L'inoubliable montée du Sco en Ligue 1

21 ans après l'avoir quitté, Angers Sco 
retrouve le top niveau du football français.

Partie 1 - Un jour J tant attendu

Le jour où Angers Sco s'est propulsé en L1, 
la ville a chaviré de bonheur

EN NOIR ET BLANC, LE SCO VA DE L'AVANT

22 mai 2015. Un stade Jean-Bouin en noir et blanc. Pour la dernière fête à domicile avant de prendre la dernière place dans l'ascenseur de la Ligue 1, les supporters se sont mis au diapason du Sco. Drapées dans cette douce folie vestimentaire, les tribunes ont exulté au coup de sifflet final. Car l’équipe angevine a su rendre irrésistible un rêve longtemps resté inaccessible. Elle le caresse enfin, après tant de déconvenues. En noir et blanc, comme une vieille photo jaunie par le temps, écornée parce que trop manipulée. Comme pour souligner une interminable attente de 22 ans. Une génération dans le purgatoire de l’élite du football français. Et de renouer avec un passé prestigieux. À l’image de cette finale de Coupe de France perdue contre Toulouse en 1957. Ou les « Trois glorieuses », entre 1972 et 1974, qui ont vu les Angevins accéder à la Coupe d’Europe. En noir et blanc, comme les deux faces d’une même pièce. Comme deux inséparables opposés. À Angers, ce ying et ce yang amènent à une tempérance bien locale. Mais, une fois n’est pas coutume ce vendredi soir, les deux tonalités ne se sont pas fondues dans un gris terne. Au contraire. Elles ont gardé tout leur éclat pour s’associer dans une fête totale. Un déclic populaire ? Peut-être bien. La saison prochaine face aux grosses cylindrées du championnat, les Angevins en auront terriblement besoin.

Josué JEAN-BART.

Marée humaine au coup de sifflet final

L'équipe fête la victoire sur la pelouse de Jean-Bouin. Avec un public qui la suivra une partie de la nuit. 

Les supporters se pressent sur la pelouse de Jean-Bouin. Il n'est pas facile d'être stadier un soir de montée... 

La ville a fêté son Sco jusqu'à tard dans la nuit...

Au balcon de l'Hôtel de ville, les joueurs ont su mettre l'ambiance et communier avec la foule. 

Angers, ivre de bonheur











Olivier Auriac,  un capitaine récompensé

Après six ans passés à Angers, Oliver Auriac va enfin découvrir la Ligue 1. 

Arrivé à l'été 2007 à Angers, Olivier Auriac a vu grandir le club. Le 8 août prochain, il redécouvrira enfin une Ligue 1 brièvement connue avec son club formateur des Girondins de Bordeaux. Une juste récompense…

Une fidélité enfin récompensée. Huit ans qu'Olivier Auriac attendait ça. Huit années de hauts et de bas. Huit années d’une incroyable fidélité. Et quelques cheveux blancs au passage.

Le capitaine du Sco a une collection de souvenirs à Angers. Celui de vendredi soir restera sans conteste le plus fort. « C’est indéfinissable. C’est ce qu’on veut vivre quand on est footballeur », décrit Auriac, voix éraillée, mine fatiguée, un peu plus de 24 heures après la folle soirée du vendredi. N’avoir pas joué durant la dernière ligne droite menant à la Ligue 1 restera son seul regret. « C’est frustrant, il n’y a pas d’autres mots. On a participé à l’aventure et de ne pas vivre les matches où il y a du monde, c’est dur. Mais sur le long terme, je retiens l’ensemble », positive tout de même le milieu de terrain. Sa fin de saison a été à l’image des deux dernières années : entrecoupées de blessures. Avec 23 titularisations, le cru 2014-2015 s’est avéré meilleur que le précédent. Il a été en tout cas l’un des grands artisans du renouveau angevin lors de la seconde partie de saison. Le premier à croire en son équipe, à positiver même au lendemain du non-match contre le Gazélec, mi-février.

Le Sco, une « deuxième maison »

Par expérience bien sûr… Car, le Charentais s’est nourri de tous les épisodes vécus à Angers. Des beaux moments, évidemment, avec les deux demi-finales de Coupe de France, mais aussi des échecs, des accessions ratées de peu notamment. « On s’est aussi inspiré de certaines équipes qui sont montées comme Nantes ou Caen, qui avaient un buteur et une bonne défense notamment, décrit-il. Aujourd’hui, on est récompensés. » Il y a aussi une grande fierté, le sentiment d’avoir marqué l’histoire du club, participé à son redressement. De quoi « rendre des gens heureux ».

Il révèle aussi : « Quand j’ai signé ici, j’ai toujours su qu’il se passerait des choses. Si ça vient à s’arrêter, j’aurai le sentiment d’avoir fait progresser le club et d’avoir grandi avec lui. » Des mots forts pour le joueur de 32 ans, fier plus que jamais de porter le maillot noir et blanc : « Pour moi, le Sco, c’est une deuxième maison. J’ai beaucoup de faits marquants dans ma vie d’homme qui font que je suis très attaché au club. Quoi qu’il arrive dans 15-20 ans, je serai toujours supporters du Sco. Ça restera mon club de coeur et il n’y en aura pas d’autres. »

Avant de penser à son après carrière, Olivier Auriac a un nouveau challenge à relever avec Angers, celui de le maintenir dans l’élite. « On n’ira pas pour faire de la figuration, prévient- il. Il faudra mettre les bouchées doubles car la Ligue 1, c’est autre chose. »

Romain Thomas a appris à devenir méchant

Romain Thomas a été l'un des grands artisans de la montée en Ligue 1. 

Avec Jonathan Kodjia, il est le joueur ayant eu les meilleures notes de la rédaction cette saison. Et comme pour le meilleur joueur de Ligue 2, sa réussite n'était pas tracée d'avance. Il lui a même fallu aller contre sa nature.

« Quand il était plus jeune, Romain était moins méchant, explique son grand copain dans le vestiaire angevin, Gaël Angoula. Le vice et la méchanceté, c’est d’ailleurs ce qui fait la différence entre le Romain Thomas amateur et le Romain Thomas professionnel. »

Dans la vie, le bonhomme n’a pas changé. Il est toujours resté souriant, attentionné, curieux et disponible. Seulement sur le terrain, il avait tendance à se faire « bouffer ». Car l’intox, le bluff, la dureté sur l’homme font partie des qualités du footballeur moderne. Surtout au poste de défenseur central. Là où l’on ne doit pas faire de cadeaux. Et ça le Breton pur beurre a mis du temps à le comprendre. Car ce sont des valeurs aux antipodes du personnage. « À la période dont Gaël parle, j’avais 19 ou 20 ans, répond Romain Thomas. Et c’est en grandissant qu’on s’aperçoit que dans ce milieu-là, il faut avoir du caractère parce que sinon tu te fais marcher dessus. » C’est à Carquefou que le défenseur central du Sco a pris conscience de ces choses-là. Une époque où il fait appel à Yvonnick Simon, un préparateur mental qui travaillait pour le club. « J’avais tendance à me prendre trop la tête sur des erreurs que je commettais, et il m’a appris à tourner la page rapidement. Travailler sur moi-même, ça m’a beaucoup aidé. »

Car Romain Thomas fait partie de cette catégorie de joueurs très cérébraux, qui se posent beaucoup de questions.

Enfin devenu un joueur pénible ?

Alors quand la carrière ne prend pas la tournure souhaitée, comme lors ses premières saisons, il cogite. Son ascension fut progressive, avec l’exploration de pratiquement toutes les divisions : PH, DHR, CFA 2, CFA, National, Ligue 2 et donc Ligue 1 l’an prochain. Pour pouvoir franchir des caps, il lui faut des déclics. Le premier a eu lieu lors d’un passage d’un mois à l’UNFP : « Ça m’a permis de prendre conscience que physiquement je n’étais pas au point. J’ai perdu des kilos », se remémore-t-il. Le suivant a eu lieu aux contacts d’entraîneurs : « Denis Renaud, à Carquefou, qui m’a fait énormément confiance et maintenant Stéphane Moulin et Serge Le Dizet qui m’ont donné la chance de m’épanouir. »

La somme de toutes ses remises en question a permis au natif de Landerneau de continuer à mieux cerner le football professionnel. « Cette année, on m’a dit que j’étais un joueur pénible, raconte Thomas. Je n’ai pas forcément cette image, mais je suis compétiteur. Et je préfère gagner les matches qu’être trop gentil. » Mais on ne se refait pas. Si bien qu’il n’y a aucune surprise dans la réponse de Gaël Angoula à la question : si tu avais un mot pour décrire Romain ? « Gentil. »

Coach Moulin : regards de capitaines

Direction la Ligue 1 pour Stéphane Moulin. Après Châteauroux qu'il mena en National en 2005, il connaît sa deuxième accession.


Depuis ses débuts sur un banc en 1997, l'entraîneur angevin a connu une belle ascension, matérialisée notamment par deux montées, avec Châtellerault et Angers. Regards de ceux à qui il confia le brassard.

Abdel Bouhazama : « Pour moi, il est toujours mon coach »

Entre l'actuel directeur du centre de formation du Sco et Stéphane Moulin, c’est déjà une longue histoire. Les deux ont appris à s’apprécier à Châtellerault. Le premier y est arrivé à l’été 1997 à une époque où le second endossait le costume d’entraîneur. Coach Moulin fit d’Abdel Bouhazama son capitaine. Pendant cinq saisons. « Jeune entraîneur, Stéphane me concertait régulièrement. Il y avait un vrai dialogue entre nous. Il avait des convictions dans le jeu, marchait au feeling, tentait des coups. Mais quand il avait de petites incertitudes, il me demandait mon ressenti. Il me responsabilisait beaucoup, c’était intéressant. » En 2002, leurs trajectoires se séparent. Pour se retrouver à l’été 2013 sur les bords de Maine.


Aujourd’hui, Abdel Bouhazama jette un regard admiratif sur son ancien mentor. « Pour moi, il est toujours mon coach. Sauf que là, on va plus loin dans les discussions, les échanges. Au quotidien, il a beaucoup de respect pour nous éducateurs, c’est très agréable. Stéphane est resté très simple, il incarne l’humilité, le respect. C’est quelqu’un qui a besoin de chaleur humaine, de discuter. Il fait beaucoup confiance à l’humain, ça peut être rédhibitoire si on vient à le trahir. Il peut se mettre à l’écart. Il fait partie de ces entraîneurs qui ont encore des principes dans la vie. Il n’a pas trop changé depuis Châtellerault. Il est égal à lui-même, avec quelques kilos en plus. » Les deux hommes ont passé ensemble leur DEPF (Diplôme d’entraîneur professionnel de football), de 2012 à 2014.

Abdel Bouhazama estime que cela permit à Stéphane Moulin de progresser. Dans sa communication. « Stéphane ne fait pas partie de ces entraîneurs qui surjouent, qui sont des acteurs. Il n’est pas du genre à passer des messages subliminaux via les médias, il va directement à la source quand il a quelque chose à dire. Il est très pragmatique, va à l’essentiel, choisit bien ses mots. » Dans le jeu aussi. « A Châtellerault, il était très ambitieux. Avec l’âge et le niveau, je pense que par moments, il est plus rigoureux sur l’aspect défensif et l’organisation. Le tout en laissant toujours une liberté à ses attaquants et ça, c’est bien. C’est efficace, les résultats le prouvent. »

Geoffrey Penoty : « Il a toujours eu cette notion de gagne »

Lui aussi a connu Stéphane Moulin à Châtellerault. Comme coéquipier puis entraîneur avec en point d’orgue l’accession en National en 2005. « Il a toujours eu cette notion de gagne, se souvient l’actuel entraîneur du club viennois. C’était un entraîneur vraiment pointilleux sur tout ce qui était aspect tactique, il avait déjà une approche élevée au niveau stratégie de jeu. Il donnait sa confiance, faisait tout pour que ça se passe bien. Après, quand il fallait crier ou pointer du doigt certaines choses, il le faisait. Il était très impliqué que ce soit comme entraîneur ou comme humain. »


Olivier Auriac : «Avec lui, on peut parler de tout»


Promu capitaine cette saison, le milieu de terrain décrit Stéphane Moulin comme « exigeant dans le travail mais beaucoup plus cool à côté. C’est quelqu’un avec qui on peut parler de tout. » En l’espace de quatre saisons, l’ancien Girondin retient « une ligne de conduite inchangée. Il a gardé sa philosophie de jeu, à savoir jouer pour gagner, ne pas être attentiste. Après, il a su aussi faire évoluer ses options de jeu pour s’adapter à l’adversaire. »

ANGERS SCO REPOSE ENFIN SUR DES FONDATIONS

Le manager général Olivier Pickeu en compagnie du Président d'Angers Sco, Saïd Chabane. 

En moins de dix ans, Angers Sco est passé du statut de club amateur au bord du précipice à une structure professionnelle qui fait la fierté de sa ville. Et qui donne envie. Une vraie métamorphose.

En 2005-2006, Angers Sco connaît l'une des saisons les plus délicates de son histoire. Le club évolue en National. Et vient de fleurter une partie de la saison avec la zone de relégation pour le CFA. À l'intersaison, une nouvelle équipe dirigeante arrive. Sous la forme d'un trident : Willy Bernard à la présidence, Olivier Pickeu comme manager général et Jean-Louis Garcia pour entraîner l’équipe. Les Angevins ne le savent pas encore, mais leur club va changer de dimension. En moins d’une décennie.

« On était dans un bungalow à la Baumette, c’était un vrai chantier, se remémore Olivier Pickeu. Sur le plan sportif, ce n’était pas folichon. Et il y avait des procès dans tous les placards. » Alors, il a fallu imposer sa patte. Reconstruire des fondations et structurer le club. Cela commençait par retrouver la Ligue 2 au plus vite, avec le statut professionnel qui va avec. Ce fut chose faite dès la première année. Le National, le bungalow et les procès « Économiquement, on n’était pas dans une situation favorable, poursuit le manager angevin. Il fallait absolument réussir ce challenge. C’était une course contre la montre. » Ponctuée à la sauce angevine, avec une montée à la dernière journée contre Vannes.


Arrivé en Ligue 2, Angers Sco est rapidement devenu un postulant crédible à la première partie de tableau. « À l’époque, les gens nous parlaient uniquement de Ligue 2 ou de National », complète Pickeu. « L’arrivée de Willy Bernard et d’Olivier Pickeu a ramené un peu de stabilité », se remémore Vincent Manceau.

En effet, la période Willy Bernard, c’est une stabilisation du club en Ligue 2 et le départ de premiers joueurs angevins vers la Ligue 1. Ce que le club n’avait plus connu depuis le milieu des années 1990. Mais ce sont aussi les soucis avec la justice qui se sont conclus par une condamnation de Willy Bernard pour abus de biens sociaux, suivie de son départ. Un administrateur judiciaire a alors été nommé. « Aujourd’hui, j’ai une pensée pour Me Rousseau avec qui j’ai vécu ces quatorze mois, il a fait en sorte que le club puisse continuer », explique Olivier Pickeu. Des mots qui rappellent le précipice auprès duquel se trouvait Angers Sco.

En novembre 2011, Saïd Chabane et Bertrand Baudaire sont arrivés avec un projet ambitieux : faire monter le club en Ligue 1 dans les cinq ans. La manière ? Fini le projet de nouveau stade, le nouvel homme fort du Sco préfère un centre de formation et un centre d’entraînement. Car l’homme n’est pas là pour offrir du clinquant les soirs de match, il veut structurer le club pour lui permettre d’avoir les fondations nécessaires pour grandir. Cela passe aussi par la formation des entraîneurs et des éducateurs, la construction d’une nouvelle image, un recrutement intelligent, le démarchage de nouveaux partenaires.

Et trois ans plus tard

Trois ans plus tard, le challenge est déjà réussi. « J'avais donné rendez-vous en disant que le club ne serait plus le même, rappelle Saïd Chabane. La feuille de route est respectée. » Avec deux ans d’avance. Avec la reconnaissance des pairs surtout, mais aussi celle de la ville. Car le travail effectué a été considérable. Maintenant, il va s’agir de franchir une nouvelle étape. « On ne peut plus monter, il faut maintenant se maintenir. Il y a une économie qui est liée à la notoriété. Il faut cinq ans en Ligue 1 pour passer dans un autre palier économique, ça peut être un beau challenge », souffle Olivier Pickeu.

Si cette nouvelle assise doit avoir lieu, gageons que la soirée du 22 mai 2015 permettra de se construire une nouvelle génération de supporters. Pour que Jean-Bouin soit plein avant les cinq derniers matches de la saison. Surtout qu’avec la Ligue 1, le Sco saura garder le côté humain qui a fait la force de ce club. Celui qui a permis de remplir les rues du centre-ville, un soir de montée.

Lire aussi : Saïd Chabane, l'enfant d'Alger qui fait vivre le Sco

CHABANE : « C'EST IMPORTANT DE TENIR 5 ANS »

Le président d'Angers Sco, Saïd Chabane, revient sur cette folle saison, l’attachement des Angevins au club et dévoile le projet pour la Ligue 1 avec une envie d’y rester au moins cinq ans…

Que retenez-vous de cette saison ?

Qu’elle fut longue ! Longue et dure, avec des moments forts dans la vie du club. Des moments où l’on a vu le groupe se consolider, avec un objectif qui était le même pour tout le monde. J’insiste. Personne n’allait contre l’envie de voir le club monter. Et aboutir à la concrétisation d’un objectif, c’est magique.

Cela a été votre émotion la plus intense depuis votre arrivée ?

Même avant mon arrivée. Ça va rester gravé dans nos mémoires, dans la mémoire des Angevins. C’est un moment exceptionnel que l’on ne peut pas vivre dans une vie professionnelle « normale ». Donner de la joie à ce point-là et voir le public angevin dans l’état émotionnel et euphorique dans lequel on l’a retrouvé le soir de la montée, c’est tout ce que je voulais. Il y a un regroupement de tout le monde derrière le club, parce que je pense que sans le douzième homme, on n’aurait pas pu aller jusqu’au bout. Maintenant, à nous de travailler pour faire durer le plaisir le plus longtemps possible.

Aviez-vous la perception de l'attachement des Angevins au club que l’on a pu voir vendredi ?

Le point que je recherche depuis un moment, c’est le lien qu’entretient le Sco avec les plus belles pages de son histoire, celles des années 1970. J’espère que cet attachement, c’est ça. Depuis un moment, on a tout fait pour fédérer tout le public angevin derrière le club. J’espère que ce lien-là, on l’a retrouvé. A nous de faire en sorte qu’il soit bien attaché. Et que le lien avec les années 1970 soit le bon. Au-delà de l’aspect sportif, ce sera l’un des principaux enjeux l’an prochain ? Si le public ne veut pas être fidèle à son club en Ligue 1, c’est son droit. Mais un droit que pas mal ne comprendraient pas… La Ligue 1, c’est un peu l’inconnue pour le club… (Il coupe) C’est aussi une inconnue pour la ville. C’est ce qui fait tout le charme. On est dans l’inconnu sans l’être, mais on va travailler pour être encore plus haut dans l’exigence. Au niveau de l’exigence de la Ligue 1. On ne va pas rester avec le même raisonnement ou le même degré d’exigence qu’en Ligue 2. A nous de nous adapter.

Olivier Pickeu disait que l'objectif à moyen terme, c’était de rester au moins cinq ans en Ligue 1. Est-ce l’objectif du club ?

Le « cinq ans », il est tout à fait normal. Puisque c’est l’indicateur de la répartition des droits télé. Il faut savoir qu’on va avoir 50 % de droits en moins qu’un club comme Lorient. Parce qu’ils ont plus de cinq ans de Ligue 1. Et qu’il y a un coefficient directeur qui dit qu’en deçà de 5 ans de Ligue 1, c’est 13 millions d’euros. Sinon, c’est 28. C’est donc important de tenir pendant cinq ans, parce qu’on va se battre avec des gens qui vont toucher trois ou quatre fois ce que l’on touche. C’est à nous d’être malins, sereins et solides pour atteindre les cinq ans. Et après, on pourra se battre avec d’autres armes.

Financièrement, savez-vous quel sera votre budget ?

On sera entre 23 et 25 millions d’euros. Grâce à l’enveloppe des droits télé ? Principalement. Est-ce un challenge excitant de pouvoir ramener un club en L1 ? Oui, mais j’insiste sur un point : ce n’est pas la finalité. Y arriver, c’est une chose, y rester c’est une autre paire de manches. Et ce sera notre challenge d’y rester. Cette étape valide-t-elle les trois premières années ? Exact, ça valide tout le travail qui a été fait dans le club. A tous les niveaux, pas qu’au mien.

LES DEUX FONT LA PAIRE…

Les intendants d'Angers Sco ne passent pas inaperçus. Rencontre avec deux hommes attachants, heureux de vivre une aventure peu ordinaire.

Inséparables et indispensables. Il y a Éric Rivet. Un personnage. Crâne rasé, les yeux sombres, teint mat, toujours en tee shirt dont les manches laissent deviner deux tatouages. C'est l'intendant depuis près de quatre ans de l’équipe professionnelle. Son acolyte, Claude Aubin, ne passe pas non plus inaperçu,avec sa moustache poivre et sel – portée fièrement depuis 1976 et coupée depuis le soir de la montée par Romain Thomas, comme en 1993 d’ailleurs – et très souvent la cigarette au bec. Pas mal pour celui qui était pompier dans une autre vie.« 4 ans à Paris, 32 à Angers », complète-t-il.

À la retraite depuis bientôt 4 ans, « p’tit Claude », de son surnom, est surtout une figure emblématique du club. « La mascotte », dit son comparse. Supporter d’Angers Sco depuis sa plus tendre enfance, il a démarré son histoire du côté de la Baumette en 1990. « Je venais toujours aux entraînements et un jour, on m’adonné une caméra pour que je filme les matches… »« Quand on aime,on ne compte pas »

Cette caméra, le natif de Saint-Mathurin-sur-Loire l’a gardée jusqu’en 2007. Et puis, il a intégré l’encadrement de l’équipe réserve, aux côtés de Moulin,Viaud puis Sauvaget. Toujours à donner un coup de main. Bénévolement.Pour l’amour de son club. En décembre dernier, le premier de cordée s’est blessé. « P’tit Claude » a donc commencé à faire les déplacements avec le club. Car le travail de ces deux hommes consiste à gérer les à-côtés des matches, à domicile comme à l’extérieur, tout préparer pour que les joueurs ne manquent derien.« On s’occupe notamment de tous les équipements, de faire les courses pour les en-cas d’avant match et pour la mi-temps. Le gros stress, c’est d’ailleurs d’oublier quelque chose », note Éric Rivet.

Comme ce soir de novembre lors d’un déplacement au Havre. « J’avais oublié de prendre les maillots de Pessalli, raconte-t-il. Heureusement, Axel (Lablatinière, recruteur au club) devait nous rejoindre le lendemain.Il les a donc rapportés. » Des anecdotes, les deux hommes en ont beaucoup, mais peu remontent à la surface. L’une vient soudain. « Il y a eu la fois où ils m’ont oublié à Laval, sourit Éric Rivet. J’étais en train de tout ranger dans le vestiaire et le bus est partisans moi ! Du coup, maintenant, au moment de repartir du stade, on demande toujours si je suis là. »

Ils parlent pêle-mêle des têtes en l’air, de Camara qui oublie une fois sur deux sa serviette de bain, de Keïta quine gère pas très bien ses papiers administratifs. Et puis il y a aussi Kodjia, le bout-en-train, toujours le premier à mettre l’ambiance dans le vestiaire. Leur chouchou. Les deux ont les yeux qui pétillent quand ils racontent tout ça. Éric Rivet dit sa chance d’exercer ce métier. « Mon prédécesseur Philippe doit regretter ce boulot », pense-t-il. « Quand on aime, on ne compte pas », reprend son compère, toujours bénévole, mais qui n’échangerait sa place pour rien au monde.

L'élite, le Sco l'avait déjà rejoint 5 fois

27 mai 1956, le Sco s'impose à Nantes et rejoint la Division 1, onze ans après son passage dans le monde professionnel.

Vendredi 22 mai 2015, le Sco décroche son billet pour la Ligue 1. Sa sixième accession au sein de l'élite hexagonale. Retour sur les cinq précédentes montées.

1956 : enfin la D1

Créé en 1919, le Sco devient champion de France amateur quatorze ans plus tard. En 1945, c'est le passage au professionnalisme et les premiers pas en Division 2. Rapidement, les dirigeants angevins optent pour un gros effort financier afin d’attirer plusieurs internationaux français. Insuffisant pour monter et surtout cela entraîne rapidement une liquidation (1948). La situation devient doucement plus saine dans les années 50. Sur le terrain, la récompense intervient donc en mai 1956. Grâce à une ultime victoire chez le voisin nantais (0-2), le Sco, fort de 90 buts inscrits, s’assure la deuxième place synonyme de montée. « La montée d’une bande de copains », se souvient Claude Bourigault, milieu de terrain. Alphonse Le Gall l’a rejointe quelques mois plus tôt. « Je disputais alors ma seconde saison à l’OM mais je jouais peu. J’avais donc demandé à partir. » Sur les bords de Maine, l’ancien Rennais retrouve de sa superbe et son sens du but fait merveille : 17 réalisations en 18 matches. « Je plantais des buts, je ne sais pas trop comment. » Le Sco, qui était 11e fin novembre, remporte 14 de ses 15 derniers matches !

1969 : une claque et ça repart

Troisième en 1967, le Sco se prend à rêver de sacre national. Patatras ! La saison suivante, après un départ canon (trois victoires), Angers subit un gros coup d’arrêt à Lyon (8-0). La suite est en demi-teinte puis vire au noir. Dix-huitième, Angers descend en Division 2 après douze saisons parmi l’élite. « On n’aurait jamais dû descendre avec les éléments qu’il y avait », regrette Daniel Perreau. Le Sco se remet toutefois rapidement de cette claque. Sur les 40 journées, il en passe 36 sur la plus haute marche. À l’arrivée, les hommes de Louis Hon comptent 10 points d’avance sur leur voisin angoumoisin… avec la bagatelle de 128 buts inscrits ! « Une saison exceptionnelle » (dixit Daniel Perreau), qui aurait pu se conclure en apothéose avec la Coupe de France. Le Sco se hisse en demifinales, faisant même trembler Marseille : nul 0-0 à l’aller devant 22 989 spectateurs à Jean-Bouin, défaite 2-1 au retour. Cette saison-là est la dernière comme professionnel de Michel Stievenard.

Un certain Jean-Marc Guillou évolue aussi dans cette équipe. Mais celui qui allait devenir international français en 1975 (19 sélections), n’est pas encore un titulaire indiscutable. À l’époque, il ne cache pas son agacement : « J’ai 24 ans. C’est maintenant ou jamais. Si l’on ne fait plus confiance à nous autres, jeunes, ce n’est plus la peine de rester. » Point de départ en vue finalement pour ce manieur de ballon exceptionnel. Il fera le bonheur du Sco jusqu’en 1975, étant de l’aventure européenne de 1972-1973.

1976 et 1978 : au coeur des années yo-yo

Le Sco brillant du milieu des années 70 perd peu à peu de son éclat. Première relégation en 1975, remontée en 1976, nouvelle rétrogradation en 1977 et nouvelle accession en 1978… « La première descente pouvait être considérée comme un accident, la seconde était plus inquiétante pour le club, confie Pascal Janin, alors gardien de but. Que l’on remonte à chaque fois dans la foulée était presque logique car à l’époque, les équipes qui descendaient modifiaient souvent peu leur effectif. » De retour en Division 1, le club n’y a plus son lustre d’antan. « On flirtait avec la zone rouge. On était devenue une petite équipe de première division. » Jusqu’à être relégué au printemps 1981.

1993 : un retour tant attendu

Douze saisons. Les supporters angevins ont dû patienter douze longues saisons avant de voir le Sco renouer avec la D1. A la trêve hivernale, Angers pointe à cinq longueurs du leader rouennais. « Nous avons alors effectué un stage à La Baule, se souvient Christophe Gehra. Il y a eu une remobilisation de tout le monde. » Dès la reprise, le Sco accueille le leader normand. Bien que rapidement réduit à 10, il s’impose 2-0. « Le tournant de la saison, assure le capitaine Laurent Viaud. Après ce match, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire. » La suite, Eric Stefanini s’en souvient : « Ce fut un joli mano a mano avec Rouen. » Et un succès décisif à Guingamp, le 8 mai. « Cette montée, ce fut l’aboutissement de quelque chose qui s’est construit sur le moyen terme, rappelle Stéphane Mottin. Un projet de cinq ans pour monter.

Hervé Gauthier, l’entraîneur, avait construit son équipe et sa philosophie petit à petit. La montée s’est faite presque naturellement. On était un groupe de mecs qui vivait bien ensemble. On avait un projet commun, personne ne tirait la couverture à soi. L’état d’esprit, c’est essentiel pour monter. C’est certainement ça qui a fait la force du groupe de Stéphane Moulin cette saison. » Un groupe qui a donc offert au Sco sa sixième accession au plus haut niveau français.

Et depuis...

Lendemain de fete 

Emission spéciale montée de France 3




PARTIE 2 : Le film de la saison angevine

Textes : Emmanuel Esseul (@manuandisa), Ugo Brusetti (@ugob07), Ludovic Aurégan (@Ludoregan)

Photos : Jérôme Fouuquet, Eddy Lemaistre, Georges Mesnager.

Vidéos : LFP, France 3, Ouest-France 49 (@Ouestfrance49), Ville d'Angers.

Réalisation web-doc : François-Guillaume Derrien (@FG_derrien).