Bologne, 
l'une des villes les plus gay-friendly d'Italie

Bologne est l'une des villes d'Italie les plus accueillantes pour les personnes LGBT. Une sorte de San Francisco à l'italienne. Comme une bulle à l'intérieur du pays, les personnes LGBT peuvent vivre leur sexualité sans crainte. 

En mai 2016, le Parlement italien autorise l'union civile pour les personnes de même sexe, l'équivalent du PACS français. Terre du catholicisme, l'Italie a été le dernier pays d'Europe de l'Ouest à accorder ce statut aux personnes homosexuelles. Quel regard ont les Bolonais de la religion concernant la question LGBT ? Considèrent-ils l'Eglise comme une entrave à l'avancée de leurs droits civiques ? 

Le centre LGBT de Bologne, Il Cassero, un des plus puissants du pays, nous a ouvert ses portes.

Le centre LGBT Il Cassero de Bologne est l'un des plus importants d'Italie. Crédits photo : Théotime Roux

Connue pour sa réputation communiste depuis les années 1970, Bologne s'est forgée une identité de ville « altermondialiste », comme le qualifie Isacco Turina, professeur de sociologie des religions à l'Université de Bologne. Ce n'est pas pour rien que Bologne est particulièrement prisée des étudiants, venus de toute l'Italie, mais aussi de l'étranger.

« Des personnes LGBT viennent de toute l'Italie pour vivre à Bologne. »

Sara De Giovanni, libraire au centre LGBT Il Cassero de Bologne, a l'habitude de parler discriminations avec les personnes LGBT.

« Je vis à Bologne depuis 1990. Je ne trouve pas que ce soit dur d'être LGBT à Bologne, c'est une des meilleures villes pour vivre en Italie.

Il y a une très longue tradition d’accueil des personnes gay ici depuis la fin des années 60, quand les mouvements étudiants ont fait évoluer les mentalités. Mais Bologne n’est pas complètement dépourvue d’homophobie et de transphobie.

Pour moi, vivre mon homosexualité n'a jamais été un problème à Bologne. Mais Bologne est une ville particulière. A Rome, c’est plus compliqué car il y a beaucoup de groupes fascistes, homophobes ou transphobes, qui attaquent les personnes LGBT.»


« Quand je cherchais un logement, et que le propriétaire a compris que j'étais gay, il a refusé de me vendre sa maison. »

Federico Sassoli, 35 ans, travaille pour Arcigay, une association nationale pour les personnes LGBT, qui collabore avec le centre Il Cassero de Bologne. Originaire d'un petit village de Toscane, il a décidé de s'installer à Bologne pour vivre sereinement son homosexualité : « Quand mes parents ont découvert que j'étais gay, ça leur a posé problème à cause de la religion, car la religion dit qu'être gay c'est mal, que ce n'est pas naturel et qu'on devrait brûler en enfer. La culture de ce pays est très liée à la religion, surtout dans le Sud de l’Italie. Plus tu vas au Sud, et plus ils sont religieux. Je suis venu à Bologne parce que mon copain étudiait ici et qu'il y a une importante communauté LGBT ici.

Pour lui, être homosexuel et catholique sont deux choses incompatibles.

Pour m'accepter comme je suis et faire mon coming-out, j'ai traversé un long chemin. Quand cela a été fait, j’ai rejeté la religion. Ce n’était pas possible pour moi d’être gay et catholique. J’ai dû faire un choix. »

« Elle se fiche de savoir si l'Eglise la rejette. Elle, elle croit en Dieu. Peu importe ce que pense l’Eglise de son orientation sexuelle. »

D'autres arrivent à s'émanciper de la religion catholique, comme Mélody Ivaldi, 33 ans, institutrice à Bologne. Greta, sa petite-amie étudiante aux Beaux-Arts, parle pour elle, qui ne parle pas anglais :

« Mélody est catholique mais elle ne va pas à l'Eglise. Elle fait une différence entre être croyante et pratiquante. Elle dit que c'est l'Eglise le problème, pas les homosexuels. C'est elle qui est fermée d’esprit. Elle se fiche de savoir si l’Eglise la rejette. Elle, elle croit en Dieu. Et peu importe ce que pense l’Eglise de son orientation sexuelle. »

Pour Sara De Giovanni, la libraire du centre, définir l'Italie par la religion catholique relève du stéréotype. Selon elle, le problème ne vient pas de la religion, mais des hommes politiques.

« On a l'habitude d'entendre : "Vous n’avez pas de droits parce que vous avez le Pape". Mais le principal problème, ce sont les politiques, pas le Pape. Si vous êtes un homme politique, vous n’avez pas besoin de l’Eglise, du Pape ou du Vatican pour décider de ce que vous voulez pour votre pays. »

« Longtemps, les hommes politiques ont été dépendants de ce que le Pape disait à propos de l’homosexualité. Ils n’ont absolument rien fait pour les droits civiques des personnes LGBT. Je pense que c'est important que le nouveau Pape soit plus ouvert.

C’est drôle parce qu’en Italie, si vous parlez avec des personnes LGBT, c’est difficile de trouver quelqu’un qui dira ouvertement qu'il va à l’église, qu'il prie, qu'il a la foi. Pour beaucoup d'Italiens, ce n’est pas une obligation d’être religieux, mais c'est comme un masque, une façade qu'ils se donnent. »

La religion, simple façade dans la culture italienne ? L'homosexualité demeure néanmoins un sujet polémique en Italie, surtout chez les catholiques. Le débat autour de l'union civile homosexuelle a causé autant de tensions et de cristallisations qu'en France, lors du mariage pour tous en 2013. 

Deux ans après la création de cette union civile, les mentalités ne semblent pas avoir changé parmi la frange la plus traditionnelle de l'Eglise. Alors que la paroisse de la petite ville de Reggio Emilia, près de Bologne, met à l'honneur une journée, le 20 mai 2018, qui prône la tolérance envers les personnes LGBT, certains n'ont eu comme réaction que d'organiser une prière dite... de réparation. 

Des veillées de prière anti-gay organisées par de jeunes catholiques pour ré-affirmer que « la chasteté est le seul salut pour les homosexuels. » Un argumentaire qui décrédibilise l'Eglise, au détriment des initiatives progressistes. 

Par Manon Pélissier