La fresque sous menace terroriste

 Depuis 2000, deux tentatives d'attentats ont été déjoués contre la basilique San Petronio. En cause, la représentation de Mahomet en enfer.

La basilique de San Petronio est la plus grande église de la ville. Hormis son architecture, sa fresque du dernier jugement attire les touristes par milliers.  La raison ? Mahomet y est représenté nu, en enfer et la tête dévorée par un démon. L'Union des musulmans en Italie la considère blasphématoire. Elle provoque aussi la colère de mouvements terroristes islamistes. En 2014, un Marocain appartenant à daesh prépare un attentat contre la basilique.  Valerio Baroncini, rédacteur en chef du journal local Il Resto del Carlino, assure : "La police l'a arrêté juste avant qu'il ne le commette." Déjà en 2002, une figure importante d'Al-Qaeda arrêtée par le Royaume-Uni était suspectée d'avoir donné l'ordre aux cellules terroristes européennes de préparer un attentat contre la Basilique de San Petronio.  Ces tentatives d'attentats couplées aux attentats des années 2000 en Europe ont produit un renforcement des effectifs de sécurité. Depuis 2015, les militaires surveillent l'entrée de la basilique 24h/24.

Crédits photos : Michele Ursino

La controverse est due à la partie basse de la fresque, celle où l'enfer est représenté. Peinte par Giovanni da Modena au XVe siècle, Lucifer y figure au centre. Autour de lui, les sept péchés capitaux et Mahomet.  Ici, l'outrage est triple pour les islamistes radicaux qui réclament l'effacement du Prophète ou tout au moins de son nom. Giovanni da Modena s'est inspiré du chant XXVIII de Dante dans La Divine Comédie. Un poème qui évoque Mahomet comme "estropié".

Alors, faut-il effacer la présence de Mahomet ?  Parmi les Bolonais, les avis divergent.

Vincenze, sacristain
de la basilique de San Petronio.  

Crédits photos : Maud Charlet

Vicenze est originaire de Napoli. Il est arrivé à Bologne en 2013 pour travailler. Il s'occupe de l'entretien de l'église.  L'homme âgé de 43 ans passe tous les soirs devant l'oeuvre de Giovanni da Modena lorsqu'il nettoie les porte-cierges. Pour lui, la polémique ne tient pas: "Les gens qui sont contre le maintien de cette peinture doivent comprendre qu'elle a été imaginée dans une époque différente. Maintenant, elle est là, c'est tout. Elle fait partie du patrimoine."

Ilaria Angelico tient la billeterie de la chapelle des Rois mages. A un mètre de la fresque. 

Crédits photos : Maud Charlet

Depuis une semaine, Ilaria permet aux curieux d'observer la toile.  "Tous les Bolonais ne savent pas que cette fresque existe. Beaucoup de touristes par contre viennent me demander où elle se trouve. Ils posent souvent des questions à ce sujet." Ilaria avait conscience de la controverse avant de débuter son job d'été : "La menace est toujours présente. Je ne suis pas loin de cette chapelle... avoue-t-elle en riant nerveusement. Mais je n'ai pas peur, je me sens protégée en voyant les militaires tous les jours."



 Malgré les risques, pour Valerio Baroncini, rédacteur en chef du journal Il Resto del Carlino, les Bolonais ne sont pas inquiets : "La fresque est là depuis très longtemps, ça ne les dérange pas. Même l'association des musulmans de Bologne ne porte aucune revendication de retrait contre elle." Mais l'architecte bolonais Guido Cavina ne partage pas cet avis. Celui dont le cabinet s'est occupé des rénovations de la fresque dans les années 1970 préfère privilégier la sécurité des citoyens à la culture : "Il faut protéger les citoyens.Pour moi, effacer cette histoire-là n'est pas un problème. Le problème, c'est que les Bolonais refusent de le faire."

Quid des autorités locales ? Le chef de cabinet de la mairie, Enrico di Stasi, dédramatise la situation : "Il n'y a jamais eu d'attentats terroristes à Bologne. Les militaires devant la basilique ne sont pas uniquement présents pour la fresque. Ils surveillent la Piazza Maggiore, une des principales places de Bologne. Et nous avons augmenté les mesures de sécurité dans les villes." Il ajoute : "La mairie n'a pas la volonté d'effacer la fresque."

Si la mairie le décidait, elle ne le pourrait pas. La basilique de San Petronio appartient au Vatican et non à l'Etat. La sauvegarde de la fresque est une décision réservée à l'Eglise. La controverse continue.