SURFISTA
La shapeuse landaise

"Voyager à la rencontre de shapeurs internationaux
m'a permis de me former"



Marion Albo a 25 ans, elle est l'une des rares shapeuses en Europe et la seule dans les Landes. Originaire de Perpignan, elle pose ses bagages sur la côte il y 4 ans. DHD, The Glass Lab, DEUS Ex Machina, Euroglass, la jeune femme s'est formée en Australie, en Indonésie et en France pour devenir shapeuse.

©Romane Le Nagard

Au départ, il a fallut s'intégrer dans le monde du shape, un milieu masculin comme elle l'explique :

" Pour s'imposer dans ce monde principalement masculin, il faut être passionnée, croire en soi et ne pas s'arrêter aux critiques et bâtons dans les roues. Certains ne me pensaient pas capable de shaper parce que c'est un métier assez physique, surtout le ponçage. Et puis d'un autre côté je crois qu'il y avait un peu de jalousie, de voir que finalement j'y arrivais, de voir finalement que j'avais des commandes et que ça commençait à marcher pour moi…"

Marion n'aurait jamais pensé devenir shapeuse. Après son bac elle entreprend une Licence de Design et termine avec un Master de Design d'espace et d'architecture d'intérieur. Mais passer ses journées à l'agence à tracer des lignes ne la rend pas heureuse, alors que l'impatience d'aller surfer sur la côte la gagne. Elle profite de son stage de fin d'études pour retourner à Hossegor et fait tout pour décrocher un stage en design graphique et textile dans le milieu du surf. Apres avoir démarché toutes les grosses boites du coin, elle passe chez Euroglass et présente son projet de fin d'études : réaliser une planche. Ce qui aurait dû être un stage de Design a finalement été de la « factory » plus que du design, et elle shape une première planche en epoxy : un shortboard thruster 6'0. Elle acquiert chez Euroglass tout le processus de fabrication d’une planche et se prend au jeu définitivement. Marion shape alors une deuxième planche : un single, toujours chez Euroglass avec Phil Grace, puis une troisième dans la foulée : un malibu.

À la suite de ce stage, Marion rencontre d'autres shapeurs du coin et occupe une petite place dans l'atelier d’Antoine « Dust Barn » à Capbreton : "J’ai commencé à avoir mes premières commandes, principalement pour des amis qui m'ont encouragée dans cette voie. Je faisais une à deux planches par mois et à côté je bossais dans un petit bar pour me faire des sous ".

" Je veux développer quelque chose de féminin
dans mes planches, à travers la déco, les courbes généreuses, la résine teintée..."

Aujourd'hui Marion est installée dans un atelier à Soustons qu'elle partage avec deux autres shapeurs : Mao Surfboards et Reimann Surfboards. Elle y développe sa marque "Surfista Surfboards" et peaufine son identité : " Je veux développer quelque chose de féminin dans mes planches, à travers la déco, les courbes généreuses, la résine teintée, les incrustations de tissus imprimés... Je cherche à viser un public plutôt féminin. Je trouve que pendant des années les femmes ont été un peu désavantagées de ce côté, il n'y a eu pendant longtemps que des combinaisons noires et des planches de surf blanches... Mais la mode féminine dans le surf se démocratise de plus en plus".

Marion adapte ses décos aux tendances. Elle a fait beaucoup de bleu, bleu canard, turquoise, bleu ciel... Cette année, elle utilise davantage le jaune soleil, le jaune goldy, l'orange et le moutarde… "Je ne fais jamais de planches blanches, sauf pour des petits budgets exceptionnellement. Sinon je mise sur une jolie déco, j'adore le shape et le glass, mais le ponçage est moins une partie de plaisir, la ponceuse est très lourde et ça me fatigue vite… Et puis j’ai assez de biceps comme ça! "

Depuis 2 ans, Marion passe ses hivers en Australie à la rencontre de différents shapeurs tels que Bob McTavish, Thomas Bexon, et se perfectionne techniquement. Durant la première année, elle se fait la main quelques mois à The Glass Lab à Tweed Heads juste côté de Snapper Rock, où elle fait beaucoup de ponçage. L'année suivante elle retourne en Australie pour travailler de nouveau avec The Glass Lab, mais finira à Burleigh Heads où le boss de DHD lui propose de travailler au glassage avec beaucoup de glass tint au programme. La même saison, marion fait aussi du ponçage et des réparations chez Docteur Ding à Byron Bay.

"Chacun a ses spécificités, ses techniques et sa vision du shape. C'est important de se former et d'avoir sa propre approche. C’est pour ça que je suis partie apprendre un peu partout, en voyageant je me suis forgé mes propres savoir-faire et ma propre opinion sur la manière de réaliser chaque étape".


Entre deux voyages en terre australienne, la jeune shapeuse est aussi passée par la case Bali - Canggu, où elle rencontre le glasseur de DEUS Ex Machina qui l'invite à shaper à l'atelier. Elle y shapera un malibu 7,0. pour un ami.

"Au final, être une fille dans ce monde m'a peut-être demandé de redoubler d'efforts. Finalement j'ai eu la chance de rencontrer des shapeurs très expérimentés.

Bien sûr j'ai reçu de bons conseils, mais le shape reste quelques chose d'assez secret et personnel, chacun le développe à sa façon, il faut trouver sa touche
".

Pour évoluer continuellement, Marion demande systématiquement un retour très précis à ceux qui surfent ses planches :" J'essaye de les titiller un peu, poser des questions sur la flottabilité, les manoeuvres, s'ils ont du mal à s'y faire ou si la prise en main est facile... Je pousse un peu l'interrogatoire pour avoir un retour complet! Et pour l'instant je n'ai eu que des bons retours".

Marion sponsorise également une grom de 14 ans : Gabrielle Suky, une jeune surfeuse locale de Vieux Boucau qui participe aux Championnats de France Ondines Minimes. La première board que Marion lui a shapé était une shortboard 5,2, bleue. "Avec elle j'expérimente un peu mes planches "performance" car je n'en surfe plus. Donc j'attends ses analyses et ses impressions ainsi que les retours de son coach, pour lui faire des planches perf meilleures chaque année".

Quels projets
pour le futur?

" Continuer ce rythme saisonnier avec 6 mois en France et 6 mois en Australie, continuer de bosser chez DHD et faire grandir ma marque «Surfista Surfboards» en France pour peut-être un jour, y avoir mon propre atelier".

" Je fais en sorte que ma marque
ne me représente pas individuellement,
mais qu'elle parle à une communauté féminine". 

Pour cela, Marion essaye de collaborer un maximum avec des femmes artistes et graphistesPour le Oxbow Surf Festival de Bordeaux, elle a d'ailleurs exposé une de ses planches réalisée en collaboration avec une amie illustratrice, ainsi que des T-shirts fait en collaboration avec une graphiste. Elle a également travaillé en partenariat avec Viktoria Surfbag, autour d'un tissu importé de Bali qu'elles ont toutes les deux intégré dans une housse et dans la planche.

Si Marion shape tous types de planches, ses modèles préférés restent les longboards Noserider et les Rétro fish sans aucun doute, avec une belle résine teintée bien sûr !

Photos : Sarah Jourdaine