CannaBologna #1

Plante verte en zone grise

Depuis le 16 mai 2017, à Bologne il est désormais légal de vendre du cannabis à faible teneur en THC. Ce tout nouveau commerce n'attire pas que les magasins spécialisés. Les bureaux de tabacs en vendent aussi, en jouant d’une législation « pas claire » sur la question.

« Regarde. Lui, lui, lui. Ce sont tous des gérants de tabac qui me contactent après cette histoire ». L'air blasé derrière son comptoir, Nicholas Rivola, 27 ans, montre encore une fois les conversions Messenger qui ne cessent de s'accumuler sur son portable depuis ce 10 mai dernier.

Son histoire a fait la « Une » des principaux journaux de Bologne. Après un contrôle de routine, Nicholas Rivola s’est vu recevoir une amende de 258 euros, pour vente de « substitut au tabac ». Il est le premier en Italie. L'intéressé s’est défendu dans les colonnes du Corriere Di Bologna, en précisant que le produit n’est pas un substitut mais une «infusion pour tisane au cannabis».

Lui ne regrette rien. Il a simplement «de plus grosses couilles que les autres».
Il ne paiera pas l’amende. 
«J’ai déjà pris un avocat  car si je paye, je donne raison au monopole de l’État » lâche-t-il.

À Bologne - comme à Parme et à Turin précédemment - il est autorisé depuis le 16 mai 2017 de vendre du cannabis « light ». Ce cannabis n’a aucun effet psychotique. Il a des vertus relaxantes et fait l’effet d’un sédatif. Il est particulièrement utilisé dans la région de l’Emilia-Romagna et comporte un taux de THC inférieur à 0,6 %, soit la limite légale. 


Dans la ville d’Umberto Eco, on ne compte plus les magasins spécialisées dans cette vente. Ils s’appellent «Cannabis Store Amsterdam», «Jamaica Store» ou encore «Weedup». Ils vendent du cannabis et toutes sortes de dérivés, des pâtes jusqu’à l’huile d’olive.

«On m'a dit que je pouvais la vendre» 

Les gérants de tabacs sont de plus en plus nombreux à s'engouffrer sur ce marché. Le cadre législatif n'est «pas clair» et n’interdirait pas formellement aux tabacs de la vendre, d’où la charge de Nicholas Rivola. Stephano, gérant d’un tabac sur la Strada Maggiore, pense que l’on peut en vendre. «Il faut attendre que cela s’éclaircisse. Si j’avais le choix d’en vendre, j’y réfléchirais. Mais si c’est un bon business, bien sûr que j’en vendrais.» La plante verte nage en pleine zone grise.

Plus étrange encore, certains cafés en vendent aussi si le client en demande. Barbe de trois jours légèrement grise, à l'image de ses cheveux, Laurent Bourdin, 50 ans, prend un expresso, attablé à la terrasse du café Bam-Bam, qu’il gère Via Zamboni. 

«Je la vends à 15 euros le gramme. Cela fait 3 semaines que je fais ça par curiosité, pour voir. Diel-RRL, mon fournisseur, m’a dit que je pouvais la vendre». Laurent Bourdin était d’abord français, avant de devenir italien. Ou alors, est-ce l’inverse ? L’histoire n’est pas claire, elle non plus.

«En 1998, le Red Bull était interdit à la vente en Italie. Je connaissais l'importateur qui avait des magasins à Gènes. Toutes ses boissons étaient bloquées dans les entrepôts. Le cannabis, c’est un peu la même histoire.»

«C'est un peu plus compliqué que des cigarettes...»

Du côté des commerçants spécialisés, on fait évidemment grise mine et la concurrence des tabacs est vue d’un mauvais œil. Pour Raphaël Ferrino, 28 ans et employé du Cannabis Store Amsterdam de la Via Dell’Indipedenza, les buralistes ne font tout simplement pas le même métier.

Par Luc Oerthel et Théophile Larcher