Amazon monte en selle

#JDA 853

QUATORZE JOURS APRÈS LE DÉBUT DE SON ACTIVITÉ, AMAZON AMIENS-BOVES OUVRE SES PORTES AU JDA. UN TOUR DU PROPRIÉTAIRE AVEC LE DIRECTEUR DU SITE, OLIVIER PELLEGRINI. ENTRE LOGISTIQUE POINTUE ET CULTURE D'ENTREPRISE.

Mercredi 11 octobre, 16 heures. On pénètre sans problème au cœur du parking de 800 places, accessible grâce aux aménagements routiers menés par les collectivités locales. On est bien loin du dispositif de sécurité mis en place lors de la visite d'Emmanuel Macron pour l’inauguration officielle du site le 3 octobre. Une fois dans le hall du vaste bâtiment aux dégradés de gris surlignés de jaune, signature d’Amazon, passer par les portes battantes sécurisées est superflu pour les invités, qui peuvent garder leurs clefs ou leurs portables. Les employés, eux, disposent de vestiaires, à gauche de l’entrée, juste avant le réfectoire. Une pièce d’identité est scrutée, puis conservée le temps de la visite guidée. Ça sent le neuf, les derniers tours de vis, les cartons qu’on déballe.

BIENVENUE À BVA1

La visite durera deux heures, en compagnie d’Olivier Pellegrini, directeur de BVA1, nom de code d’Amazon Amiens-Boves, et de Claire Olivieri Ringot, chargée des relations publiques et venue de Clichy pour l’occasion. Les emplois induits par l’ouverture du site ? On pense évidemment aux transporteurs, mais il y a aussi « le nettoiement, la restauration, la sécurité, l’approvisionnement en cartons et même le taxi qui ramenera Claire à la gare », répond mi-sourire le general manager, le GM, comme l'indique un panneau au-dessus de son bureau, sobre, à l’identique des rares autres bureaux que compte Amazon. Car le site fonctionne surtout en open space : la plupart des tables avec ordinateurs se trouvent au sein même des entrepôts, sans cloisons.

LES GRANDS ESPACES

Dans ce lieu de transit, il n’y a pas que les produits qui bougent : les hommes et femmes aussi, toujours en contact les uns avec les autres. Olivier Pellegrini mène la marche, sans éluder les questions. L’heure n’est plus au secret. Si tous les participants aux négociations ont respecté une absolue discrétion avant l’annonce officielle de l’arrivée du géant américain à Amiens, le directeur général peut aujourd’hui discuter avec confiance, sans rechigner aux pas de côté. Le site, « quatorze jours sans incidents » peut-on lire sur un panneau (soit depuis le début de son activité), compte déjà environ 150 salariés. Chasuble, chaussures de sécurité, couvre-chef protecteur : « La sécurité est la première des valeurs que nous inculquons à nos collaborateurs, la première étape de formation », assure Olivier Pellegrini. Les "associés" (actionnaires) ou amazoniens peuvent par ailleurs s’exprimer via divers canaux pour remonter leurs desiderata ou leurs idées. Exemples : « À quand une journée portes ou- vertes pour nos familles ? Peut-on avoir une pendule ? ». Le tout de façon anonyme.

TRAVAIL ORGANISÉ

Au moment des pauses, les amazoniens circulent en groupe dans les allées délimitées par des couleurs. Il y a les équipes de réception et d’expédition. Celles du matin et de l’après-midi. L’équipe de réception du matin débute à 5h40 et finit à 12h50, avec trente minutes de pause. L’après-midi, c’est 13h20-20h30. Les équipes d’expédition commencent et terminent un quart d’heure plus tard. Tout cela cinq jours sur sept, en alternance : une semaine du matin, la sui- vante d’après-midi. 

« Mon job, c'est que tout se passe bien, que les gens se sentent bien. Alors être hautain ? Ah non ! » Olivier Pellegrini, directeur général du site

Le mois prochain débutera le travail du week-end, par d’autres équipes, en journée de douze heures. Car le pic de fin d'année approche... Justement : quelle va en être l’incidence sur les effectifs ? « L’année dernière, cela représentait 6 500 intérimaires sur les quatre autres sites français », résume Claire Olivieri Ringot. À Amiens-Boves, où Amazon a annoncé 500 CDI en trois ans, on pourrait avancer le nombre de 300... « Mais nous n’avons pour l’instant aucune visibilité », freine, prudent, Olivier Pellegrini. La moitié des premiers embauchés, via des partenaires comme le service emploi d’Amiens Métropole, Pôle Emploi ou la Mission locale, sont allés se former à Douai. Il s'agit de la "reverse away team" (l’équipe à l’extérieur inversée), en référence à la “away team”, composée de ceux qui, venus d’Orléans, de Chalon-sur- Saône ou d’un autre des sites français, donnent au début « un coup de main aux copains » d’Amiens. Actuellement, ils sont une quarantaine sur place, dont le responsable qualité qui a découvert son visage sur la campagne de communication d’Amiens Métropole dans le métro parisien : « Depuis, tout le monde me dit : “Ça va faire un carton !” » s’amuse-t-il.

DE NOMBREUX MÉTIERS

Car il y a beaucoup de choses à apprendre, ici.« Informatique, maintenance, finances, ressources humaines, qualité, achats... Nous avons environ une douzaine de corps de métier », indique Olivier Pellegrini. Les prochains embauchés, eux, se formeront sur place, « auprès de référents », d’abord en intérim puis en CDI si le courant passe. « Il faut compter une dizaine de jours entre l’arrivée d’un collaborateur et son autonomie », résume Perrine, une des chargés de formations. Par ailleurs, Amazon finance tous types de formations « à hauteur de 95 % et jusqu’à 8 000 € sur quatre ans », précise Claire Olivieri Ringot. Le site est encore relativement calme. Pour le stockage, les grands racks d'environ sept mètres de haut, de tailles différentes pour s’adapter aux volumes des articles (tous assez gros, spécificité du site), sont divisés dans dix cellules de 6 000 mètres carrés. Toutes ne sont donc pas en fonction. « Il faut environ trois ans pour qu’un site arrive à maturité », explique Olivier Pellegrini. D’où cet horizon pour les 500 emplois.

AMAZON STORIES

En attendant, l’ambiance est bonne. Le tutoiement est fréquent, même avec le directeur, et les "shakes" de salut (un poing fermé en touche un autre) quasi systématiques. Une façon d’être “à la coule”, à l’américaine ? Pas vraiment, décrypte le directeur : « C’est venu d’une épidémie de grippe à Lille-Douai. Pour éviter la contagion, on a pris cette habitude. Et c’est arrivé ici ». Et la chanson entonnée lors de la visite présidentielle par les amazoniens ? « Non, ce n’est pas l’hymne d’Amazon ! C’est juste qu’une fois, un manager arrivé en retard à une réunion a eu pour gage de chanter une chanson. Le lendemain, il a improvisé. Cela a amusé tout le monde et fait tache d’huile. Je ne connais même pas les paroles. » Tout cela vient donc de France, pas des États-Unis. Comme quoi, même si 80 % de la signalétique de “BVA one”, est rédigée en anglais, Amazon sait aussi raconter des histoires en français. Et bientôt en picard ?

Pour postuler : travailleravecamazon.fr ou amazon.jobs

UN TERRAIN BIEN PRÉPARÉ

Alors que les négociations entamées en décembre 2015 se déroulaient avec le groupe Goodman, propriétaire du site de 27 hectares dans la Zac du pôle Jules-Verne racheté à la chambre de commerce et d'industrie, le nom d’Amazon n’était pas encore sorti, et la venue d’un grand logisticien restait incertaine. Afin de mettre toutes les chances de leurs côtés, les négociateurs, au premier rang desquels Amiens Métropole, ont préparé le terrain, c’est-à-dire assuré un accès vers ce futur site devant accueillir un entrepôt de 107 000 mètres carrés. 

C’est ainsi qu’un giratoire et un nouvel accès ont vu le jour au croisement de la RD934 et de la D167. « Aidés par la Région, le Département et la commune de Boves, nous avons décidé d’investir deux millions d’euros, se souvient Alain Gest, président d’Amiens Métropole. Quand la nouvelle de la venue d’Amazon est tombée en octobre 2016, nous avons su que notre décision avait été la bonne"


//Jean-Christophe Fouquet