À Lune autre pareille

#JDA 838

Petite, magique, mythique et toujours en orbite. La salle de concert du 17, quai Bélu fête ses 30 ans avec cinq jours de concerts ponctués par un grand rendez-vous gratuit au parc saint-pierre le 20 mai.

Vous en connaissez beaucoup des salles où les artistes doivent périlleusement enjamber les spectateurs dans les escaliers puis traverser la fosse pour monter sur scène ? Et prendre les mêmes risques en sens inverse pour générer un rappel ? Non, ils ne sont pas nombreux les lieux où on poursuit le concert en clopant ou en trinquant avec les mecs que l'on est venu applaudir. À Amiens, la cathédrale a sept siècles et demi. La Lune des pirates, en contre- bas, la trentaine tout juste. Mais en trois décennies, la salle est elle aussi devenue un symbole de la ville à part entière. Les années ont défilé, le monde aussi : Noir Désir, Dominique A, M, Katerine, Compay Segundo... Et combien de groupes en devenir, de groupes alternatifs ? Avec ce public fidèle, celui des habitués ou des occasionnels : 11 000 spectateurs par an en moyenne. À l’origine, les Pirates étaient plutôt des Indiens. Fin des années 1970 : Les Indiens Picards réunissent des artistes du spectacle vivant. On y retrouve les futurs Zic Zazou, le plasticien Dominique Grain... Le collectif organise des concerts, des soirées. « L’idée première était de réveiller le pays picard. On avait acheté une sono en commun. Et peu à peu, l’envie d’avoir un lieu s’est imposée », raconte Jean-François Paux, directeur artistique (et derrière le bar, aussi) de La Lune, de sa naissance en 1987 à 1993. Les modèles de café musical s’appellent L’Ubu à Rennes ou Le Confort moderne à Poitiers. « On voulait un endroit pour la scène locale, plutôt pour la chanson et le jazz, très présents à Amiens. Mais rapidement, on a été sollicités par la scène indépendante – les Garçons Bouchers, Pigalle...,– la scène parisienne, des groupes anglais, la musique du monde. Nous n’aurions jamais imaginé que ce tout petit lieu voie passer des groupes internationaux.» 

DES MISSIONS ÉLARGIES

« La Lune est identifiée nationalement. C'est une petite salle (250 places, ndlr) mais avec un caractère, une âme. » Antoine Grillon est son directeur et son programmateur depuis 2014 : « Nous avons beaucoup de public, beaucoup de demandes. La programmation ne doit pas être consensuelle. Et surtout ne pas être un copier-coller d'une autre salle de musique actuelle ». La Lune en 2017, ce sont 61 concerts, une trentaine de bénévoles et sept salariés. L’un d’entre eux est spécifiquement occupé aux actions culturelles. Il s’agit d’ateliers menés auprès des écoles, des collèges, des ly- cées aux quatre coins de la Picardie, et même de la maison d’arrêt. On ajoutera à la palette lunaire les expo- concerts (un dimanche par trimestre), les Bruits de Lune, cette émission de radio mensuelle diffusée sur Radio Campus et Radio Graf’hit ou encore, depuis peu, des goûters- concerts destinés aux jeunes oreilles. Sans oublier l’accompagnement des artistes locaux. C’est l’une des missions qui fi- gure dans le cahier des charges des Salles de musiques ac- tuelles (Smac) labellisées par le ministère de la Culture de- puis 1998. « Nous n’avons pas de studio mais nous accueillons des groupes pour travailler la scène quarante-quatre jours par an », indique Antoine Grillon.

UNE ÂME DE PIRATE

« C’est toujours un lieu de découvertes: l’esprit est sauvegardé », apprécie Jean-François Paux. Un esprit dont Catherine Lepot, présidente depuis quinze ans, est un peu la garante. Parmi ses meilleurs souvenirs, elle cite la venue du rocker chinois Cui Jian, symbole de la place Tian’anmen, en 1989, où ses chansons sont devenues les slogans des étudiants. « Il n’avait que deux dates en France : Paris et Amiens. On a vu débarquer tous ses compatriotes, c’était dingue ». Trente ans après, La Lune se porte bien. « C’est une rude bataille, reconnaît Catherine Lepot. Mais on a une âme de pirates. » Des pirates bien amarrés au quai Bélu.

Pourquoi La Lune des pirates ?

La Lune des pirates tient son nom d'une chanson de Paul Boissard, chanteur- compositeur-interprète amiénois. Décédé en 1983, il était membre des indiens Picards, l’association à l’origine de la salle de concert. « C’est venu très vite, se souvient Jean-François Paux, un autre "indien". Ça collait bien à l’esprit subversif du lieu. »

[...] Si tes courses sont maladroites, 

Et t’emmènent où tu n’as pas l’droit, 

Elle t’emboîtera le pas,

La Lune des pirates, Elle connaît les détroits qui sont pas sur la carte [...]

Une ancienne mûrisserie à bananes



EN CHIFFRES

30 ans

250 places

7 salariés

30 bénévoles

61 concerts cette année

11 000 spectateurs en moyenne par an

LUDO LELEU, OBJECTIF LUNE

Un Polaroid. L'histoire fait cliché mais c’est bien le jour où le petit Ludo a reçu son "pola" qu’il a décidé de devenir photographe. Ses bagouses et ses cheveux hirsutes ne traduisent pas une première passion pour les images de sport. « Mais j’ai ripé quand j’ai commencé à aller aux concerts et que je me suis rendu compte que j’aimais ça... » Depuis 1999, l’objectif de Ludo Leleu capture tous les concerts de La Lune des pirates. « Et ça fait un paquet. » L'homme poursuit son plaisir avec les portraits. « Je vais rencontrer les artistes pendant les balances avant le concert. Je demande à faire le portrait après. Le risque, c’est de les récupérer bourrés... » Parmi les plus beaux moments : Miossec, Michel Cloup, Bertrand Belin... « Je vais vite, j’arrive avec une idée. J’essaie de créer une lumière et de les mettre en condition pour qu’ils me donnent quelque chose. » 

Son meilleur souvenir lunaire ? « Le groupe de rock Thee Oh Sees en 2011. Ce jour-là, j’ai pris une telle claque que je n’ai pas fait de belles photos. »

Molly's, enfants de La Lune

Cinq ans après, les revoilà. Les rockers des Molly's remontent sur scène à l’occasion des 30 ans de La Lune des pirates. Les Molly’s, ce sont quatre Amiénois, fans de Sonic Youth et symboles d’un rock indépendant plutôt fertile au milieu des années 2000 à Amiens. Benoît Dupont, Antoine Breny, Anderson Jinkins et Hadrien Jeanne ont commencé à La Lune des pirates par des petites premières parties avant de devenir la tête d’affiche. Ils affichèrent complet en 2011 après la sortie de leur album Sighs of the Night enregistré en Angleterre avec Mark Gardener, chanteur de Ride avec qui ils furent en résidence à La Lune. « La Lune, c’est LA salle quand tu fais du rock indé, expose Anderson le bassiste. Même pour des groupes parisiens, La Lune fait souvent partie des dates préférées d’une tournée. C’est une salle à part qui marque les esprits... » Le retour des Molly’s ne pouvait donc avoir lieu ailleurs. Un one shot ? « On verra, répond Anderson. Mais on a refait deux nouveaux morceaux. Pourquoi pas un album... » En tout cas, cinq ans après, leur concert du 19 mai est complet. 

NEW WAVE SUR LE PARC SAINT-PIERRE

Peter Hook

Au JDA, le rédac' chef n’en revient toujours pas. Peter Hook (photo) est à Amiens le 20 mai. Le bassiste de Joy Division puis de New Order, figure de la cold wave sur laquelle notre patron continue de se déhancher, est la tête d’affiche du concert offert au parc Saint-Pierre pour les 30 ans de La Lune des pirates. À 61 ans, cette grande gueule (Peter Hook, pas le rédac’ chef ) débarque avec son groupe (The Light), son fils (Jack) et ses tubissimes Love Will Tear Us Apart (Joy Division) et Blue Monday (New Order), l’un des plus gros cartons de l’histoire du disque, gage d’une soirée dancefloor réussie. Dans le cadre inédit du parc Saint-Pierre, on appréciera aussi la folk du régional de l’étape Louis Aguilar accompagné des élèves du Conservatoire, l’électro de French 79 ou celle de Jabberwocky, les auteurs frenchies du très remarqué titre Photomaton passé en boucle sur Radio Nova. Alors le 20 mai, vous serez là ? Notre rédac’ chef à coup sûr. 

LE PROGRAMME DES 30 ANS de la lune des pirates

15 MAI SHANNON WRIGHT - RICHARD ALLEN


16 MAI ALBIN DE LA SIMONE


17 MAI SANDRA NKAKÉ - TOMAS SIDIBÉ


18 MAI SUUNS - THE NAME - VADIM VERNAY


19 MAI BURNING HEADS - MOLLY'S - PIERROT MARGERIN 


 20 MAI (PARC SAINT-PIERRE, GRATUIT) LOUIS AGUILAR - PETER HOOK AND THE LIGHT ) JABBERWOCKY - FRENCH 79

//Antoine Caux