise se doit d'être respectueuse mais ce n'est pas son rôle de les célébrer." 

Martina, étudiante en  deuxième année de langues, dîne chaque jeudi soir avec d'autres jeunes catholiques. Crédits photos : Maud Charlet

De son côté, Martina prend du recul sur la place des femmes dans l'Eglise :  "Je pense qu'il y a des choses que l'Eglise devrait changer. Par exemple, l'équilibre entre les hommes et les femmes. Je ne comprends pas que les femmes ne puissent pas être ordonnées prêtres."

Ces jeunes sont des convaincus. Mais si la grande institution qu'est Eglise veut continuer d'exister, elle doit aussi écouter la génération 2.0 qui la compose. A l'ère d'Internet et des réseaux sociaux, ils veulent aborder la sexualité ou la pornographie."Nous avons besoin de le faire! " asserte Simone. L'archevêque de Bologne depuis octobre 2015, Matteo Maria Zuppi l'a bien compris. "En avril, il a organisé une rencontre sur la piazza Verdi. Nous étions tous autour de lui, assis au café pour lui poser des questions sur la religion."  témoigne Rossana. La stratégie de la tolérance et de l'ouverture permettra-t-elle de ramener les brebis dans la bergerie? Difficile à dire. Mais parmi les non-pratiquants, il reste des étudiants qui croient encore et revendiquent une identité catholique ; ils ont simplement cessé de pousser la porte d'une église.

Par Maud Charlet

Avec la contribution de Manon Pélissier