Médiation animale à visée thérapeutique 

Ces petits êtres au service de la personne 

Il est 14h à l'EHPAD d’Henri IV, situé dans le centre-ville de Toulouse. La chaleur est oppressante en ce début d’après-midi du mois de juin. Le personnel de la maison de retraite s’affaire autour des résidents. Aujourd’hui, l’association de Médiation Animale Calinsoins vient donner ses deux séances mensuelles.

Au premier étage, une salle spacieuse et artificiellement éclairée attend les visiteurs du jour. Les bénéficiaires s'installent peu à peu. Solène, intervenante au sein de l’organisme, arrive avec Laeticia, une stagiaire. Toutes les deux sont accompagnées de Héros, le golden retriever de Solène, de deux cochons d'Inde, Nougat et Châtaigne, et de plusieurs lapins: Réglisse, Champagne, Neige, Ibiza, Victoire,Coquin, Iris et Vénus.

Tout ce petit monde est fin prêt à débuter cette nouvelle séance de zoothérapie... Mais finalement, de quoi s'agit-il réellement?

Médiation animale et zoothérapie, deux termes différents?

Mais entre "zoothérapie" et "médiation animale", les résidents ne seraient-ils pas un peu perdu? Les deux termes existent bien, et chacun d'entre eux est correcte. Mais pourquoi utiliser l'un au lieu de l'autre? Il semblerait que cela soit pour éviter les confusions. Myriam, infirmière zoothérapeute, et fondatrice de Calinsoins explique cette non-différence.

"Avez-vous déjà eu des animaux?" La médiation, créatrice de lien social

"Oh des lapins, que c'est mignon" "J'ai peur qu'il saute de mes genoux" "Avez-vous déjà eu des animaux Madame Jegou?"

Après la mise en place des animaux, la pièce blanche au premier étage d'Henri IV reprend vie.
Si certaines personnes restent en retrait, préférant profiter de ce moment privilégié avec l'animal, d'autres s'essayent au bavardage.
Des conversations démarrent, aux quatre coins de la salle. La plupart se prennent à repenser à leur passé, ainsi qu'à leur propre animal de compagnie, jadis. Des rires éclatent, quelques larmes aussi. Quelques rares sont lassés, et quittent la séance avant la fin. La médiation ne peut pas convenir à tout le monde, mais ce flux d'émotions est parfois difficile à gérer pour certains.




Pendant ce temps, Solène et Laeticia jouent un rôle d'intermédiaire.

Dans l'observation, les filles supervisent la séance d'un oeil discret, mais pas moins consciencieux. Comme si de rien n'était, elles parlent et participent aux diverses discussions engagées depuis le début. Mais en arrière-plan, les intervenantes s'effacent pour laisser place à l'animal. Leur but est, avant tout, de favoriser le bon déroulement de la séance.
Pour autant, Solène n'hésite pas à rassurer les patients, et les encourager, tout en douceur.

Les animaux médiateurs: à l'épreuve des pathologies

15h30, toujours à l'EHPAD Henri IV de Toulouse. Après les adieux de la première séance, les intervenantes et les animaux se préparent à enchaîner une seconde session. Cette-fois-ci, rendez-vous à l'étage cinq. Changement de décor. Les troubles sont plus lourds pour certains patients, empiétant sur leur autonomie.
"Je vous présente Champagne" s'exclame Solène, présentant le lapin aux personnes présentes. Pendant ce temps, Héros file se blottir contre les jambes de Madame C. L'une des résidentes, Jacqueline, ressent un trop-plein d'émotions. Des sanglots incontrôlés qui la pousseront à ne pas pouvoir assister à cette seconde séance de médiation.


Des situations complexes

Si les pathologies sont plus compliquées à gérer à cet étage, Héros et toute son équipe d'animaux-médiateurs, jouent leur rôle comme si de rien n'était. Chacun semble convenir à tel, ou tel patient... à tel ou tel "cas".

Lors de cette séance, trois patientes présentent un problème apparent, bien distinct.

Jocelyne, installée dans son fauteuil roulant, dans un coin de l'espace libéré pour l'occasion ne parle pas, ou très peu. Ses tremblements l'accablent, ses mains bougent énormément. Son handicap n'empêche pourtant pas son visage de décrisper, et accueillir un sourire timide à la vision de ces visiteurs d'un jour. Coquin, et son pelage blanc-caramel, contribueront à apaiser Jocelyne pendant quelques instants. Si les tremblements ne s'arrêtent pas complètement, des petits temps de pause, ou de ralentissement, sont souvent constatés chez elle au contact de l'animal.

Jeanine est, elle aussi, en fauteuil roulant. Il y a quelques temps, cette dernière s'est fracturé le col du fémur suite à une chute. Depuis, cette dernière a énormément de mal à remarcher, freinée par la peur. Faire des petits pas en avant, même assise, représente un calvaire pour la résidente. Pourtant, Héros aura eu raison d'elle. Très enjouée à l'idée d'aller promener le Golden Retriever, Jeanine a parcouru le long du couloir. Héros l'a ainsi aidé à aller de l'avant...

Suzanne, quant à elle, est arrivée en cours de séance. À peine arrivée dans l'espace de médiation, Héros s'est dirigée vers elle, provoquant un large sourire sur son visage. Pour le remercier, quoi de mieux qu'une petite partie de toilettage? Le toutou s'installe, trop heureux de se faire brosser dans le sens du poil. Le peigne passe habilement dans la fourrure couleur crème du Golden. Mission accomplie.. Héros est tout beau, mais également pour sa toiletteuse en chef. En effet, Suzanne souffre de rétropulsion. Une chute l'a amené à positionner son corps en arrière de manière permanente. En s'occupant du chien, elle s'est alors penché en avant, reprenant une posture normale sans effort, ni sans s'en rendre compte...

Déterminer l'animal en fonction du patient, un travail d'observation

Le choix de l'animal, suivant la structure et le public visé, n'est donc pas fait de manière anodine. Pour les intervenants, il s'agit de distinguer quel compagnon de médiation pourra convenir au caractère d'un patient en particulier... Mais qui pourra surtout convenir à son trouble, sa maladie.

Des animaux robotisés, vers une continuité de la médiation?

Durant la seconde séance, un miaulement se fait entendre. Pourtant, l'association Calinsoins ne compte pas de félin dans leur rang. Étrangement, un énorme chat roux prend place sur l'une des tables de la résidence.. il émet des sons, et bouge même la tête!

La technologie au service de la maladie 

Ce matou est en réalité robotisé. Pas vraiment réel, il n'est pas moins cher aux yeux des patients, qui le considèrent comme un chat à part entière.
Dans certaines maisons de retraite, comme ici à Henri IV, des prototypes d'animaux robotisés sont mis à disposition des personnes âgées. Un concentré de technologies favorisant une certaine stimulation cognitive, nécéssaire dans le traitement, et l'accompagnement de certains troubles du comportement et autres pathologies. Le premier prototype était un phoque, dénommé Paro, utilisé pour aider les patients touchés par Alzheimer.


Les bienfaits de la médiation animale dans une thérapie

17h à l'EHPAD Henri IV, l'heure est aux au-revoir entre les résidents et leur compagnon d'un jour. Mais il est également temps de faire le point.

La médiation animale n'a pas pour prétention de guérir les maladies, les troubles, et les pathologies. La démarche s'inscrit dans un souhait d'accompagner le patient, au travers des activités, et de la création d'un certain lien naturel et bienfaisant avec l'animal. Des animaux comme Héros, Réglisse, Coquin, Ibiza, Châtaigne, Champagne, Neige, Victoire, Iris et Vénus sont des éléments "facilitateurs", contribuant au bien-être, accompagnant les soins déjà réalisés.

L'équipe de l'association Calinsoins travaille main dans la main avec les professionnels du monde médical, pour mener au mieux ces actions de médiation animale à visée thérapeutique. Ici, à Henri IV, Solène oeuvre avec Caroline Averseng, la psychomotricienne de l'établissement.

"Je pense que pour l'animal, il y a aussi du positif"

Fin de séance, les animaux peuvent retourner chez eux. Après de courts moments, mais intensifs, un temps de repos adéquat doit être respecté.

À l'heure où les animaux médiateurs oeuvrent pour le bien-être des humain, il est donc légitime de se demander ce qu'il en est pour eux.

Force est de constater que la médiation marche avant tout au travers d'une entente mutuelle entre l'animal et le patient.

Existe-t-il vraiment des bienfaits pour lui? Vraisemblablement, les spécialistes du domaine s'entendent pour répondre de manière affirmative. Solène partage cet avis: "La médiation reste quelque chose de bénéfique, à tous les regards, y compris pour l'animal" conclue-t-elle.

La médiation animale, ou encore "zoothérapie" fait partie de ces moyens thérapeutiques encore peu explorés jusqu'ici.
Les animaux ne soignent pas, ne font pas guérir. Mais ils vont changer le fait d'appréhender une maladie. Dans cette pratique, le ressenti et l'aspect émotionnel priment.
Son succès tient en l'absence de jugement de l'animal envers la personne malade.
La médiation animale ne va pas exercer de traitement miracle, elle va seulement contribuer à alléger les peines et les douleurs.