Sous les pavés, 
l'histoire d'Angers 

1 - L'oppidum gaulois qui
a précédé la ville
2 - Iuliomagus, première
ville romaine 
3 - La deuxième ville romaine
4 -La troisième ville romaine

Cité multimillénaire, Angers s'est bâtie à partir de l’éperon rocheux où est édifié le château. Il a été occupé dès le néolithique. Bien plus tard, les Gaulois ont érigé un oppidum. Ensuite, sont arrivés les Romains... 

Cet oppidum gaulois qui a précédé la ville

Le caïrn néolithique est toujours visible dans le château d'Angers. Il renfermait des chambres funéraires. Photo : Laurent Beauvallet
L'histoire

Au commencement était l’occupation néolithique. On est alors en 5, 4 000 avant Jésus-Christ. Le piton rocheux sur lequel est installé le château est entouré de deux rivières aujourd’hui disparues, même si leurs noms perdurent dans la mémoire de la ville.

Au nord, c’est la Godeline, qui passait approximativement sous la galerie Fleur d’eau. Il reste un hôtel particulier qui porte encore son nom, rue Plantagenêt. Au sud, c’est la vallée de l’Esvière, dont la trace est encore visible. Ces deux vallées se rejoignent à la hauteur de l’actuel musée des Beaux-Arts.

Elles permettent la formation d’un promontoire, d’un éperon barré, « naturellement défendu », dit Martin Pithon, archéologue à l’Inrap, l’institut national de recherches archéologiques préventives. Il est donc occupé très tôt.

Des traces néolithiques sont encore visibles dans le château. Il s’agit d’un caïrn, un grand monument renfermant des chambres funéraires. « Il est rarissime de trouver un caïrn aussi bien conservé en ville », remarque Martin Pithon. La taille de ce caïrn indique une occupation importante, une organisation sociale déjà bien développée.

L'archéologie à Angers fait ensuite un bond de plusieurs milliers d’années pour arriver à la période gauloise. Non pas que le rocher du château ou les alentours n’aient pas été occupés entretemps. Mais aucune trace n’a encore été retrouvée de cette période.


Les Gaulois s'installent eux aussi sur l’éperon du château, là où se trouve actuellement la cité. C’est la toute première ville, sous forme d’oppidum, un site à vocation défensive. Sur une surface d’environ neuf hectares, s’édifie un habitat groupé, plutôt dense.

Une muraille entoure la ville dont le nom de l’époque est resté inconnu. Au contraire du nom de la tribu qui l’habite : les Andécaves. Des traces d’habitation, de mobiliers ont été trouvés lors de fouilles effectuées dans le château, rue des Filles-Dieux. 


Elles permettent de dire qu’Angers est alors une ville très commerçante, qui échange avec les pays méditerranéens. Aux alentours, s’étend une paisible campagne faite de prairies, de champs cultivés… « Il y avait à l’époque le même nombre de fermes qu’actuellement! », s’amuse Martin Pithon. 

Cette organisation va durer jusqu’à la conquête romaine, en 52 avant notre ère. Tous les objets trouvés au cours des fouilles sont exposés au musée des Beaux-Arts, dans le parcours historique de la ville d’Angers.

Poteries produites par un atelier de potier gaulois installé rue Delaâge, découvertes lors de fouilles, en 1974.

La première ville romaine sort des
murs de la cité

Des traces de plancher en bois d'une construction datée entre 10 avant Jésus-Christ et 20 après Jésus-Christ. Les flèches noires indiquent l'empreinte des planches ; les rouges, les restes de planches.
L'histoire

Suite de notre remontée dans le temps pour découvrir comment Angers s’est construite au fil des millénaires. Après l’époque néolithique, puis l’oppidum gaulois, place à la première ville romaine.

Iuliomagus

Rome a conquis la Gaule. Toute la Gaule, y compris le village gaulois qui était bâti à l’emplacement actuel de la cité d’Angers. Nous sommes dans les années 50-20 avant Jésus-Christ. Cette première ville romaine prend le nom Iuliomagus (prononcer Juliomagus), dont la signification divise les historiens. 

« Iulio fait certainement référence à Jules César », assure Martin Pithon, archéologue à l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives. C’est plutôt le « magus » qui pose problème. Il peut être traduit par « marché ». Mais « il n’y a pas de preuve archéologique qu’Angers ait été une place commerciale à l’époque ». L’explication est peut-être à aller chercher en Suisse où a été découvert un autre Iuliomagus et où le mot magus a été traduit par « espace, aire ».


Un réseau de rues rayonnantes

À Angers, cette première ville romaine sort des murs de l’éperon rocheux qui domine la Maine et où est bâtie l’actuelle cité. Luliomagus s’étend vers la place du Ralliement, le boulevard Foch, la gare… À l’intérieur de cette première ville romaine, est tracé tout un réseau de rues qui rayonnent. Les archéologues ont retrouvé des traces d’habitat, d’artisanat.

La plupart des maisons sont faites d’un mélange de terre et de bois. Quelques-unes sont en dur, maçonnées. Et certaines sont des villas à la romaine, couvertes de tuile. Depuis cette ville, des traces des routes qui partaient vers les villes voisines, Tours, Le Mans, Poitiers… ont aussi été retrouvées.

Certaines limites de la ville sont connues grâce aux dépotoirs repoussés à la périphérie… La nécropole qui s’étend au sud pourrait aussi indiquer une limite de l’habitat. Car « le monde romain sépare nettement la ville des vivants et celle des morts ». Les limites de Luliomagus sont encore incertaines. Elles dépendent des fouilles que peut entreprendre l’Inrap et celles-ci sont aux chantiers décidés par les collectivités.

La deuxième ville romaine, une cité
très organisée

Les différentes couches d'une fosse-dépotoir retrouvée place Marengo. Photo : J. Brodeur, Inrap
L'histoire 

Les Romains sont arrivés, ont fondé une première ville. Iuliomagus se peaufine jusqu'aux années 20 après Jésus-Christ. Par la suite, Iuliomagus (Angers) s'étend, se construit sur un schéma très rigide. La ville se dote d’imposants équipements, comme des thermes, un amphithéâtre, un temple…« La trame est très organisée. C’est un plan rigide qui dessine la ville », commente Martin Pithon, archéologue à l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives. 

Thermes, amphithéâtre… 

Les rues se déploient parallèlement et perpendiculairement à la Maine. Sans doute à partir d’un franchissement de la rivière, dont le lieu n’est pas connu, mais qui est présumé être à l’endroit où la Maine est la plus étroite. « Ce franchissement a généré le dessin des voies. » Mais ce dessin est aussi imposé par le pouvoir romain. « Il est caractéristique de la colonisation. Ce plan de ville se retrouve dans tout le bassin méditerranéen. »



En même temps, Iuliomagus se dote d'équipements. Les Romains qui s’y installent tiennent à trouver le même confort que chez eux. Les conquérants apportent aussi des notions d’hygiène et de propreté. Comme ces thermes dont des restes ont été retrouvés rue Delage et qui devaient s’étendre jusqu’à la place de la Visitation. D’autres ont aussi été découverts sous la galerie Fleur d’eau. 

Autre équipement d’importance : l’amphithéâtre. Dont la mémoire est parvenue jusqu’à nos jours par le nom de la rue des Arènes. Il est immense, cet amphithéâtre. Une élipse ovale, entourée de gradins, qui mesure 120 mètres de long sur 100 de large. « Les manifestations qui s’y déroulent renforcent l’emprise romaine, qu’elle soit politique ou religieuse. » 

L’influence religieuse se mesure à la place accordée au temple. Les archéologues le situent sous le château où il devait se dresser sur une immense terrasse de 65 mètres de côté. 

Elle était bâtie à l’emplacement actuel de la galerie de l’Apocalypse et de la cour. Était-ce aussi le lieu du forum, ce cœur politique, judiciaire de la ville ? Un imposant portique retrouvé cet hiver sous la promenade du Bout-du-Monde pourrait le laisser croire. Mais les archéologues hésitent. 

Le château, mais aussi la cathédrale, semblent avoir été les deux lieux d’importance de Iuliomagus. 

Des domus romaines 

La ville se transforme, l’habitat aussi. Arrivent les domus. Ce sont des maisons plutôt cossues, érigées autour d’une cour. À Angers, des traces ont été retrouvées sous l’ancienne clinique Saint-Louis, mais aussi au musée des Beaux-Arts, à la préfecture, place du Ralliement. Celle du musée des Beaux-Arts était entourée de petites boutiques appartenant au propriétaire de la maison. Certaines peuvent être divisées en appartements. 

Cette seconde période romaine est une période de calme. Iuliomagus prospère. Le commerce se développe. Et la ville devient le centre d’une région opulente.

La troisième ville romaine
se replie sur la cité

La tête du dieu Mithra retrouvé sous l'ancienne clinique Saint-Louis (archives Ouest-France)
L’histoire 

Le temps de la prospérité est fini. Fini le temps où Iuliomagus, la ville romaine ancêtre d’Angers, grandissait, se dotait de somptueux équipements, développait une active vie marchande. L’empire romain est sur le déclin. Sa toute puissance est minée par des divisions politiques. Ses dirigeants peinent à maintenir les frontières de terres qu’ils ont conquises. 

La ville s’entoure de murailles 

Le temps de l’insécurité est venu. Sur ordre impérial, les villes se protègent de remparts. Angers n’échappe pas à la règle. La ville se rétracte littéralement et revient à ses origines, à l’intérieur de l’actuelle cité. Sa superficie n’est plus que de neuf à dix hectares. 

Alors qu’à son apogée, elle couvrait 80 hectares. Une muraille l’encercle dont des traces sont encore visibles rue Toussaint. Deux tours seront conservées, même si elles seront largement transformées : la tour Villebon, qui domine la rue Baudrière, et la tour de l’évêché. 

Ces fortifications ont été bâties à la fin du IIIe siècle et au début du IVe. Elles suivent la forme de l’éperon rocheux qui domine la Maine, là où s’était bâti le premier oppidum gaulois. « Ce qui est révélateur, remarque Martin Pithon, archéologue à l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, c’est le nombre de sépultures trouvées à l’extérieur de la cité. » Révélateur, car les lieux de vie et ceux de la mort sont toujours très nettement séparés. 

Si les sépultures se multiplient ainsi au cours du IVe siècle, c’est le signe que les anciens lieux de vie ont été abandonnés. Parallèlement, l’immense nécropole située dans le quartier de l’actuelle gare est, elle aussi, désertée. C’est au Ralliement que sont désormais enterrés les morts. 

Ce que révéleront, entre autres, les fouilles entreprises avant les travaux du tramway, en 2008. Cette nécropole montre, selon les chercheurs, la transition vers l’ère chrétienne. 

Mithra, une découverte exceptionnelle 

Difficile de ne pas évoquer les époques romaines à Angers sans parler du culte du dieu Mithra. Des vestiges exceptionnels d’un temple qui lui était dédié ont été découverts, en 2010, sur le site de l’ancienne clinique Saint-Louis. Ce culte, d’origine indo-iranienne, s’est répandu dans l’empire romain entre le 1er et le IIIe siècle, par l’intermédiaire des militaires et des marchands. Il a été interdit en 392 par l’empereur Théodose.

Des traces antiques en ville…

Une partie du mur d'enceinte datant de la fin du IIIe siècle et au début du IVe est encore visible rue Toussaint. Martin Pihton, Inrap

Il est encore possible de repérer des traces gallo-romaines dans Angers. Avec un peu d'imagination, parfois! La cité n’a plus rien d’antique, mais son plan a été imposé depuis la ville gauloise. Le mur d’enceinte est encore visible rue Toussaint. 

Et si la rue Donadieu-de-Puycheric est en courbe, c’est car elle suit la trace de cet ancien mur. Certaines rues rectilignes ont été tracées sur les anciennes voies romaines quand le plan de la ville était régulièrement quadrillé. 

C’est le cas de la rue Saint-Aubin, mais aussi de la rue Saint-Laud, l’une « des plus anciennes de la ville », selon l’archéologue Martin Pithon. La rue des Arènes est ainsi nommée en mémoire de l’ancien amphithéâtre romain. 

La courbe de la rue Hannelloup rappelle celle de cet immense amphithéâtre. Sous forme d’éclipse ovale, il était entouré de gradins et mesurait 120 mètres de long sur 100 de large. 

Les fortifications édifiées à l’époque de la troisième ville romaine étaient percées de quatre portes. Deux de ces issues correspondent aujourd’hui à la rue Rangeard et à la rue du Chanoine-Hurseau. Enfin, au musée des Beaux-Arts, il est possible de suivre le parcours historique de la ville d’Angers. 


Textes : Marianne Deumié (@MarianneDeumie

Webdoc : François-Guillaume Derrien (@FG_derrien)