"En tant que migrant.e.s, nous sommes les gestionnaires permanent.e.s de la question migratoire"  

Amadou Bocar Sam, président de CASC, reçoit la médaille d'or du mérite civique


En novembre 2017, la ville de Barcelone (Espagne) a décerné la médaille d'or du mérite civique à M. Amadou Bocar Sam, président de la Coordination des associations sénégalaises de la Catalogne (CASC), membre de ADEPT, en reconnaissance de sa engagement pour le respect, la promotion et la protection des droits humains des migrant.e.s.

Nous l'avons rencontré pour discuter du rôle et de l'engagement des organisations de la diaspora africaine pour le développement de son pays d'origine et la promotion d'une coexistence pacifique et respectueuse entre les communautés diverses et multiculturelles.

1. Parlez-nous de votre parcours personnel et de ce qui vous a mené en Espagne.

Mon parcours de migrant a commencé au début des années 1990, lorsque je me suis retrouvé en France pour y poursuivre mon cursus universitaire. Etant titulaire d'un visa inadéquat, je me suis rapidement retrouvé confronté aux réalités et pressions relatives à la question du permis de séjour et de sans-papiers.

En 1992, alors que je cherchais une solution à ma situation, l’Espagne annonce le lancement d’une campagne de régularisation massive. C’est ce qui a entraîné mon départ pour Barcelone.

Une fois sur place, mon parcours d’intégration a débuté. J’ai appris la langue et me suis adapté aux réalités de cet environnement qui est vite devenu le mien.

Par conséquent, je me suis spécialisé dans le domaine du développement et de la migration. En 2006, suite à l’arrivée massive de migrant.e.s issu.e.s de l’Afrique subsaharienne, j’ai décidé de me spécialiser dans l’accompagnement et le soutien de ces personnes.

Aujourd’hui, je continue à travailler sur ces questions et contribue activement au développement des capacités des sénégalais.e.s vivant en Catalogne.

2. Comment est-ce que la CASC est née ? Quels sont ses objectifs ? Quelles sont ses actions phares et comment aident-elles les diasporas au quotidien ?

La CASC est née de l’idée de créer un espace participatif, mettant en relation les sénégalais.e.s migrant.e.s et les autochtones afin de favoriser le vivre ensemble entre ces deux communautés. A travers la création de notre organisation, nous voulions contribuer à la recherche des solutions plus adaptées aux nouvelles réalités d’une migration de plus en plus grandissante et diverse en Espagne.

La CASC est devenue un acteur de référence centralisant les informations relatives aux organisations africaines et à la question migratoire à destination des organisations de la société civile désirant en savoir plus.
Nous servons de pont entre la Catalogne et les sénégalais.e.s vivant ici et au Sénégal.

Depuis 2004, nous avons organisé de nombreuses activités sur divers sujets inhérents à la migration. Ces évènements sont une occasion de rassembler les acteurs/trices des organisations de migrant.e.s et les représentant.e.s de la société civile espagnole et internationale.

Nous discutons de l’implication de la diaspora en tant qu’experte de la question migratoire.

En parallèle, nous organisons aussi des évènements visant à répondre aux enjeux locaux au niveau des quartiers et des communautés. Ceux-ci reprennent, par exemple, le soutien à l’intégration, l’accès aux soins de santé et à l’éducation.

Les organisations de migrant.e.s ont le devoir d’information, mais aussi de formation vis-à-vis de toute personne s’intéressant aux questions de la migration.

Elles constituent aussi un point d’information visant à aider et faciliter l’intégration des migrant.e.s, ainsi que l’accès aux soins de santé, etc…


3. De quoi ont aujourd'hui besoin les organisations des diasporas pour maximiser l’impact de leurs interventions de développement en Afrique ? En Europe ?

Le premier besoin qu’ont les organisations de la diaspora est le soutien dans le développement de leurs capacités.

En effet, le développement des capacités est nécessaire à l’évolution et à la stabilité des organisations. Le manque d’expertise est souvent ce qui disqualifie ces organisations des appels de fonds.

Après le renforcement des capacités vient le financement. Par manque de financement, les organisations font appel à des bénévoles souvent en manque de différentes compétences en gestion nécessaires pour assurer la pérennité de la structure. Une formation à la gestion par exemple, peut rendre les organisations de la diaspora plus fortes et surtout, plus crédibles.

4. M. le Président, vous avez reçu la médaille d’or de la ville de Barcelone. Dites-nous ce qu’elle signifie pour vous ?

Cette médaille est la reconnaissance d’un travail collectif. Si la diaspora sénégalaise ne s’était pas mise ensemble, je n’aurais jamais reçu cette reconnaissance.

C’est une médaille collective qui met en valeur toute une communauté impliquée dans une dynamique d’intégration, d’acceptation mutuelle et de cohabitation paisible entre les différentes communautés vivant en Espagne.

En tant que migrant.e.s, nous sommes les gestionnaires permanent.e.s de la question migratoire.

Nous nous battons pour parvenir à une dynamique de coexistence positive entre les communautés, fondées sur les valeurs à la base même des droits humains et ce, afin que la diversité ne soit pas perçue comme un obstacle, mais comme un atout de la société.

Ce mérite n’est pas le mien, mais celui d'une communauté entière. Je suis rien sans la communauté, mais la communauté peut vivre sans moi : "UBUNTU" (J’existe parce que nous existons").

"Ce mérite n'est pas le mien, mais celui d'une communauté entière. Je suis rien sans la communauté, mais la communauté peut vivre sans moi : Ubuntu (J'existe parce que nous existons)"